LA CORÉE DU NORD SE NUCLÉARISE POUR SE PROTÉGER

Corée du nord et bombe nucléaire

Le secrétaire d’État américain a annoncé la volonté des États-Unis d’entamer des pourparlers « sans condition préalable » avec la Corée du Nord, alors que le président Donald Trump a maintenu ses positions sur une dénucléarisation de la Corée du Nord préalables à toute discussion. Cette divergence serait due soit à des canaux de communications secrets établis vers le pouvoir nord-coréen par le département d’État chargé des Affaires étrangères US (dans le dos de la Maison-Blanche) soit la conséquence directe du dernier missile tiré par la Corée du Nord. Il s’agirait en effet d’un nouveau type de missile balistique intercontinental ; il a atteint la plus haute altitude jamais atteinte par un missile nord-coréen (4 000 km). Pyongyang a affirmé qu’il serait d’ailleurs susceptible « d’atteindre n’importe quelle partie du territoire des États-Unis » (Médi-1 et Radio Japon international, le 29/11/17, relevés par Renseignor).

Un coup de maître pour ce petit pays : pour peser dans les relations internationales, le choix de l’arme nucléaire permet à la Corée du Nord d’éviter le regime change qu’ont subi les dirigeants dans le viseur de la politique étrangère néoconservatrice. Saddam Hussein ou Mouammar Kadhafi par exemple avaient interrompu leurs programmes nucléaires respectifs. Le leader nord-coréen Kim Jong-un maintient que l’objectif final de son pays est de parvenir à un équilibre des forces avec les USA (Korean Central News Agency, 16/09/17), tout en maintenant pragmatiquement que son pays reste ouvert au dialogue avec la « communauté internationale », États-Unis compris. Et, comme le soutient l’Ambassadeur Eric Danon, Directeur Général adjoint pour les Affaires politiques et de Sécurité du Ministère des Affaires étrangères français, il n’existerait à ce jour aucun modèle alternatif de sécurité mondiale en dehors du nucléaire.

Il s’agit donc de mauvaises nouvelles pour les partisans de la non-prolifération. Effectivement, les régimes politiques des pays voulant se protéger de l’hégémonie occidentale voudront inévitablement rejoindre le club très fermé des pays nucléarisés, à commencer bien évidemment par l’Iran. La Corée du Sud réfléchit aussi au nucléaire, de même que le Japon, pour leur sécurité vis-à-vis de leur voisin nord-coréen. À plus long terme, selon l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), des pays tels que la Turquie, l’Arabie Saoudite, l’Indonésie, l’Ukraine, le Brésil et l’Afrique du Sud seraient les premiers à avoir envie de suivre le chemin de la nucléarisation. Actuellement, les États- Unis, la Russie, le Royaume-Uni, la France et la Chine ont officiellement la bombe nucléaire et ont signé le Traité sur la non-prolifération (TNP) des armes nucléaires. À côté d’eux, l’Inde, le Pakistan et Israël ont acquis la bombe en dehors de tout traité. Ancienne signataire du TNP, la Corée du Nord l’a quitté en 2003, comme pour annoncer sa nucléarisation officielle à une période où l’interventionnisme américain à l’étranger était au plus haut.

Si la complexité et le coût d’une intervention américaine en Corée du Nord sont bien trop élevés, les bases américaines aux portes de la Chine (Japon, Corée du Sud, etc.) ont néanmoins de bonnes raisons de rester bien implantées sur place, et ce, grâce aux rodomontades de Trump. Rappelons que les USA, premiers donneurs de leçons de non-prolifération nucléaire, ont un arsenal immense (officiellement 4 018 têtes nucléaires) qu’ils ont été les seuls à utiliser contre le Japon en 1945.

Concernant le Dirigeant suprême de la République populaire démocratique de Corée, il est considéré par les universitaires étrangers travaillant sur place comme un réformateur du point de vue intérieur, après sa transition politique réussie à la mort de Kim Jong-Il en décembre 2011. Comme faits notables, il a multiplié par trois le nombre de zones économiques spéciales (régions géographiques où les lois économiques sont plus libérales que dans le reste du pays) et a largement libéralisé le pays par rapport à ses prédécesseurs (Diplomatie n° 89, Novembre/Décembre 2017, p.63). Subissant sanctions et embargos internationaux, l’économie nord-coréenne a étonnamment réussi à se développer (3,9 % de croissance en 2016 selon la Banque centrale de Corée du Sud) en comptant uniquement sur ses forces internes et sur des exportations vers la Chine (90 % des exportations nord-coréennes en 2016), selon le chercheur Antoine Bondaz (« Corée du Nord/États-Unis : jusqu’où ira la confrontation ? », Politique étrangère, vol. hiver, n° 4, 2017, p.103-114).

Autre donnée intéressante : d’après des rapports géologiques non confirmés, la Corée du Nord aurait les premières réserves de terres rares au monde (Diplomatie n ° 89 Novembre/ Décembre 2017, p.62). Ceci ferait de ce pays, aux ressources minières déjà très diversifiées, un pilier de ces matières minérales aux propriétés exceptionnelles utilisées dans la fabrication de produits de haute technologie.

Pour appréhender le cas interne nord-coréen à travers différents points de vue, à voir égale-ment les documentaires 1) pro-régime À la découverte de la Corée du Nord d’Égalité et Réconciliation et 2) anti-régime Voyage dans la Corée du Nord de Kim Jong-un d’Enquête exclusive (Groupe M6), pour tenter de se faire un avis objectif sur le pays le plus diabolisé par le monde occidental.

Franck Pengam

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