🔥 Les essentiels de cette actualité
- Opération « Déposons les armes » en Corse : une initiative mal ciblée face à un taux d’armement record de 350 armes pour 1 000 habitants. Découvrez pourquoi cette campagne masque une réalité plus complexe.
- La Corse, avec un taux de criminalité paradoxal, montre une défiance croissante envers l’État. Les armes, symbole d’autodéfense et d’autonomie sécuritaire, sont-elles le problème ou le symptôme ?
- Les tentatives de désarmement visent les citoyens respectueux des lois, tandis que les réseaux criminels restent impunis. Explorez comment cette stratégie pourrait aggraver la situation sécuritaire insulaire.
Lancée en grande pompe par la préfecture, l’opération « Déposons les armes » masque mal une réalité complexe. Derrière le taux d’armement record, c’est toute une culture de l’autodéfense et une défiance croissante envers l’État qui s’expriment. Et si l’arme n’était pas le problème, mais le symptôme ? 350 armes pour 1 000 habitants : un chiffre qui dérange Paris.
Le désarmement en Corse 2025, loin d’apaiser les tensions, dévoile un fossé croissant entre l’État et une population attachée à son autonomie sécuritaire.
350 armes pour 1 000 habitants : un chiffre qui dérange Paris
La Corse détient un taux d’armement civil impressionnant : 350 armes pour 1 000 habitants en 2022, soit plus du double de la moyenne nationale française estimée à 145. Ce chiffre a provoqué l’émoi des autorités, qui ont lancé une campagne d’abandon « simplifié » du 28 avril au 4 mai. En apparence, il s’agit d’une mesure préventive, d’un appel citoyen. Mais dans les faits, la défiance est palpable.
Cette possession massive d’armes n’est pas une dérive soudaine mais un ancrage ancien. La chasse, notamment, fait partie du patrimoine insulaire, tout comme la transmission intergénérationnelle d’armes à feu, souvent perçues comme un prolongement de l’identité corse. Dans les villages reculés, où la présence policière reste sporadique, le fusil est autant un outil qu’un garant de sécurité personnelle.
Moins de délits, plus d’homicides : l’exception sécuritaire corse
Sur le plan statistique, la Corse reste une terre paradoxale. Les chiffres de la délinquance montrent une situation contrastée. Avec un taux de 31,8 faits pour 1 000 habitants, la Corse est au 18e rang des régions les plus touchées par la délinquance, bien derrière l’Île-de-France ou les Bouches-du-Rhône. Les cambriolages, vols avec violence ou agressions quotidiennes y sont relativement rares.
Mais derrière cette tranquillité apparente, un autre chiffre frappe : le nombre d’homicides. En 2024, l’île a enregistré 18 meurtres et 16 tentatives pour seulement 355 000 habitants. Depuis janvier, 7 personnes ont été tuées, dont 6 dans des règlements de comptes. La violence mafieuse, ciblée et brutale, semble s’ancrer comme une composante structurelle. On meurt moins souvent dans la rue à Ajaccio qu’à Marseille, mais quand on meurt, c’est rarement un accident.
Ce décalage entre faible délinquance ordinaire et forte létalité souligne un autre constat : en Corse, la prévention ne repose pas sur l’État, mais sur des mécanismes sociaux internes. La crainte du regard communautaire, la pression des clans, l’autorité locale exercée en dehors du cadre légal jouent un rôle dissuasif majeur. Là où les pouvoirs publics échouent, la société corse impose ses propres règles.
Une autodéfense communautaire plus efficace que la République ?
C’est ici que l’armement civil prend tout son sens. Il ne traduit pas une tendance à la violence, mais une volonté d’autonomie sécuritaire. En Haute-Corse, où le taux de criminalité atteint 40 faits pour 1 000 habitants, la gendarmerie avoue son impuissance face à la criminalité organisée. Le préfet lui-même, Jérôme Filippini, admet que l’État ne pourra rien sans une mobilisation collective. Une manière polie de dire que les forces de l’ordre ne suffisent plus.
Le fusil devient alors bien plus qu’un outil : c’est une assurance face à l’imprévisibilité, une réponse directe à l’inefficacité des structures républicaines. En Corse, se défendre est perçu comme un droit inaliénable. Cette mentalité, bien ancrée, repose sur une défiance historique vis-à-vis de Paris, renforcée par des décennies de mépris administratif, de promesses non tenues et de répressions politiques contre le nationalisme local.
La campagne de désarmement initiée par la préfecture est perçue comme une énième ingérence. Le discours rassurant — « aucun risque judiciaire », « opération gratuite », « sans conséquences » — sonne faux pour des insulaires habitués aux trahisons institutionnelles. Derrière cette initiative, beaucoup voient un piège, une tentative de fichage ou de désarmement préventif en vue de tensions à venir.
La Corse n’a jamais attendu l’État pour faire sa sécurité
L’État voudrait désarmer ceux qui assurent eux-mêmes leur sécurité depuis des générations. Mais dans une île où les crimes les plus graves ne sont que rarement élucidés, et où les populations locales ont appris à ne compter que sur elles-mêmes, ce message passe mal. Les Corses savent qu’aucun criminel ne rendra ses armes durant cette opération. Seuls les citoyens respectueux des lois, souvent chasseurs ou collectionneurs, pourraient s’y risquer — au prix d’un affaiblissement collectif.
Le désarmement en Corse vise paradoxalement ceux qui respectent les lois et assurent leur propre sécurité, pendant qu’il tolère l’impunité des réseaux criminels. Le paradoxe est total. Dans un tel contexte, la culture corse de la responsabilité personnelle, de la solidarité communautaire et de la défense du territoire prend un sens politique. Il ne s’agit plus seulement de tradition ou de chasse, mais d’un modèle de société alternatif où le citoyen n’attend pas que l’État vienne le protéger.
Pointant « une situation préoccupante en matière de détention et d’usage d’armes à feu en Corse » avec « un taux de détention d’armes atteignant 350 armes pour 1 000 habitants en 2022« , soit « plus du double de la moyenne nationale qui est de 150 armes pour 1 000 habitants« , les préfectures de Haute-Corse et de Corse-du-Sud appellent à déposer les armes.
Désarmement en Corse 2024 : un écran de fumée politique ?
L’opération « Déposons les armes » est une diversion. Elle ne vise pas à éradiquer la violence — elle ne le peut pas — mais à donner l’illusion d’une action. Elle détourne l’attention de l’impuissance de l’État face aux vrais réseaux criminels, et elle permet aux autorités d’occuper le terrain symbolique sans rien changer aux causes profondes de la violence insulaire.
Le préfet promet que « cette violence n’est pas gravée dans le marbre de l’île ». Mais il se garde bien d’annoncer des moyens concrets, des renforts policiers durables ou des enquêtes renforcées contre les organisations mafieuses. En réalité, la seule action concrète proposée consiste à demander à la population de baisser la garde. C’est non seulement inefficace, mais profondément dangereux.
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