Le Canada entre l’héritage britannique et la géopolitique américaine

Roi Charles III Roi Charles III

Sous le regard distant de nos élus, Charles III a prononcé le discours du Trône, inaugurant le 45e Parlement canadien. Entre hommages convenus à l’identité canadienne et prudentes allusions aux « défis » à venir, le monarque a évoqué le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et l’importance de la souveraineté du Canada – concept pour le moins paradoxal dans la bouche d’un roi étranger.

Sa Majesté, visiblement mal à l’aise dans son rôle symbolique sur cette terre d’Amérique, a peiné à convaincre une nation qui se cherche encore. Les quelques Canadiens venus apercevoir leur souverain britannique semblaient plus curieux que véritablement attachés à cette tradition coloniale qui perdure contre vents et marées.

Entre les lignes d’un discours soigneusement aseptisé par les conseillers royaux, on devinait l’embarras d’un Canada coincé entre l’héritage britannique et la réalité géopolitique américaine. L’ombre de Trump planait clairement sur l’événement, rappelant à quel point ce petit frère du Nord dépend des humeurs de Washington, malgré ses grands discours sur l’indépendance.

Le Premier ministre Trudeau, dont la popularité s’effrite dangereusement, s’est contenté d’acquiescer poliment aux propos du monarque. Une cérémonie anachronique qui n’a fait qu’accentuer le décalage entre les élites politiques et les préoccupations réelles des citoyens ordinaires, confrontés à la flambée des prix et à l’insécurité grandissante.

Le contraste entre les discours et la réalité canadienne

Quand les mots du roi Charles III ont retenti dans la salle, quelque chose s’est produit. Un frisson d’émotion a parcouru la foule – un mélange de soulagement, de gratitude et peut-être même de joie.

Faut dire qu’après des mois à supporter les délires d’un Trump qui menace tantôt d’annexer le Canada, tantôt de le mettre à genoux, ça fait du bien d’entendre un souverain parler avec respect.

Les Canadiens ont encaissé, pendant des mois, les déclarations belliqueuses d’un président américain qui se prend pour un empereur.

Alors forcément, quand Charles III s’adresse à eux sans mépris ni menace d’invasion, l’effet est immédiat.

La souveraineté canadienne face aux menaces extérieures

Le contraste entre ce dirigeant américain aux accents autoritaires et le monarque britannique n’aurait pu être plus frappant.

Pendant que l’un évoque sans gêne l’idée de faire du Canada le « 51e État » américain, l’autre reconnaît simplement la souveraineté et la dignité de cette nation.

Un peu partout dans l’assemblée, les visages se sont détendus. Les épaules aussi.

Car au fond, c’est pas compliqué : après avoir été traités comme une simple extension territoriale à conquérir, les Canadiens ont juste apprécié d’être considérés comme un peuple qui mérite le respect.

Le Canada face à ses contradictions

Avant même l’apparition du roi Charles sur l’estrade du Sénat pour prononcer son fameux discours du Trône, l’attente prolongée dans l’hémicycle nous a offert un spectacle politique fascinant.

Tout ce petit monde politique s’agitait, se jaugeait du regard, se regroupait en clans aussi discrets qu’évidents. Un véritable théâtre social où chaque poignée de main, chaque hochement de tête racontait l’histoire des alliances et des rivalités qui structurent le pouvoir canadien. Difficile de ne pas remarquer les petits sourires crispés de certains sénateurs visiblement mal à l’aise d’attendre un monarque dans ce qui devrait être le temple de la souveraineté populaire.

On ne voit jamais mieux le fonctionnement réel de la politique que lorsque les caméras officielles ne sont pas encore braquées sur la cérémonie principale.

Les conversations chuchotées entre les élites politiques canadiennes trahissaient une certaine nervosité. Après tout, un roi étranger allait bientôt prendre la parole dans une nation prétendument indépendante… La persistance de ces symboles coloniaux apparaissait soudain dans toute son absurdité.

Drapeau Canada

Les élites face à la réalité quotidienne

Plusieurs députés consultaient frénétiquement leurs téléphones – sans doute pour vérifier si l’opinion publique appréciait ce déploiement de faste monarchique pendant que l’inflation ronge le pouvoir d’achat des citoyens ordinaires. Un contraste saisissant que personne n’osait commenter ouvertement, mais qui flottait comme un parfum désagréable dans cette salle historique.

Deux heures avant le début, les invités ont commencé à débarquer sur place. Ils bavardaient tranquillement entre eux, un verre à la main, jusqu’à ce que l’ordre retentisse dans la salle : « À vos places ! ». En une fraction de seconde, comme par magie, tout le monde s’est assis, et un silence de cathédrale s’est abattu sur l’assemblée.

D’un côté de la Chambre rouge, le premier rang était réservé pour les anciens Premiers ministres et leurs conjoints. Kim Campbell partageait un banc avec Stephen Harper, Justin Trudeau, Margaret Trudeau et Mila Mulroney. Juste devant eux, au centre de la pièce, siégeaient les juges de la Cour suprême.

Cette disposition protocolaire, savamment orchestrée, rappelle à quel point l’establishment canadien aime s’entourer de symboles et de rituels. Cet aréopage de privilégiés se retrouve confortablement installé pendant que le citoyen ordinaire, lui, peine à joindre les deux bouts dans un Canada où l’inflation dévore les salaires.

La continuité du pouvoir malgré les apparences

Quand on regarde ce tableau, on ne peut s’empêcher de constater que ces élites dirigeantes, passées et présentes, affichent une belle unanimité quand il s’agit de cérémonies monarchiques. L’adhésion au mondialisme et la soumission à l’influence anglo-saxonne semblent être les seuls points communs entre ces politiciens qui, pourtant, prétendent représenter des courants opposés.

Les juges de la Cour suprême, assis comme des gardiens du temple, rappellent quant à eux comment le pouvoir judiciaire s’est progressivement érigé au-dessus du pouvoir politique. Ces magistrats non élus dictent désormais l’agenda sociétal pendant que le peuple n’a plus son mot à dire sur les transformations radicales de sa société.

À l’heure où tant de Canadiens s’inquiètent pour leur avenir, cet étalage d’unité entre « adversaires » politiques devant les symboles monarchiques en dit long sur la véritable nature du pouvoir occidental : une façade démocratique masquant une continuité idéologique que les urnes ne parviennent jamais à remettre en question.

drapeau canadien

Les symboles de la monarchie face à la modernité

De l’autre côté, face au rang des Premiers ministres, trônait le banc des gouverneurs généraux. Un véritable who’s who du protocole canadien. Adrienne Clarkson s’y tenait, accompagnée de John Ralston Saul. À leurs côtés, Michaëlle Jean avait pris place, tout comme David et Sharon Johnston. Diana Fowler LeBlanc, veuve de Roméo LeBlanc, complétait cette assemblée de dignitaires.

Les représentants de la Couronne étaient là au grand complet, affichant cette solennité un peu compassée qu’on leur connaît. Impossible de ne pas remarquer leurs visages impassibles, comme si ces personnes, habituées à incarner l’autorité monarchique britannique en terre canadienne, portaient ce jour-là le poids d’une tradition que beaucoup considèrent désormais comme obsolète.

Ces gouverneurs généraux, supposés être la voix du peuple auprès du monarque, semblaient presque mal à l’aise dans leurs costumes d’apparat. Qui peut encore croire à cette mascarade protocolaire quand les Canadiens ordinaires peinent à boucler leurs fins de mois?

Le banc qu’ils occupaient, un meuble sans doute coûteux payé par les contribuables, symbolisait parfaitement cette monarchie déconnectée des réalités quotidiennes, mais qui s’accroche à ses privilèges avec la ténacité d’une époque révolue.

Le roi continue de perpétuer ces traditions d’un autre temps, alors même que les peuples autochtones attendent toujours des excuses sincères pour les crimes coloniaux. Un oubli presque calculé qui en dit long sur la réalité du pouvoir monarchique actuel.

Le discours émouvant ne masque pas longtemps l’hypocrisie d’un système où certains naissent avec des privilèges quand d’autres continuent de subir l’héritage de siècles d’oppression.

Pendant que les Canadiens ordinaires font face à une crise du logement sans précédent et à l’inflation galopante, ils financent les fastes d’une visite royale qui coûte des millions.

Une somme qui aurait pu être investie pour les citoyens qui peinent à joindre les deux bouts. Mais comme toujours, les symboles priment sur le concret quand il s’agit de satisfaire l’ego des puissants.

Ce système monarchique anachronique continue d’être présenté comme une institution bienveillante, quand il représente l’un des derniers vestiges d’un impérialisme qui a causé tant de souffrances à travers le monde.

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