Israël a récemment annoncé la légalisation de 22 colonies situées en Cisjordanie occupée, marquant ainsi la plus grande expansion coloniale depuis des décennies. Ces implantations, autrefois considérées comme des avant-postes illégaux, vont désormais bénéficier d’une reconnaissance officielle par le gouvernement israélien. Cette décision a été rendue publique par le ministre de la Défense, Israel Katz, et son collègue des Finances, Bezalel Smotrich, deux figures de la droite nationaliste israélienne. À leurs yeux, cette régularisation constitue un acte de souveraineté et une barrière stratégique contre la création d’un État palestinien.
Mais derrière ce geste politique se cache une réalité profondément inquiétante. En légalisant ces colonies, Israël ne se contente pas de violer les résolutions internationales — notamment la résolution 2334 du Conseil de sécurité de l’ONU — il franchit un nouveau seuil dans une politique de fait accompli qui détruit chaque jour un peu plus les chances d’un règlement pacifique du conflit israélo-palestinien.
Une stratégie d’annexion méthodique
Cette expansion territoriale n’est ni spontanée ni improvisée. Depuis la guerre des Six Jours en 1967, Israël a construit quelque 160 colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, abritant aujourd’hui près de 700 000 colons juifs. Ces territoires, que les Palestiniens revendiquent pour établir leur futur État, ont été méthodiquement grignotés au fil des décennies par un réseau de routes, de barrières, de zones militaires et d’infrastructures civiles destinées à renforcer l’ancrage israélien.
Les nouvelles colonies récemment légalisées s’inscrivent dans cette logique d’annexion progressive. Il ne s’agit pas seulement de quelques logements supplémentaires : il s’agit d’un bouleversement géopolitique destiné à remodeler en profondeur la géographie de la Cisjordanie. Selon l’organisation israélienne La Paix Maintenant, ces implantations auront pour effet direct de fragmenter davantage le territoire palestinien, rendant toute continuité territoriale impossible et réduisant à néant la viabilité d’un futur État palestinien.
L’impunité d’Israël face au droit international
Le droit international est on ne peut plus clair : les colonies israéliennes en territoire occupé sont illégales. La quatrième Convention de Genève interdit à une puissance occupante de transférer une partie de sa population civile dans les territoires qu’elle occupe. Pourtant, Israël continue d’ignorer cette disposition, en prétendant que la Cisjordanie est un « territoire disputé » et non occupé. Une interprétation qui ne trouve aucun écho sérieux auprès des juristes du droit international, mais qui permet à l’État hébreu de justifier sa politique d’implantation devant sa propre opinion publique.
Ce mépris ouvert pour les conventions internationales pourrait susciter l’indignation, voire entraîner des sanctions dans d’autres contextes. Pourtant, quand il s’agit d’Israël, la communauté internationale se contente, au mieux, de déclarations symboliques et de condamnations diplomatiques sans effet. L’ONU condamne, les ONG alertent, mais aucun mécanisme coercitif n’est mis en place pour freiner cette colonisation rampante.
Le silence assourdissant des puissances occidentales
Les grandes puissances, notamment les États-Unis et l’Union européenne, s’illustrent une fois de plus par leur inertie. Les dirigeants européens, si prompts à brandir les principes du droit international à chaque occasion — lorsqu’il s’agit de la Russie, de la Chine ou de n’importe quel autre pays non-aligné — restent d’une discrétion troublante face aux violations israéliennes.
Cette hypocrisie criante reflète un système international à géométrie variable, où les droits de l’homme et les principes juridiques universels sont appliqués de manière sélective. Deux poids, deux mesures : un mantra désormais bien connu des observateurs du conflit israélo-palestinien. Lorsque Tel-Aviv grignote des pans entiers de territoire palestinien, cela suscite peu de réactions, voire une acceptation tacite. À l’inverse, d’autres États sont immédiatement frappés de sanctions pour des actes similaires, voire moins graves.
La complaisance occidentale trouve aussi ses racines dans les alliances stratégiques, économiques et militaires tissées avec Israël. En dépit des discours officiels prônant la paix, les États-Unis continuent de fournir une aide militaire massive à Tel-Aviv, tandis que l’Europe maintient des accords de coopération économique sans remettre en cause l’expansion coloniale. Ce silence complice est non seulement immoral, mais il alimente la radicalisation, la frustration et l’instabilité à long terme dans la région.
Une solution à deux États de plus en plus illusoire
Chaque nouvelle colonie vient refermer un peu plus la porte à la solution à deux États, pourtant défendue depuis des décennies par les chancelleries occidentales. Sur le terrain, cette perspective est aujourd’hui quasi irréalisable. Les enclaves palestiniennes, morcelées et encerclées par des infrastructures coloniales, ne forment plus un territoire viable. Elles ressemblent de plus en plus à des bantoustans, sans continuité géographique, sans accès aux ressources naturelles, et sans maîtrise de leur sécurité.
Le discours d’Israel Katz est révélateur de cette impasse stratégique. Pour lui, légaliser ces colonies revient à empêcher la naissance d’un État palestinien qui représenterait, selon ses termes, un « danger pour Israël ». Ce renversement sémantique — où l’oppresseur se présente comme la victime — est devenu une constante dans la rhétorique israélienne. Il justifie tout, y compris les violations les plus flagrantes des droits humains et du droit international.
La dépossession des Palestiniens : une tragédie à huis clos
Pour les Palestiniens, chaque nouvelle légalisation d’une colonie représente bien plus qu’une violation juridique : c’est une dépossession concrète. Perte de terres, démolitions de maisons, évictions forcées, restrictions de mouvement, violences de la part de colons protégés par l’armée israélienne… La colonisation n’est pas un concept abstrait, c’est une réalité brutale et quotidienne.
Des villages comme Burqa, près de l’avant-poste de Homesh, sont directement menacés par cette expansion. Les familles vivent dans l’incertitude, souvent privées de recours face à une justice militaire qui sert avant tout les intérêts de la colonisation. Cette violence structurelle, souvent invisibilisée, détruit les espoirs d’une jeunesse qui n’a connu que l’occupation.
Une paix impossible sans justice
L’idée d’un « processus de paix » semble aujourd’hui totalement déconnectée de la réalité. Comment négocier sérieusement quand un des deux camps continue, jour après jour, à créer de nouveaux faits accomplis sur le terrain ? La colonisation est un acte politique, un choix stratégique, et non une conséquence secondaire d’un conflit. Elle traduit la volonté de domination d’un État sur un peuple, au mépris de tous les accords signés.
Tant que cette logique ne sera pas inversée, toute tentative de médiation est vouée à l’échec. On ne construit pas la paix sur l’injustice. On ne bâtit pas la sécurité sur la spoliation. Et on ne gagne pas la légitimité en bafouant la légalité internationale.
Le besoin urgent d’une pression internationale crédible
Face à cette impasse, il devient impératif de repenser les leviers d’action disponibles. La simple condamnation verbale ne suffit plus. Des sanctions ciblées contre les responsables de la colonisation, un gel des accords commerciaux tant que le droit international n’est pas respecté, ou encore un appui renforcé à la Cour pénale internationale pourraient constituer des premières mesures dissuasives.
Il ne s’agit pas de prendre parti de manière aveugle, mais d’exiger le respect des normes juridiques universelles. Un État qui viole le droit international de manière répétée doit en assumer les conséquences, quelle que soit sa puissance ou son statut diplomatique.
Israël-Palestine. La nouvelle ne va pas faire les titres des journaux. Et pourtant, elle sape encore un peu plus toute chance de solution au conflit israélo-palestinien. L’Etat hébreu a annoncé la création de 22 nouvelles colonies juives en Cisjordanie occupée. Les colonies sont
L’heure des choix
Le temps des illusions est révolu. La colonisation israélienne en Cisjordanie n’est pas une anomalie, c’est le cœur d’un projet politique assumé. Et tant que ce projet ne sera pas stoppé, il n’y aura ni paix, ni justice, ni stabilité durable dans la région.
Les gouvernements occidentaux, les institutions internationales, mais aussi les citoyens, les intellectuels et les journalistes, doivent prendre leurs responsabilités. L’histoire jugera sévèrement ceux qui, par intérêt ou par lâcheté, auront préféré le confort du silence à l’exigence de justice.
IMPORTANT - À lire
Face à l'impasse du processus de paix, il est urgent de repenser notre approche du conflit israélo-palestinien. Notre revue approfondit chaque mois les enjeux géopolitiques complexes qui sous-tendent cette crise, avec des analyses pointues allant au-delà des discours convenus.
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