Deutsche Bank, le blanchisseur blanchit
La Deutsche Bank, ainsi que plusieurs des plus grandes banques commerciales du monde, sont impliquées dans un scandale mondial de blanchiment d’argent qui s’étend sur plus de deux décennies. Des documents divulgués à BuzzFeed révèlent 2 000 milliards de dollars de flux de trésorerie illégaux de banques occidentales.
Selon le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), ces rapports d’activités suspectes, détaillant des années de transactions financières présumées illicites, ont été partagés avec 108 organismes de presse dans 88 pays. Ces documents fuités sont obligatoires pour toute institution financière effectuant des transactions en dollars partout dans le monde. Ils sont déposés auprès de l’unité de renseignement du département du Trésor, le Financial Crimes and Compliance Network (FinCEN).
La Deutsche Bank, « liée à Trump » (c’est lui ou les Russes, au choix), est de loin la plus touchée par ces rapports d’activités suspectes qui totalisent bien plus de la moitié des 2 000 milliards de dollars de dossiers FinCEN. Environ 1 300 milliards de dollars illicites seraient effectivement passés par la Deutsche Bank.
La première banque allemande va déjà devoir payer une amende de 13,5 millions d’euros et ceci pour n’avoir pas signalé à temps aux autorités 627 cas suspects de blanchiment d’argent de sa comparse danoise Danske Bank. Les salariés de la Deustche sont quant à eux blanchis en raison de « l’absence d’indices suffisants ».
La position centrale de la Deutsche Bank trahit une problématique bien plus importante et moins évoquée : une faillite possible de cette institution systémique qui pourrait amener le monde financier à la dérive et conduire à la plus grande crise économique de l’histoire.
Le scandale 1MDB : JP Morgan et Goldman Sachs, encore eux !
Alors que les actions des banques européennes ont plongé en pleine révélation, FinCEN a dénoncé la fuite illégale des fameux documents à la presse. L’unité a averti qu’elle pourrait avoir « un effet sur la sécurité nationale des États-Unis ».
Il convient de noter que la plupart des fuites du FinCEN ne montrent pas comment toutes ces banques et institutions financières blanchissent non seulement des milliards, mais le font ensemble et en coordination les unes avec les autres. L’affaire de fraude 1MDB illustre par exemple clairement ce phénomène.
Effectivement, le ministère américain de la Justice est au milieu du plus grand effort de récupération d’actifs de l’histoire des États-Unis. Il a déposé sa dernière plainte concernant les 300 millions de dollars que le ministère tente de récupérer pour un fonds souverain malaisien de 11,7 milliards de dollars appelé 1MDB. Il s’agit d’un des principaux cas mis en évidence par l’ICIJ dans son rapport sur les documents récemment divulgués. L’affaire 1 Malaysia Development Berhad (1MDB) est un complot international visant à blanchir des fonds détournés de 1MDB. Il s’agirait ni plus ni moins de « l’un des plus grands scandales financiers de tous les temps ».
La plupart des publications du FinCEN pointent du doigt la banque américaine JP Morgan Chase (cf. ses escroqueries sur le marché de l’or et des métaux précieux) qui aurait transféré plus d’un milliard de dollars à Jho Low, l’homme d’affaires principal du scandale. En fuite depuis des mois, ce dernier est accusé d’avoir détourné de l’argent de 1MDB vers des comptes personnels camouflés pour ressembler à une entreprise légitime.
Mais les documents négligent la position d’une autre banque américaine, Goldman Sachs, qui aurait orchestré une grande partie du plan visant à frauder et léser la Malaisie. 17 cadres actuels et anciens de Goldman Sachs ont d’ailleurs fait face à des poursuites pénales en Malaisie, dont l’ancien vice-président de Goldman Sachs, Michael Evans, qui est maintenant président de la plateforme de commerce électronique chinoise Alibaba. Je reviendrai sur le sujet du pont entre la finance internationale fixée à New York et la Chine dans un prochain article semaine prochaine.
Le gouvernement malaisien a en tout cas récemment décidé d’abandonner les charges contre Goldman Sachs suite à un accord de 2,5 milliards de dollars avec la banque d’investissement. L’argent efface toutes les ardoises, même juridiques… La Deutsche Bank a également participé à cette gigantesque escroquerie contre la Malaisie. Elle a offert des centaines de millions de prêts d’achat d’actions via le fonds 1MDB à l’ancien premier ministre du pays, Najib Razak, qui a depuis été condamné pour corruption, en juillet dernier.
Une conspiration bancaire internationale de plusieurs milliards de dollars
L’objectif du fonds 1MDB était de financer des projets d’infrastructure tels que des projets d’oléoducs et de gazoducs. Pourtant, selon l’article de Business Insider, l’argent a servi à des dépenses extravagantes telles que l’achat d’œuvres d’art, de casino, de champagne et, plus cocasse, la production du film « Le loup de Wall Street ». Cette production cinématographique traite justement de la corruption sans limites de Wall Street, que les mêmes personnes et organisations impliquées dans ce scandale financier pratiquent tous les jours ! Les multiples sens cachés du cinéma hollywoodien n’ont jamais été aussi ironiques.
Il est également confirmé que l’ancien PDG de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein (« le banquier qui fait le travail de Dieu »), a rencontré l’ancien Premier ministre malaisien déchu et l’homme d’affaires en fuite, Jho Low, avant le lancement du fonds 1MDB en 2009. Après avoir détruit la Grèce (voir mon article à ce sujet), le saint homme à l’air d’être décidément dans tous les bons coups.
A ce propos, un autre procès intenté contre Goldman Sachs détaille le « rôle clé de la banque d’investissement dans la tentative de longue haleine de corrompre d’anciens cadres » du fonds d’Abu Dhabi, connu sous le nom de International Petroleum Investment Corporation. Sa filiale, Aabar Investments, a notamment collaboré avec la 1MDB. Nous sommes donc de toute évidence face à ce que l’on peut objectivement appeler une vaste conspiration bancaire internationale de plusieurs milliards de dollars.
Les dossiers fuités du FinCEN attirent étonnamment plus d’attention sur la Deutsche Bank, qui n’est pas américaine. Ceci peut présenter les caractéristiques d’un coup prémédité sur l’un des piliers du système financier international (et la première banque européenne pour les amateurs de l’euro). Tout comme Lehman Brothers et Bear Sterns ont été sacrifiés sur l’autel de la crise des subprimes, Deutsche Bank devra tomber ou être renflouée par les impôts des citoyens de l’Union européenne.
Les conséquences de cette fuite des fichiers FinCEN peuvent secouer les marchés mondiaux et provoquer une crise financière aux proportions épiques.
« Too big too fail », vous êtes sûr ?
Franck Pengam