BLACKOUT ÉLECTRIQUE, LA SITUATION NE TIENT QU’À UN FIL…

Black-out électrique risque maximum

Situation tendue…

La situation « pourrait être tendue » dès lundi 4 avril en raison d’une hausse de la consommation, annonce RTE.

Ce n’est pas la première « tension » (sans jeux de mots) : fin 2020 déjà, de nombreuses communications (RTE, ou encore la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili) visaient à rassurer l’opinion, mais évoquaient le risque de coupures ponctuelles en cas de températures en deçà des moyennes saisonnières. La brutale chute des températures en ce début avril 2022 est un scénario connu… mais davantage redouté que maîtrisé.

En 2020, la cause (officiellement) était le ralentissement des opérations de maintenance des centrales nucléaires dû à COVID et la « trop grande dépendance de la France » à ces mêmes centrales, selon les autorités.

En réalité, la fermeture de Fessenheim et surtout l’imprévisibilité des productions renouvelables fragilisent le modèle français et européen (anticipation de la capacité de production rendue moins fiable, recours à l’importation rendu aléatoire).

En 2022, s’ajoute la crise ukrainienne, qui fragilise la production est-européenne et souligne l’hyperdépendance (en particulier de l’Allemagne, au gaz russe), et le contexte météo, critique.

Contexte

  • Une baisse de température de 1° représente une surconsommation de 2400 MW.
  • Les moments cruciaux sont : tôt le matin, en fin de journée (19h).
  • Une difficulté consiste en l’anticipation de la production des « renouvelables » (éolien, solaire), beaucoup moins fiable, bien plus aléatoire.

Dispositif et réponses

La responsabilité de la prévision de l’équilibre du système électrique français relève du Ministère de la transition écologique et solidaire, via la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) qui, elle-même, s’appuie sur les données prévisionnelles du gestionnaire du Réseau de transport de l’électricité (RTE) – EDF n’est que producteur.

  • Un centre de coordination RTE en région parisienne (dans un lieu tenu secret)
  • Une gestion 24/24 visant à maintenir un équilibre consommation / production, intégrant en « temps réel » les conditions météo, produisant un schéma de consommation à 24 heures près, sans cesse réactualisé pour anticiper les pics/creux de consommation.
  • Une posture consiste à recourir à l’effacement, c’est-à-dire le report de certaines actions de consommation (particuliers, invités parfois à décaler la mise en marche de certains appareils – 14 millions de mails envoyés par #EDF en janvier 2017 pour mettre en veille certains appareils / campagne d’information par SMS de Direct Energie #TousAuCourant, et professionnels, avec le report d’activités très consommatrices).
  • Une autre option consiste à baisser la tension électrique (gain jusqu’à 4000 MW) et à organiser des coupures électriques localisées et tournantes.

Par ailleurs, le recours à l’importation électrique est systématique, dans un réseau européen très interconnecté.

Un scénario catastrophe consisterait par exemple en une cyberattaque opportune sur des infrastructures est-européennes… Même sans cela, l’Europe était déjà passée à deux doigts du « black-out » électrique en janvier 2019 et janvier 2021 !

10 janvier 2019 – chute de fréquence

« Le 10 janvier vers 21h00, la fréquence du système électrique français et européen est passée très en-dessous de 50 Hertz. Or, quand la fréquence s’écarte trop de ce niveau, le système électrique peut connaître des coupures importantes, voire un ‘black-out » dixit la CRE, commission de régulation de l’énergie.

Une alerte est déclenchée à 21h02 par RTE. La raison de cette alerte est un déficit de production face à la consommation enregistrée sur le réseau, qui entraîne une chute de la fréquence sur le système électrique français et européen (sous les 50 Hertz). Ce déficit de production est dû à la non fourniture par les partenaires européens de la France de la production prévue – chaque pays faisant face à ses propres difficultés et impératifs.

Immédiatement, des consignes sont envoyées aux industriels les plus consommateurs d’énergie électriques, qui stoppent leur consommation, libérant 1500 MW (= ~2 fois Fessenheim) durant 20 à 45 minutes – ce serait la première réutilisation de ce dispositif d’urgence depuis 4 ans.

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Etat des importations au moment de la panne – Capture d’écran RTE citée par France Inter

Inversement, une surconsommation entraîne une hausse de fréquence, comme lors de la nuit blanche italienne en 2003 ici.

8 janvier 2021 – un rideau de fer électrique s’abat sur l’Europe

Une panne de disjoncteurs dans une station électrique près d’un village de Croatie (Ernestinovo) entraîne une chute en cascade du réseau serbe puis roumain, le tout en moins de 30 secondes. Le réseau électrique européen est coupé en deux, avec un déficit de 6000 MW, soit ~6 réacteurs nucléaires, susceptible de générer un black-out global sur l’Europe.

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L’Europe coupée en deux par une série d’incidents qui se propagent selon un axe Sud-Ouest – Nord-Est en quelques secondes… (Source).

Une gestion de crise (en visio) entre acteurs majeurs parmi les gestionnaires de réseau est immédiatement : Suisse (Amprion), France (RTE), Italie (Terna) et Espagne (REE) est mise en place à 4 minutes (!) : la France lance immédiatement de nouveaux moyens de production et en particulier des centrales au gaz. Les centrales nucléaires commencent à augmenter leur puissance. L’Autriche intensifie également la production hydroélectrique. La fréquence du réseau remonte progressivement… l’Europe est passée à un cheveu de la crise.

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L’Europe coupée en deux par une série d’incidents qui se propagent selon un axe Sud-Ouest – Nord-Est en quelques secondes…

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Brutalement, l’Europe du Nord-Ouest se retrouve en surconsommation, et l’Europe du Sud-Est en surproduction

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Voir le rapport extrêmement complet de l’ ENTSO-E  (European association for the cooperation of transmission system operators (TSOs) for electricity.

On ne peut que souligner la capacité de gestion d’alerte et de réponse des opérateurs et distributeurs électriques européens. Souvent pointés du doigts, ils ne sont en réalité que les sapeurs-pompiers d’une politique pyromane consistant à privilégier non pas la résilience énergétique mais les effets de communication sur les énergies renouvelables à l’échelle européenne.

Le cumul des facteurs rend la situation explosive

  1. Contexte géopolitique : risque de rupture d’approvisionnement de gaz russe dans une situation de dépendance hallucinante notamment de l’Allemagne, qui a échangé ses risques nucléaires potentiels contre une dépendance stratégique réelle dont on voit les conséquences sur le plan géopolitique,
  2. Contexte météo qui génère une hausse abrupte de la consommation en sortie d’hiver,
  3. Contexte technique : la sortie d’hiver marque également le lancement des campagnes de maintenance des centrales, dont une partie est ainsi rendue indisponible. Le suivi en temps réel est disponible sur le site de RTE :

Perspectives

En cas de blackout électrique, il serait nécessaire de procéder à un « black start » (en 1978, après une panne générale, la remise en route de l’alimentation électrique avait pris une journée – ce serait beaucoup plus long aujourd’hui : 36h, 48h, 72h…) sans que des scénarios précis ne soient rendus publics, avec toutefois un terme récurrent : « dramatique ».

La survalorisation de la capacité de production d’électricité éolienne serait un paramètre venant fausser les outils prévisionnels. A noter : à partir de 2022, il était prévu l’arrêt de 4 GW de production nucléaire et à partir de 2021 de 6 GW de production charbon. Il est désormais plus que probable que les centrales à charbon ne seront pas démantelées.

Le risque de déséquilibre entre consommation et production/importation est en réalité croissant. Et si la capacité nucléaire française est de 60,6 GW à ce jour, la production totale d’énergie en France est actuellement à peine supérieure à 50 GW, dont ~62% d’origine nucléaire, pour une consommation supérieure à 60 GW. Le pic de production française a été atteint en 2012, avec 102 GW – RTE dispose alors d’un parc thermique pilotable (nucléaire et à flammes) plus important de 12 GW que celui disponible fin 2020.

Cette situation soulève une fois encore la question de la souveraineté énergétique, rendue prégnante ces dernières semaines par la hausse abrupte des prix de l’énergie et le contexte géopolitique, et de la résilience de nos sociétés, sans qu’une réponse systémique ne soit encore perceptible à l’échelle nationale comme européenne.

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Source : ARTEM-IS

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