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QUEL AVENIR POUR LA PRODUCTION MONDIALE D’ARGENT MÉTAL ?

Investir dans l'argent

Les deux plus gros pays producteurs ont particulièrement été touchés par le confinement

Les principaux mineurs d’argent ont naturellement une grande exposition au Mexique et au Pérou, où les gouvernements ont forcé des verrouillages nationaux pour lutter contre le COVID-19. Les minières qui ont le plus impacté le rendement moyen des principales sociétés impliquées dans l’argent sont localisées au Pérou. Pays qui a d’ailleurs vu sa production d’argent s’effondrer en avril dernier avec la fermeture d’une grande partie de l’industrie minière.

Ce deuxième plus grand fournisseur en mines d’argent au monde a vu sa production chuter de 237 tonnes (7,6 Moz) en avril 2020 par rapport au même mois de l’année d’avant. Cela représente environ le tiers de sa production ce qui est colossal. Selon les données récemment publiées, l’offre de mines d’argent du Pérou en avril est tombée à 85 tonnes à comparer aux 322 tonnes produites à la même période l’année dernière.

Le 3 juillet dernier, le Pérou a publié ses chiffres de production de mai établis à 116 tonnes. C’est moins mauvais qu’en avril, mais toujours en baisse de 66 % par rapport au même mois l’an dernier. Au cours des cinq premiers mois de 2020 (janvier-mai), la production nationale d’argent a diminué de 485 tonnes (15,6 Moz), soit 32% par rapport à la même période l’an dernier.

Même si l’industrie minière du Pérou se redresse totalement pour le reste de l’année, la production d’argent du pays ne pourra pas compenser les pertes dues au confinement. L’approvisionnement des mines d’argent du Pérou a atteint en 2017 un pic de 4 416 tonnes (142 Moz), et s’il se rétablit totalement jusqu’à décembre prochain, la production sera de 3 359 à 3 421 tonnes (108 à 110 Moz). Si tel est le cas, la production d’argent du Pérou en 2020 aura chuté de 22% par rapport à son sommet de 2017.

Avec le Mexique, premier pays producteur d’argent, la perte pourrait être estimée à 1 555 tonnes (50 Moz) d’argent métal en moins pour cette année 2020. Au cours de la dernière décennie, le site spécialisé dans les métaux précieux SRSrocco Report estime qu’environ 60 % des mines d’argent de 2010 à 2019 ont déjà été économiquement perdues, à cause du faible prix des cours de l’argent métal.

Industrie Minière Franck Pengam
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L’ère des mines d’argent à haute teneur touche à sa fin

Fait remarquable, le rendement moyen des principaux mineurs d’argent primaire est tombé au plus bas jamais enregistré en 2019 ; les rendements de nombreuses mines d’argent à haute teneur ont chuté de façon drastique. Par exemple, la mine phare de la société Fresnillo au Mexique avait vu son rendement moyen baisser de 15 oz/t (once par tonne) en 2005 à seulement 5,3 oz/t l’an dernier. C’est une réduction conséquente vu qu’en seulement 14 ans près de 10 oz/t de rendement en argent se sont évaporées.

Le rendement moyen des principales sociétés d’extraction d’argent primaire est effectivement passé de 13 oz/t en 2005 à 6,0 oz/t l’an dernier. Cela représente une baisse de 54%. Cela signifie que ces sociétés d’extraction d’argent doivent extraire, transporter et traiter plus du double de la quantité de minerais qu’en 2005 pour produire la même quantité de métal. Le même phénomène se déroule dans les mines d’or, mais dans des proportions moins catastrophiques.

Si nous combinons les sept principaux mineurs d’argent primaire, le rendement moyen de 2019 est tombé à un niveau record :

Top des sociétés qui produisent de l'argent métal

Début 2020, les mineurs du SIL-top-17 produisant de l’argent ont déclaré des coûts décaissés moyens (trésorerie dépensée au cours d’un exercice) de 7,93 $ par once. Il s’agit d’un nouveau sommet de 16 trimestres, bien au-dessus de la fourchette de négociation précédente de 3,95 $ à 7,39 $ oz. Les résultats des principaux mineurs d’argent ont donc été décevants au premier trimestre, malgré la hausse des prix de l’argent en vigueur. Même avant que les fermetures de mines liées au COVID-19 ne se généralisent, la production d’argent avait déjà plongé, entraînant une baisse des revenus. Cela a amené des pertes à l’échelle de l’industrie, bien que les flux de trésorerie d’exploitation aient réussi à augmenter la production d’or.

Toujours au premier trimestre 2020, les principaux mineurs d’argent du SIL (l’ETF de référence des mineurs d’argent, cf. revue précédente) que sont First Majestic Silver et Fortuna Silver Mines ont généré 61,5% et 64,3% de leurs ventes avec l’argent métal. Le reste du top 17 du SIL est désormais majoritairement… des mineurs d’or primaire ! Il n’y a en réalité tout simplement plus assez de mineurs d’argent majeurs pour construire un véritable ETF de mineurs d’argent primaire.

L’argent reste néanmoins très bon marché par rapport à l’or et garde toujours un potentiel à la hausse pour rétablir leur relation historique normale (cf. l’analyse du ratio or/argent de la revue Or & Argent n°2 d’avril 2020).

Le ratio or/argent s’est fortement corrigé comme annoncé en mars dernier :

Ratio or/argent

Source : https://www.macrotrends.net/1441/gold-to-silver-ratio

Ensemble, les principaux mineurs d’argent du SIL n’ont produit que 53,9 Moz d’argent au deuxième trimestre. C’était de loin le plus bas des 17 trimestres avec une baisse de 26,0% en glissement annuel. L’argent s’établissant à nouveau en moyenne à 16,36 $ au T2, cela impliquait une rentabilité du secteur de 4,15 $ l’once. Étonnamment, les bénéfices ont en fait augmenté de 23,1% en glissement annuel par rapport à ceux du T2 2019. Je m’attendais à une bonne rentabilité, mais pas aussi tôt étant donné les verrouillages du Covid-19 qui détruisent la production d’argent et d’or de ces mineurs. La croissance brutale des cours de l’argent et de l’or ont vraiment aidé.

Malgré de nombreux points négatifs, les actions d’argent gardent donc de bonnes chances de performer à moyen-long terme grâce à la hausse des prix de l’argent qui améliore substantiellement les fondamentaux des mineurs d’argent pour les prochains trimestres.

La production d’argent aurait été en excédent sans le Covid-19

La production issue des mines d’argent était d’ailleurs censée augmenter de 2% en 2020, sa première augmentation annuelle en cinq ans, selon l’association industrielle internationale Silver Institute. Le marché de l’argent devait se clôturer cette année avec un excédent structurel (l’offre totale moins la demande totale) d’environ 15 Moz. À ce niveau, l’excédent aurait tout de même été le plus bas en cinq ans. Malheureusement, cela n’aura sûrement pas lieu cette année à cause du confinement.

Les fondamentaux de cette croissance s’appuyaient sur plusieurs agrandissements de mines à pleine production et sur plusieurs exploitations minières nouvellement mises en service. Avec la pandémie de Covid-19 et le confinement, cette tendance a donc été retardée. Pis, avec la conjoncture actuelle, il est possible que l’offre finisse en déficit cette année. L’explosion de la demande d’argent métal, tant boursière que physique, ne cesse de croître avec l’instabilité mettant ainsi une pression sur l’offre.

Selon la même source, le recyclage d’argent devait connaître sa quatrième année consécutive de croissance (néanmoins minime) en raison de l’expansion continue du marché de l’oxyde d’éthylène. Il s’agit d’une industrie consommatrice majeure d’argent pour produire du plastique, dont le fameux polyester utilisé dans le textile. La hausse des prix des métaux pourrait également stimuler les rebuts de bijoux et d’argenterie sur des marchés sensibles aux prix comme l’Inde.

La plupart de l’argent extrait reste toutefois économiquement perdu à jamais. Au cours de la dernière décennie, 8,35 Md oz ont été produits par les mineurs d’argent du monde et 4,8 Md oz d’argent ont été consommées dans le secteur industriel. Seulement 8% de la demande mondiale d’or est utilisée dans la technologie (2010-2019) contre environ 50% pour l’argent. En moyenne, environ 20% de la demande annuelle d’argent industriel est recyclée.

Ainsi, seulement 9,6 Moz des 4,8 Md oz d’argent consommées dans le secteur industriel seront probablement récupérées. Un total d’environ 1,86 Md oz d’argent seraient récupérés des 8,35 Md oz d’approvisionnement en mines d’argent dans les secteurs industriels, de la bijouterie, de l’argenterie et de l’investissement physique en argent (supposé à 100% recyclé).

Approvisionnement et recyclage des mines aurifères et argentifères (2010-2019) :

 Approvisionnement mondial en minesRecyclage mondialRatio recyclage/approvisionnement
Or1,03 Md oz424 Moz41%
Argent8,35 Md oz1,86 Md oz22%

À quoi servent ces données pour l’analyse actuelle ?

Un ralentissement économique du monde signifie une demande moindre pour de nombreux métaux de base. Cela exerce également une pression sur leurs prix, rendant certains projets moins économiques, ce qui pourrait obliger certaines minières à ralentir, voire suspendre des opérations. Lorsque cela se produit, la quantité d’argent qu’ils produisent ralentit ou s’arrête également.

Selon les estimations du négociant en métaux précieux GoldSilver, environ 51 % de la production d’argent ont été mises hors ligne lors du confinement mondial. Sur une base mensuelle, cela équivaut à une perte de 36,7 Moz d’argent et comme soutenu dans le numéro d’avril, une mine peut mettre plusieurs semaines à revenir à une activité totale.

SRSrocco Report va beaucoup plus loin en postulant que l’offre mondiale de mines d’argent diminuerait entre 100 et 150 Moz en 2020, notamment à cause du verrouillage des économies péruviennes et mexicaines.

En somme, l’offre mondiale de mines d’argent chute au moment même où nous constatons une demande record d’investissement d’argent physique qui se traduit par des primes élevées sur certaines pièces et lingots.

Il faudra donc retenir que la production subit de forts ralentissements et que l’offre actuellement disponible est de plus en plus restreinte. À long terme, l’argent se révélera ainsi être un meilleur investissement par rapport l’or en raison de la rareté bien plus importante du métal gris, de son moindre recyclage et du manque d’approvisionnement disponible beaucoup plus important à l’avenir.

Il faut néanmoins être prêt à subir de fortes volatilités, inévitables avec l’instabilité chronique de cette décennie.

Franck Pengam

Extrait de la revue Or & Argent.

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