LES CONSÉQUENCES DES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS ET DES PESTICIDES

Danger pesticides

Sur 20 ans, le Dr Félicien Mbou a établi 8 à 10 fois plus de pubertés précoces chezles filles martiniquaises que dans le reste du monde. Si la puberté intervient avant l’âge de 9 ans chez les filles (développement de la poitrine), il s’agit alors de puberté précoce. Ce phénomène est allé jusqu’à toucher une petite fille de 2 ans. Il peut favoriser le surpoids, les troubles cardiovasculaires, le cancer du sein et des troubles du comportement. En moyenne, il y a 3 cas de puberté précoce pour 10 000 petites filles dans l’Hexagone contre 3 cas pour 1 000 petites filles (10 fois plus) en Martinique. Une étude du Pr. Charles Sultan constate une multiplication par 10 des cas sur une période de 20 ans (la puberté aurait avancé de 12 à 14 mois chez les filles) et conclut que dans 70 % des cas de précocité pubertaire, le facteur environnemental est présent. Le chlordécone, un pesticide interdit d’utilisation en 1989 en France et 4 ans plus tard aux Antilles, pourrait être une cause de cette précocité, ainsi que « l’effet cocktail » de multiples perturbateurs endocriniens. Ce pesticide est toujours extrêmement présent dans les aliments d’origine végétale ou animale issus des anciennes zones contaminées.

La dangerosité des perturbateurs endocriniens sur le développement du systèmenerveux est aujourd’hui prouvée. Une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) portée sur 529 petits garçons a souligné que l’exposition des femmes enceintes à certains phénols et phtalates est corrélée à des troubles du comportement de leurs garçons de 3 à 5 ans. 3 substances chimiques dangereuses ont été relevées : le bisphénol A (utilisé dans des objets courants comme des CD, casques de vélo, etc.), le triclosan (agent antibactérien que l’on trouve dans les savons, dentifrices ou gels douches) et le phtalate de dibutyle (ou DBP – utilisé comme plastifiant dans le PVC, certaines colles, des vernis à ongles ou des laques pour cheveux). Il y a donc un lien entre hyperactivité, troubles émotionnels et perturbateurs endocriniens dans ce cas précis.

Un autre rapport récent de l’INSERM révèle l’existence de troubles du comportementchez des enfants de 6 ans exposés à certains pesticides comme les pyréthrinoïdes. Ces derniers font partie de la deuxième génération de pesticides, censés être moins dangereux que leurs prédécesseurs, les organophosphorés. Ils restent tout de même des neurotoxiques qui modifient l’activité des neurones en les dépolarisant (afflux massifs d’ions, notamment de sodium, à travers leur membrane). Conséquence des pyréthrinoïdes chez les enfants : des phénomènes d’anxiété, de nervosité, de tristesse, des difficultés de socialisation et d’empathie, des problèmes de distraction, d’hyperactivité ou d’impulsivité, ou encore des accès de colère fréquents.

La Commission européenne et les États membres ont réautorisé l’utilisation du sulfate de cuivre, un pesticide controversé autorisé en agriculture biologique comme bactéricide et fongicide, notamment pour traiter les pommes de terre, les raisins, les tomates et les pommes. L’Autorité européenne pour la sécurité alimentaire (EFSA) et l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) ont toutes deux estimé que l’utilisation de cette substance comporte des risques pour l’environnement, et particulièrement pour les agriculteurs, les oiseaux, les mammifères et les organismes du sol. Selon le rapport de l’EFSA sur les résidus de 140 pesticides (avril 2017), le cuivre est le pesticide le plus retrouvé sur les aliments biologiques, suivi de l’ion bromure.

L’augmentation du recours à certains néonicotinoïdes (insecticides) dans l’agriculture, en particulier sur le blé, est un des principaux facteurs responsables de la disparition massive des oiseaux dans les campagnes françaises (1/3 en moins en 15 ans), selon les études du CNRS et du Muséum d’Histoire naturelle, ainsi que du déclin massif des insectes qui s’est accéléré à la fin des années 2000. En octobre 2017, des chercheurs allemands et britanniques ont publié des travaux établissant le déclin massif des insectes invertébrés volants de 75 % à 80 % sur le territoire allemand depuis le début des années 1990. 

À Cuba, certains apiculteurs peuvent récolter jusqu’à 45 kg de miel par ruche dans ce pays qui a abandonné les pesticides dans les années 90. En France, la production moyenne se situe à la moitié de celle de Cuba à cause, entre autres, de l’usage de pesticides. L’abeille est le principal insecte pollinisateur de la planète, essentiel dans le maintien de l’équilibre des écosystèmes et de l’agriculture. En trente ans, près de 80 % des insectes volants auraient disparu d’Europe et ces dernières années, le taux de mortalité des abeilles est passé de 5% par an à 30% par an en moyenne. En moins de 10 ans, 30 à 40 % des colonies ont disparu en Europe. Dans le département de l’Aisne, les chiffres vont de 80 à 100% de mortalité. Début mai 2018, les apiculteurs de Dordogne ont comptabilisé 3 000 ruches totalement désertées.

Les pesticides et insecticides figurent au premier rang des causes du déclin des populations d’abeilles, de papillons et de moucherons dans le monde. Le déclin des pollinisateurs notamment nuirait à la qualité des récoltes et à la quantité de matières premières ; près des trois quarts des cultures vivrières dépendent de la pollinisation. L’UE a donc récemment décidé d’interdire trois néonicotinoïdes (la clothianidine, l’imidaclopride et le thiaméthoxame), qui sont neurotoxiques pour les abeilles, sur toutes les cultures en plein champ. Ces insecticides peuvent néanmoins toujours être utilisés en serre.

Pour finir, soulignons que les époux Claude et Lydia Bourguignon, experts agronomes reconnus et fondateurs du Laboratoire d’analyse microbiologique des sols (LAMS), alertent depuis les années 70 des conséquences de l’agriculture intensive en France. La dégradation rapide de la biomasse et de la richesse des sols en micro-organismes amène à un énième constat fin 2017 : « certains sols des vignes françaises ont la même activité biologique que des sols du Sahara  ».

Franck Pengam

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