🔥 Les essentiels de cette actualité
- La proposition de Wauquiez d’envoyer les étrangers sous OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon choque et interroge. Une idée radicale pour séduire son électorat.
- Wauquiez recycle des propositions illégales et irréalistes, comme les centres de détention à Cayenne ou aux Kerguelen. Une stratégie de communication basée sur la provocation.
- Moins de 10 % des OQTF sont exécutées, révélant l’échec concret de l’État. Les discours chocs masquent l’incapacité à agir.
Dernière proposition en date : envoyer les étrangers sous OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon, un projet porté par Wauquiez qui interroge.
À mesure que les échéances électorales approchent, le discours anti-immigration revient comme un refrain bien rôdé. Cette fois, c’est Laurent Wauquiez qui se met en scène. L’ancien président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, désormais en concurrence avec Bruno Retailleau pour prendre la tête des Républicains, reprend à son compte une série de propositions chocs autour des OQTF (Obligations de Quitter le Territoire Français). Objectif ? Séduire une base électorale exaspérée par l’insécurité, les défaillances de l’État, et la sensation de perte de contrôle.
Mais derrière cette façade de fermeté, le scénario est connu : des propositions aussi tapageuses qu’illégales, une posture musclée destinée aux médias, et au final… rien. L’illusion de l’action en guise de programme.
🔗 Mon interview en intégralité : bit.ly/3R7q0cT
De Cayenne à Saint-Pierre-et-Miquelon : Wauquiez recycle les vieilles idées d’OQTF
Wauquiez ne fait que marcher dans les pas de ses prédécesseurs. En 2014, il proposait déjà de rétablir un centre de détention à Cayenne pour y enfermer les djihadistes de retour de Syrie. Une idée de bagne moderne, digne d’un roman colonial, qui revient aujourd’hui dans une version “soft” avec les îles Kerguelen : un archipel français quasiment désert, perdu au sud de l’océan Indien, transformé en nouveau fantasme d’expulsion.
En 2021, Éric Ciotti relançait l’idée d’un “Guantanamo à la française” pour lutter contre le terrorisme. Georges Fenech, dès 2016, évoquait des centres de rétention pour prévenir les menaces. Toujours la même mécanique : une déclaration-choc, une cible facile, une promesse de fermeté. Et toujours, en arrière-plan, la même impasse.
Nicolas Dupont-Aignan reprend lui aussi ce registre. Depuis des années, il propose des centres de rétention ultramarins pour les migrants, une idée qu’il partage avec Wauquiez et d’autres figures de la droite dure. Son discours, bien que marginal, influence le débat sécuritaire.
Les égorgeurs à Cayenne ! bit.ly/1tkGEAJ
Face au tollé, le souverainiste avait reculé, jurant qu’il ne voulait pas ressusciter le bagne de Napoléon III. Mais la logique restait intacte : enfermer loin des regards, là où personne ne viendra poser de questions. Plus récemment, il a tenté de relancer sa proposition, cette fois en désignant les îles Kerguelen comme futur camp de détention. Une zone inhabitée, perdue dans l’océan Indien, où l’État pourrait opérer à l’abri des caméras et des contre-pouvoirs.
D’ici 2 ans la Justice va libérer 140 djihadistes ! Ils se baladeront dans nos quartiers, nos rues, nos écoles… Protégeons les Français du délire laxiste et de la naïveté de nos dirigeants : expulsons les islamistes étrangers et isolons les autres en prison aux îles Kerguelen.
Wauquiez imagine à présent envoyer les clandestins sous OQTF aux Kerguelen, loin de la métropole, loin des regards. Une idée séduisante pour une partie de l’électorat. Mais une idée déconnectée de toute faisabilité.
L’effet d’annonce comme méthode politique
En période électorale, la fermeté est devenue un spectacle. Il ne s’agit plus d’agir mais de marquer les esprits. Chaque fait divers tragique devient un prétexte pour ressortir les vieilles recettes : enfermement préventif, expulsion de masse, durcissement des conditions d’entrée.
Ciotti propose d’enfermer préventivement les étrangers sous OQTF. Wauquiez promet d’en finir avec l’inefficacité. Et pendant ce temps, moins de 10 % des OQTF sont exécutées. Les chiffres sont sans appel, mais ne semblent gêner personne. L’essentiel, c’est le buzz.
Les politiciens vendent du rêve en espérant que personne ne se penche sur les détails techniques, juridiques ou constitutionnels. Ils savent pourtant que ces promesses ne tiendront pas plus de deux jours face à un recours devant la CEDH. Mais cela n’a plus d’importance : l’image compte plus que l’action.
La réalité juridique : un mur infranchissable
Ce que Wauquiez et ses soutiens omettent de dire, c’est que toutes leurs propositions sont juridiquement intenables. La Constitution française interdit l’enfermement arbitraire. La Convention européenne des droits de l’homme protège les libertés individuelles, y compris celles des étrangers. Les traités européens limitent les politiques d’expulsion. Même des étrangers en situation irrégulière disposent de droits.
Saint-Pierre-et-Miquelon est une collectivité d’outre-mer française, et ses habitants sont des citoyens français. Utiliser ce territoire comme lieu de rétention pour des étrangers en attente d’expulsion pourrait être interprété comme une atteinte aux droits des habitants de l’archipel et une utilisation inappropriée du territoire national. De plus, le droit français prévoit que les étrangers sous OQTF doivent être expulsés vers leur pays d’origine ou vers un autre pays disposé à les accueillir, et non déplacés vers une autre partie du territoire français.
Et ces obstacles ne sont pas nouveaux. Wauquiez les connaît. Ciotti les connaît. Tous savent que leur discours est purement symbolique. Ils s’appuient sur une colère populaire réelle, mais détournent cette énergie vers des impasses.
L’échec concret des OQTF : symbole d’un État défaillant
Le dossier des OQTF est révélateur. Sur des dizaines de milliers prononcées chaque année, seules une minorité aboutissent à une expulsion réelle. Les raisons sont multiples : manque de moyens, absence de coopération avec les pays d’origine, multiplication des recours juridiques, défaillances administratives.
L’État est paralysé, et les Français le voient bien. Ils voient les clandestins condamnés rester sur le territoire. Ils voient les zones de non-droit s’étendre. Et ils entendent les discours politiques leur promettre des solutions radicales… sans jamais en voir l’ombre d’une mise en œuvre.
Pendant que nos élus parlent de centres fermés dans des îles lointaines, les préfets manquent de places en CRA (centres de rétention administrative) pour les cas les plus simples. Pendant que Ciotti fantasme sur une “version française de Guantanamo”, les policiers doivent relâcher des étrangers pourtant sous OQTF faute de place ou de moyens.
Entre posture et hypocrisie, les Français paient la note
En 2017, face aux critiques, Wauquiez a dû s’excuser pour ses propos sur Cayenne. Coincé par la caméra de France 2, il reconnaît avoir “blessé les Guyannais”. Pourtant, huit ans plus tard, les mêmes idées sont recyclées, parfois avec un vernis nouveau. La droite « dure » joue à faire peur, mais ne change jamais le fond.
Ce théâtre politique n’est plus supportable pour beaucoup de Français. Les discours se répètent, les promesses aussi. Et sur le terrain, l’insécurité progresse, les OQTF s’empilent, l’État semble avoir renoncé à faire respecter sa propre autorité.
Pendant que Wauquiez parle de réinstaller les clandestins aux Kerguelen, les contribuables paient pour une administration incapable d’exécuter les décisions qu’elle prend. Et quand la réalité les rattrape, nos élus se défaussent, s’excusent ou changent de sujet. Mais jamais ils ne remettent en cause la logique qui les pousse à parler sans agir.
En faisant de Saint-Pierre-et-Miquelon le nouvel exutoire des OQTF, Wauquiez poursuit une stratégie de communication basée sur la provocation. Mais une fois encore, la faisabilité juridique est inexistante. Derrière ces annonces chocs, c’est l’incapacité chronique de l’État à exécuter ses propres décisions qui transparaît. Et pendant ce temps, les vraies réponses se font toujours attendre.
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