🔥 Les essentiels de cette actualité
- Un cessez-le-feu conclu entre les Houthis et les États-Unis, annoncé par Oman le 6 mai 2025, met fin aux tensions en mer Rouge.
- Les attaques houthis contre les navires commerciaux et les frappes américaines au Yémen cessent, mais les enjeux géopolitiques restent complexes.
- Oman, maître de la médiation, tire profit de cet accord, tandis que les motivations des Houthis et les réactions de Trump suscitent des interrogations.
Un accord de cessez-le-feu a été conclu entre les rebelles houthis du Yémen et les États-Unis, comme l’a annoncé le 6 mai 2025 Badr Al-Boussaïdi, ministre des Affaires étrangères d’Oman, médiateur clé dans les crises du Moyen-Orient. Il a déclaré sur X :
I am pleased to say that efforts have resulted in an end to the conflict between the two sides.
Cette trêve marque un tournant après des mois d’attaques houthies contre des navires commerciaux en mer Rouge, perturbant le commerce mondial. Les États-Unis ont intensifié leurs frappes contre les positions des rebelles pour protéger leurs intérêts dans la région, tandis que la France et ses alliés européens semblaient spectateurs de ce conflit impactant directement l’économie mondiale.
Oman, petit sultanat discret mais redoutable dans l’art de la négociation entre puissances ennemies, confirme une fois de plus son statut de facilitateur.
Les enjeux de l’accord de cessez-le-feu
Reste à savoir ce que vaut réellement cet accord, sachant que les promesses d’apaisement dans cette région n’ont généralement pas tenu plus longtemps que le temps nécessaire pour recharger les armes. Les Houthis, soutenus par l’Iran, n’ont jamais caché leur hostilité envers l’Occident et particulièrement les États-Unis, qu’ils considèrent comme complices d’Israël.
Les analystes les plus lucides y verront surtout une manœuvre de Washington pour détendre l’étau autour de l’Iran et peut-être obtenir des concessions sur le dossier nucléaire. Comme toujours dans cette région, les apparences de paix cachent souvent des tractations bien plus complexes où les intérêts nationaux risquent d’être sacrifiés au profit de la géopolitique américaine.
Dans ce jeu d’échecs macabre, Washington et les Houthis doivent maintenant ranger leurs pièces. L’armée américaine, fidèle alliée de Tel-Aviv, doit abandonner ses frappes sur le Yémen, qu’elle a multipliées depuis mi-mars. En face, les rebelles houthis, bénéficiant du soutien iranien, doivent cesser de s’en prendre aux navires battant pavillon américain en mer Rouge.
Les motivations derrière les actions des Houthis
Ces insurgés yéménites, maîtres du port stratégique d’Hodeïda et d’une bonne partie du pays, avaient commencé à prendre pour cible des bateaux commerciaux qu’ils jugeaient liés à Israël. Une réponse directe à l’offensive sanglante menée par l’État hébreu sur Gaza après l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023.
Leur motivation ? Un soutien sans faille au peuple gazaoui, pour lequel ils ont aussi organisé d’immenses rassemblements populaires dans les territoires qu’ils contrôlent. Des images impressionnantes que les médias mainstream ont soigneusement évité de diffuser.
Houthis in Yemen: « Palestine is part of Yemen, and your aggression strengthens our determination to support Gaza. » Look at the pathetic state of those fools.
Face à cette résistance, Trump n’a pas hésité longtemps. Dès janvier, l’administration américaine déclenchait une campagne de bombardements contre les positions houthis au Yémen.
Les réactions et les perspectives d’avenir
Ce bras de fer entre David et Goliath vient encore illustrer l’hypocrisie occidentale : on nous parle de paix tout en livrant des armes, on défend le droit international quand ça nous arrange, et on le piétine quand nos intérêts sont en jeu.
Après l’annonce diplomatique d’Oman, Trump a livré sa version des faits sans filtre.
« Les houthistes ont annoncé (…) qu’ils ne voulaient plus se battre. (…) Et nous allons honorer cela. Nous arrêterons les bombardements, et ils ont capitulé », a-t-il déclaré .
Il a aussitôt ordonné l’arrêt des frappes américaines, une décision applicable sur-le-champ.
Trump, fidèle à son style direct qui tranche avec les tournures alambiquées des diplomates, a également évoqué une « très, très grande annonce » à venir avant sa tournée dans le Golfe du 13 au 16 mai. Comme souvent, il garde ses cartes près du corps – une stratégie qui déroute ses adversaires mais rassure ses partisans.
Les médias mainstream et l’oubli volontaire des causes
Les médias mainstream évitent soigneusement de rappeler que ces « terroristes » sont en réalité des combattants yéménites qui défendent leur souveraineté face aux ingérences étrangères. Une situation qui rappelle étrangement d’autres conflits où l’Occident distribue des étiquettes selon ses intérêts du moment.
Oman se frotte les mains. Ses manœuvres diplomatiques viennent enfin de payer. Le sultanat n’a pas caché sa satisfaction et a adressé ses louanges aux deux camps pour leur « approche constructive », d’après un communiqué du ministère des Affaires étrangères.
Derrière cette satisfaction affichée, Mascate nourrit l’espoir que « ce développement va ouvrir la voie à d’autres progrès sur des questions régionales ». Une formule diplomatique qui cache sans doute d’autres ambitions stratégiques dans la région.
Le timing de ces négociations est révélateur. Selon Farea Al-Muslimi, un expert du Yémen rattaché à Chatham House, Oman travaille sur cet accord depuis la mi-avril. Près de trois mois de tractations discrètes qui aboutissent aujourd’hui.
Les calculs géopolitiques derrière la médiation omanaise
Cette réussite omanaise soulève toutefois des questions. Pourquoi cet empressement diplomatique maintenant ? Quels intérêts se cachent derrière cette médiation ? Ce n’est pas la première fois qu’un pays du Golfe joue les entremetteurs dans des conflits régionaux, souvent pour étendre son influence, tandis que les populations locales continuent de souffrir.
À l’heure où les grandes puissances occidentales dictent leur agenda au Moyen-Orient, cette initiative omanaise pourrait être lue comme une tentative des acteurs régionaux de reprendre la main sur leur destin. Une chose est sûre : l’eau a coulé sous les ponts depuis le début des discussions en avril, et le jeu d’échecs géopolitique est loin d’être terminé.
« Les Omanais ont flairé le besoin pressant de Trump d’arracher une victoire avant sa tournée au Moyen-Orient, et ils n’ont pas hésité à la lui servir sur un plateau. C’est du donnant-donnant pour tout le monde : Oman y gagne, Trump empoche un succès, et même les houthistes s’en tirent bien », explique Farea Al-Muslimi.
Bien que l’accord se concentre uniquement sur l’arrêt des attaques contre les bateaux américains – tant commerciaux que militaires – et sur les frappes au Yémen, « il ne faut pas se leurrer, cette entente est forcément liée aux discussions avec l’Iran. C’est une pièce du puzzle », insiste-t-il.
Le conflit israélo-houthiste et ses répercussions
L’accord exclut toutefois le conflit israélo-houthiste. Ces rebelles yéménites, pions essentiels dans l’« axe de la résistance » anti-israélien orchestré par l’Iran, ont vu leur alliance affaiblie par Israël durant l’automne 2024, avec des frappes dévastatrices au Liban et en Syrie.
Les tirs yéménites contre Israël, suspendus pendant deux mois début 2025 grâce à la trêve à Gaza, ont repris dès que l’armée israélienne a recommencé à bombarder l’enclave palestinienne le 18 mars.
Dans les chancelleries occidentales, personne ne s’est ému de cette reprise des hostilités, comme si les Palestiniens étaient devenus les oubliés d’un conflit interminable.
La chaîne des rebelles Al-Massirah rapporte que les bombes israéliennes ont également pulvérisé des stations électriques et une cimenterie – des infrastructures civiles essentielles. Le bilan humain s’alourdit, avec trois morts confirmés, sans précision sur leur statut civil ou militaire.
Des civils, toujours pris entre deux feux, paient le prix fort dans cette nouvelle escalade régionale. Pendant ce temps, nos dirigeants occidentaux ferment les yeux sur les actions israéliennes, préférant brandir des principes à géométrie variable selon le camp en présence.
Coup dur pour Nétanyahou
Les États-Unis ont négocié cet accord en toute discrétion avec Oman et les Houthis, sans en avertir leur allié israélien. Une gifle diplomatique que Benjamin Nétanyahou n’a pas digérée.
Furieux d’avoir été mis devant le fait accompli, le Premier ministre israélien a promis aux rebelles yéménites et à leurs soutiens iraniens une riposte avec « beaucoup de boums ».
IMPORTANT - À lire
Vous voulez aller plus loin dans la compréhension des enjeux géopolitiques qui se cachent derrière cet accord de cessez-le-feu entre les États-Unis et les rebelles houthis du Yémen ? Notre revue papier approfondit chaque mois l'analyse des conflits au Moyen-Orient, décryptant les stratégies des différents acteurs et les conséquences pour les populations locales.
Plongez au cœur des coulisses diplomatiques et des jeux d'influence qui façonnent l'avenir de cette région du monde. Notre revue vous offre un regard unique et documenté, loin des discours convenus des médias mainstream, pour mieux comprendre les enjeux qui se jouent aujourd'hui et anticiper les crises de demain.