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EFFONDREMENT DÉMOGRAPHIQUE ET STÉRILISATION DES SOCIÉTÉS COMPLEXES AVEC LAURENT OZON

Entretien avec Laurent Ozon sur l'effondrement démographique et la stérilisation des sociétés complexes

L’implosion démographique et la stérilisation des sociétés complexes

La démographie, sujet crucial pour l’avenir de l’humanité, est souvent mal comprise et mal appréhendée.

Dans cet entretien, Laurent Ozon partage ses analyses concernant les tendances démographiques actuelles de la population mondiale, les raisons et les implications de la baisse de la fécondité dans certaines régions, ainsi que les enjeux géopolitiques, économiques, culturels et écologiques qui en résultent.

Laurent Ozon-Démographie

La guerre démographique

La démographie, une discipline étudiant les caractéristiques et évolutions des populations humaines, permet de mesurer la vigueur et la puissance d’une civilisation, mais se doit également d’anticiper ses défis et opportunités.

Ce champ est un enjeu stratégique majeur pouvant susciter des conflits ou favoriser la coopération entre nations.

Laurent Ozon, spécialisé en localisme et en écologie, se focalise sur les facteurs structurels et historiques influençant les rapports de force entre les peuples.

Dans la dernière revue de Géopolitique Profonde, il offre une analyse originale et pertinente sur les questions démographiques.

Pour étayer son travail, il se réfère à diverses sources telles que les données de l’ONU, de la Banque mondiale, de l’OCDE et de l’Institut National d’Études Démographiques (INED).

Il confronte ces sources entre elles et les compare aux projections d’institutions ayant des perspectives divergentes sur l’avenir démographique, telles que le Club de Rome, le Fonds mondial pour la nature (WWF) ou encore le think tank américain Population Matters.

Démographie-Grossesse-Enceinte-Fécondité

Il constate la divergence entre :

  • Les institutions prévoyant une explosion démographique, c’est-à-dire, une croissance continue de la population mondiale atteignant 10 ou 11 milliards d’habitants à la fin du siècle,
  • Celles envisageant un effondrement démographique, c’est-à-dire, une décroissance à 6 ou 7 milliards d’habitants à la fin du siècle .

Selon lui, elle s’explique par des hypothèses divergentes sur l’évolution de la fécondité, soit le nombre moyen d’enfants par femme.

  • Les institutions prévoyant une explosion démographique supposent que la fécondité restera stable ou augmentera légèrement dans les pays en développement.
  • En revanche, celles envisageant un effondrement démographique estiment que la fécondité baissera significativement dans ces pays, suivant la tendance observée dans les pays développés.

L’effondrement démographique des pays occidentalisés

Laurent Ozon met en évidence la baisse de la fécondité dans la plupart des pays industrialisés et urbanisés, où elle est désormais inférieure au seuil de renouvellement des générations, établi à 2,1 enfants par femme.

Il prend pour exemple la Corée du Sud, qui affiche le taux de fécondité le plus bas au monde, avec 0,84 enfant par femme en 2020 et souligne que ce cas n’est pas isolé, mais qu’il reflète une tendance générale touchant l’Europe, l’Amérique du Nord, le Japon, la Chine, et autres.

Laurent Ozon critique les explications simplistes qui attribuent la baisse de la fécondité à la perte des valeurs traditionnelles ou à la libéralisation des mœurs, soulignant qu’elles ignorent la complexité du phénomène.

Pour lui, cette baisse est le résultat d’un processus complexe lié à des facteurs socio-économiques, culturels, techniques, et écologiques notamment.

Il affirme que cette tendance reflète un processus de stérilisation des sociétés complexes, qui rendent la vie humaine de plus en plus difficile et artificielle.

Les sociétés complexes sont celles ayant atteint un haut niveau de développement technique, économique et organisationnel, mais ayant également perdu le lien avec la nature et leur culture.

Ces sociétés se caractérisent par une forte division du travail, une spécialisation poussée des individus, une dépendance importante aux systèmes techniques, une pression sociale et économique élevée, ainsi qu’une individualisation et une atomisation des rapports humains prononcées.

Ces caractéristiques ont des répercussions négatives sur la reproduction humaine, car elles réduisent le temps, l’espace, l’argent, l’énergie, la confiance, la solidarité, la liberté, la sécurité, et autres éléments nécessaires pour avoir des enfants.

Ainsi, ces sociétés ne suscitent plus le désir d’avoir des enfants chez les individus et les empêchent de le faire.

La transition démographique des pays émergents

Laurent Ozon décrit le processus de transition démographique comme une baisse de la mortalité suivie d’une baisse de la natalité.

Il souligne que ce processus a été observé dans les pays occidentaux au cours des deux derniers siècles, et qu’il est en cours dans les pays émergents depuis quelques décennies. Cette évolution est associée à l’amélioration des conditions de vie, à l’alphabétisation, à l’urbanisation, à la modernisation, et autres facteurs.

Il prend en exemple l’Iran, qui est passé de 6 enfants par femme en 1979 à 2 enfants par femme en 2000, malgré la révolution islamique et l’interdiction de l’avortement.

Ce pays a connu une transition démographique rapide et spectaculaire, attribuable notamment à l’augmentation du niveau d’éducation des femmes, à la diffusion des moyens de contraception, à la réduction de la taille des logements, à l’augmentation du coût de la vie et autres facteurs.

Fécondité- Afrique Sub-Saharienne

Il fait une distinction entre les pays en phase de transition démographique, tels que le Maghreb, le Machrek et l’Amérique latine, et les pays en phase d’explosion démographique, comme l’Afrique subsaharienne ou l’Afghanistan.

Selon lui, les pays en transition démographique vont probablement connaître une baisse de leur fécondité dans les années à venir, rejoignant ainsi les pays en phase d’effondrement démographique.

Quant aux pays en explosion démographique, ils continueront à enregistrer une forte croissance de leur population, mais seront confrontés à d’importants problèmes de pauvreté, de famine, de maladies, de guerres, et autres.

La puissance démographique et la croissance économique

Laurent Ozon explique le lien entre la démographie et la puissance, mettant en avant sa manifestation à travers la consommation, la production, le poids politique et militaire.

Il souligne que la démographie est à la fois un facteur de puissance et de vulnérabilité, dépendant du contexte et des circonstances et n’est pas une fin en soi, mais un moyen au service d’un projet de civilisation.

Il illustre son propos en prenant l’exemple du Canada, qui adopte une politique d’immigration massive visant à accroître sa population et sa puissance économique.

Chaque année, le Canada accueille plus de 300 000 immigrants, représentant environ 1% de sa population. Cette politique vise à compenser le vieillissement et le déclin démographique tout en renforçant l’influence et la compétitivité du pays sur la scène internationale.

Par ailleurs, il questionne la pertinence de la croissance à tout prix, soulignant ses conséquences écologiques et sociales néfastes.

Pour lui, la croissance économique n’est pas nécessairement synonyme de bien-être, de bonheur, de liberté ou de justice. Elle est fondée sur l’exploitation des ressources naturelles, qui sont limitées et s’épuisent, ainsi que sur l’exploitation de ressources humaines fragilisées et aliénées.

Migrants en Méditerranée
Migrants en Méditerranée.

L’immigration comme solution à l’effondrement démographique

Laurent Ozon analyse les motivations des puissances économiques et politiques qui favorisent l’immigration de masse dans les pays connaissant un effondrement démographique.

Selon lui, ces puissances cherchent notamment à combler le manque de main-d’œuvre, à maintenir la croissance, à diversifier la population et à créer un marché mondial tout en utilisant des arguments humanitaires, moraux et culturels pour légitimer leur politique migratoire.

Laurent Ozon évalue les avantages et les inconvénients de l’immigration sur les plans économique, social, culturel et identitaire.

Il reconnaît que l’immigration peut apporter une certaine richesse, dynamique et diversité, mais souligne également les coûts, tensions et conflits potentiels qu’elle peut engendrer, ainsi que les questions d’intégration, de cohésion sociale, de solidarité et de citoyenneté.

Remettant en question l’efficacité et la légitimité de l’immigration comme solution à l’effondrement démographique, il affirme que cela ne résout pas le problème fondamental, à savoir le manque de volonté de vie des populations autochtones.

Il considère que l’immigration ne fait que déplacer le problème en créant de nouveaux défis, et la perçoit comme une forme de colonisation inversée menaçant l’existence et l’identité des peuples d’accueil.

La nécessité de revoir notre façon de vivre et de réinventer notre culture

Laurent Ozon conclut que la question démographique révèle la crise de civilisation actuelle, où la société industrielle ne suscite plus le désir de vivre chez les individus.

Il estime qu’une révision profonde de notre mode de vie est nécessaire pour éviter la disparition ou l’artificialisation et souligne l’importance de poser des questions existentielles telles que le sens de la vie, le rôle de l’homme et la place de la nature.

Laurent Ozon rejette les solutions basées sur la peur, la culpabilité, la coercition ou l’idéologie, préconisant plutôt une approche pragmatique, rationnelle et humaine.

Il appelle à une prise de conscience collective et à une responsabilité individuelle, prônant le retour au contact avec la nature, notre culture et notre humanité et encourage à réduire notre dépendance aux systèmes techniques, économiques et politiques, favorisant ainsi la simplicité, la sobriété, la solidarité, la liberté et la sécurité.

Optimiste, il exprime sa confiance dans le génie de la population française, rappelant son histoire, sa culture et son identité qui lui ont permis de surmonter des crises majeures par le passé, souligne le potentiel, la créativité et la diversité de la France, affirmant qu’ils lui permettront de relever les défis de l’avenir.

Il considère que la France a une mission, une vocation et une responsabilité, l’incitant ainsi à montrer l’exemple au reste du monde.

Retrouvez les analyses de Laurent Ozon dans la revue mensuelle Géopolitique Profonde !

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Une réponse

  1. Merci pour ces points de vue fort intéressants.
    On constate que la convergence Démographie/Civilisation aboutit à une adaptation logique de densité urbaine visant une optimisation réfléchie des réseaux, énergie, ressources, déchets, commerce, services…
    Mais l’état de « civilisés urbains » s’accompagne d’une DOMESTICATION artificielle par répression des instincts.
    En parallèle les gouvernements ont intérêt à diviser, donc à cloisonner en cellules familiales, et même Freud décrit son complexe d’œdipe par le garçon qui n’a d’autres modèles que Papa et Maman.
    C’est là aussi que les économistes sont nuisibles. Si les habitants se groupent pour troquer leurs savoir-faire, TVA et autres taxes seront perdues, donc une nounou par exemple doit être déclarée, assurée, agréée, exercer dans des locaux conformes… L’urbanisme ne prévoit plus de liens communautaires sauf cette annuelle fête des voisins et ce tissus associatif minimum.
    Cet état de DOMESTICATION est une illusion. Réprimer les instincts ne fait que les enterrer vivants. Ils se réveillent en cas de guerre, d’anonymat etc.
    Demain, des dispositifs technologiques pourraient pallier ceci pour un temps :
    https://demainleshumains.fr/2022/12/le-9d-monde-et-le-monde-terne/
    Pour finir, on se gardera de considérer les gens qui réfléchissent différemment comme de stupides idéologues encartés qui n’ont pas la Vérité. Mais je souligne l’importance de ces réflexions de sociétés.
    Merci.

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