🔥 Les essentiels de cette actualité
- Brice Oligui Nguema remporte l’élection avec 90,35 % des voix, après un coup d’État en 2023. Une démocratie de façade ?
- Le Gabon, riche en ressources, souffre d’inégalités et d’infrastructures délabrées. Les Gabonais attendent toujours des améliorations.
- L’Union européenne reste silencieuse face à ce scrutin. Un deux poids, deux mesures qui favorise le statu quo.
Peut-on vraiment parler de démocratie lorsqu’un général putschiste rafle plus de 90 % des voix après avoir renversé un régime corrompu… pour mieux s’y substituer ? L’élection présidentielle d’avril 2025 au Gabon, remportée par Brice Oligui Nguema, n’a surpris personne. Elle confirme, une fois de plus, la capacité des élites militaires africaines à perpétuer leur emprise sous des oripeaux civils.
Derrière le rideau démocratique, c’est toujours le même théâtre d’ombres. Et pendant que les institutions européennes saluent la « transition », le peuple gabonais, lui, continue de survivre au bord de l’effondrement.
Une élite qui joue contre son propre peuple
Brice Oligui Nguema, général auteur du coup d’État d’août 2023 contre la dynastie Bongo, s’est autoproclamé président civil après s’être mis en disponibilité de l’armée. Une mascarade de légalité pour asseoir une légitimité factice. Avec 90,35 % des voix, il rejoint le club des présidents africains « écrasants », ceux qui ne laissent aucune chance à leurs opposants, ni dans les urnes, ni dans les médias, ni dans la rue.
En ce jour si important pour notre démocratie, je tiens à m’adresser à vous, peuple gabonais, avec respect et reconnaissance. Je rends d’abord grâce à Dieu, qui ne cesse de m’accorder la force et la sagesse nécessaires pour servir notre Nation avec engagement et humilité.
Son principal adversaire, Alain-Claude Bilie By Nze, a recueilli à peine 3 % des voix. Les six autres candidats sont inexistants dans les résultats officiels. De quoi douter sérieusement de la sincérité du scrutin, malgré les communiqués lénifiants des observateurs internationaux, qui saluent un vote « calme et ordonné », mais reconnaissent eux-mêmes des zones d’ombre.
Le double langage du pouvoir
Le discours d’Oligui Nguema est un modèle de duplicité. En 2023, il promettait une transition vers un pouvoir civil, un rétablissement de l’État de droit, une nouvelle ère pour le Gabon. Deux ans plus tard, il s’installe au sommet de l’État avec tous les leviers du pouvoir entre ses mains, grâce à une constitution taillée sur mesure. Le Premier ministre est supprimé, le vice-président devient une potiche, et le chef de l’État concentre tout : l’exécutif, le législatif, et bientôt, la magistrature.
Ce que l’on présente comme un retour au régime constitutionnel est en réalité une reconfiguration du pouvoir autour d’un homme fort. Il ne s’agit pas de démocratie, mais d’un recyclage de la dictature sous des formes plus acceptables pour la communauté internationale. Une opération de communication politique orchestrée pour satisfaire les bailleurs, apaiser l’Union africaine, et rassurer Paris.
Des sacrifices pour les Gabonais, des profits pour les intérêts étrangers
Pendant que les élites festoient, que les partisans du régime paradent avec leurs t-shirts « C’BON », la réalité sociale du pays reste inchangée. Le Gabon est l’un des pays les plus riches d’Afrique en ressources naturelles, mais aussi l’un des plus inégalitaires. Routes impraticables, hôpitaux en ruine, écoles délabrées, coupures d’électricité permanentes : le quotidien des Gabonais est un affront permanent à la richesse de leur sol.
La dette publique explose à 73,3 % du PIB. Un chiffre vertigineux pour une population d’à peine 2,3 millions d’habitants. Les revenus pétroliers n’ont jamais profité au peuple. Ils sont siphonnés par une caste, puis redistribués entre multinationales, hauts fonctionnaires, et hommes d’affaires liés au pouvoir. Et que fait la France, ancien colonisateur et toujours premier partenaire économique ? Elle soutient ce « retour à la stabilité », en fermant les yeux sur l’imposture démocratique.
Une démocratie de façade pour plaire à Bruxelles
Ce scrutin gabonais, avec ses allures de plébiscite soviétique, aurait dû déclencher l’indignation de l’Union européenne. Mais non : silence radio. L’UE, si prompte à s’offusquer lorsqu’un pays européen remet en cause l’agenda bruxellois, devient curieusement muette lorsqu’un chef militaire africain s’impose au pouvoir avec 90 % des voix.
Pourquoi ce deux poids, deux mesures ? Parce que l’essentiel est sauf : le Gabon reste arrimé au franc CFA, fidèle au FMI, et coopératif dans ses relations diplomatiques. Le maintien du statu quo importe plus que l’aspiration démocratique des peuples africains. C’est le pacte tacite entre technocratie internationale et autocraties locales : vous gardez le pouvoir, tant que vous servez nos intérêts.
Un système verrouillé, des peuples trahis
Il est faux de croire que les Gabonais sont dupes. Ils connaissent les règles du jeu. Ils ont vu les Bongo piller le pays pendant un demi-siècle. Ils ont espéré, un court instant, que la chute du clan allait ouvrir une nouvelle page. Mais cette élection a démontré que le système se régénère, que les mêmes logiques de prédation demeurent, et que le peuple reste une variable d’ajustement.
La liesse populaire, largement médiatisée, n’efface pas les manipulations. On célèbre un changement de façade, pas un changement de régime. La propagande officielle veut faire croire à une adhésion massive ; en réalité, la peur, la résignation, et l’absence d’alternative ont joué leur rôle. Ceux qui avaient le pouvoir l’ont gardé. Ils ont seulement changé de costume.
L’élection de Brice Oligui Nguema n’est pas une victoire démocratique, c’est une confirmation tragique : les régimes changent, les méthodes restent. Ce n’est pas une transition, mais une transmutation du pouvoir, où l’uniforme cède la place au costume, sans que les pratiques ne changent.
Et pendant que l’Occident se gargarise de stabilité retrouvée, les Gabonais attendent toujours l’eau courante, des soins dignes de ce nom, et une école pour leurs enfants. La communauté internationale, complice par intérêt, avalise ce simulacre. C’est une gifle pour ceux qui, au Gabon comme ailleurs, rêvent encore de souveraineté, de justice et de dignité.
Mais cette histoire ne concerne pas seulement l’Afrique. Elle est aussi le reflet de notre propre décadence, celle d’un Occident qui sacrifie les peuples sur l’autel de ses intérêts économiques et géopolitiques. Tant que nous accepterons ce double discours, nous resterons les témoins impuissants d’un monde dirigé par les imposteurs.
IMPORTANT - À lire
Derrière les mascarades électorales, les peuples africains restent les grands perdants d'un système qui perpétue les inégalités et la prédation des ressources. Au Gabon comme ailleurs, les élites militaires et politiques se disputent le pouvoir, avec la complicité d'un Occident qui ferme les yeux tant que ses intérêts sont préservés.
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