Un « acheteur mystère » de trois quarts des stocks réalisés au 3ème trimestre
Il y a un mois, nous avons déclenché une frénésie dans les milieux des métaux précieux lorsque nous avons signalé qu’un acheteur « mystérieux » avait acheté quelque 300 tonnes d’or, soit environ les trois quarts de ce qui serait un record de 399 tonnes d’achats d’or par les banques centrales au troisième trimestre.
Des achats massifs par les banques centrales en 2022
Si les lecteurs réguliers connaissent déjà les détails (que nous avons exposés ici), voici à nouveau le tableau d’ensemble :
Les banques centrales ont acheté un total net de 399,3 tonnes d’or entre juillet et septembre, soit plus de quatre fois plus que l’année précédente, selon le rapport de novembre du World Gold Council. Ce dernier montant marque un bond considérable par rapport aux 186 tonnes du trimestre précédent et aux 87,7 tonnes du premier trimestre, tandis que le total depuis le début de l’année dépasse à lui seul toutes les années complètes depuis 1967.
Des acheteurs tels que les banques centrales de Turquie, d’Ouzbékistan et d’Inde ont déclaré des achats de 31,2 tonnes, 26,1 tonnes et 17,5 tonnes, respectivement. Le problème, comme nous l’avons calculé début novembre, est que ces montants ne représentent qu’environ 90 tonnes – « ce qui signifie que l’on ne sait pas qui a acheté les quelque 300 tonnes nettes restantes ».
Et alors que nous avions clairement un nom comme suspect le plus probable derrière l’achat résiduel, ce n’est que deux semaines plus tard, dans un rapport du Nikkei japonais, que ce nom est apparu au premier plan.
Selon le Nikkei, qui paraphrasait mot pour mot ce que nous avions dit précédemment, les banques centrales s’étant emparées de l’or cette année dans un contexte d’incertitude quant à celles qui sont à l’origine de cette frénésie d’achats, « des spéculations ont émergé selon lesquelles la Chine serait un acteur important ».
Et citant des analystes, le Nikkei poursuit en suggérant que, vu la façon dont la Russie a été frappée par les sanctions monétaires de l’Occident, « la Chine et certains autres pays doivent se dépêcher de réduire leur dépendance à l’égard du dollar ».
« Voyant comment les actifs de la Russie à l’étranger ont été gelés après son invasion de l’Ukraine, les pays anti-occidentaux sont désireux d’accumuler des avoirs en or à portée de main », a déclaré Emin Yurumazu, un économiste turc basé au Japon.
Ceux qui connaissent les habitudes d’achat d’or de la Chine ne savent que trop bien que Pékin a déjà pris des mesures similaires par le passé. Après avoir gardé un silence radio depuis 2009, Pékin a choqué le marché en 2015 lorsqu’il a révélé avoir augmenté ses avoirs en or d’environ 600 tonnes. Elle n’a pas signalé d’activité depuis septembre 2019.
« La Chine a probablement acheté une quantité substantielle d’or à la Russie », a ajouté l’analyste de marché Itsuo Toshima.
Selon Toshima, la Banque populaire de Chine a probablement acheté une partie des avoirs en or de la Banque centrale de la Fédération de Russie, soit plus de 2 000 tonnes.
Avance rapide jusqu’à aujourd’hui
Alors que nous ne savons toujours pas si la Russie a vendu une partie de son or à la Chine – tout ce que nous savons, c’est que la Russie a vendu de l’or ces derniers mois après que ses avoirs aient atteint un record en 2020…
… ce dont nous sommes sûrs, c’est que la Chine s’est effectivement chargée en or.
Nous le savons, car cette nuit, la PBOC [People’s Bank of China- Banque Populaire de Chine] a officiellement fait état d’une augmentation de ses réserves d’or pour la première fois en plus de trois ans, confirmant que le pays le plus peuplé du monde était bien le mystérieux acheteur sur le marché de l’or.
Fidèle à sa pratique traditionnelle consistant à masquer ses achats pendant des années (la période « dormante » entre 2009 et 2015, au cours de laquelle la Chine n’a révélé aucun achat, puis a soudainement fait état d’un bond de 57 % de ses réserves, étant la plus célèbre), puis à ne dévoiler que progressivement le montant de ses achats, la banque centrale chinoise a augmenté mercredi ses avoirs de 32 tonnes en novembre par rapport au mois précédent et réellement par rapport à la dernière mise à jour officielle en septembre 2019, selon les données publiées sur son site Web.
Cela a porté son total à 1 980 tonnes (soit 63,67 millions d’onces troy fines), ce qui en fait le sixième plus grand stock de lingots de la banque centrale au monde.
Mais comme pour les communications précédentes, il est probable que la Chine a acheté beaucoup plus au cours des trois dernières années, mais elle ne révélera le montant exact que dans les mois à venir.
Cela dit, la Chine a encore un long chemin à parcourir pour rattraper les États-Unis (qui peuvent ou non posséder l’or qu’ils représentent), et même si on y ajoute les avoirs de la Russie, les deux pays ne seraient toujours pas le plus grand détenteur d’or au monde.
Pourquoi une telle frénésie d’achat aujourd’hui ?
Eh bien, comme le rapporte Bloomberg, faisant écho au Nikkei ci-dessus, « pour la Chine, la nécessité de trouver une alternative aux dollars, qui dominent ses réserves, a rarement été aussi grande. »
Les tensions avec les États-Unis sont élevées depuis les mesures prises contre ses entreprises de semi-conducteurs, tandis que l’invasion de l’Ukraine par la Russie a démontré la volonté de Washington de sanctionner les réserves des banques centrales.
En d’autres termes, maintenant que les États-Unis ont montré qu’ils étaient prêts à armer le dollar, toutes les réserves en dollars détenues par la Fed, les banques occidentales ou toute autre contrepartie, pourraient être et seront rapidement confisquées si la Chine fait quelque chose de désagréable… comme envahir Taïwan.
C’est pourquoi la Chine cherche désespérément de l’argent sans risque de contrepartie. Ici, elle n’a que deux choix : crypto ou or. Pour l’instant, elle a choisi ce dernier.
D’autres ont fait écho à cette thèse de la dédollarisation que nous défendons depuis des années : selon l’analyste Giovanni Staunovo d’UBS, les achats de la PBOC pourraient faire partie d’un plan visant à diversifier ses réserves loin du dollar :
« Les avoirs en or de la Chine en tant que partie des réserves totales sont encore très faibles, il y a donc probablement de la place pour de nouveaux achats en cours de route. »
Comme les lecteurs réguliers le savent bien, la Chine a précédemment passé de longues périodes sans divulguer les changements dans ses avoirs en or. Lorsque la banque centrale a annoncé un bond de 57 % de ses réserves à 53,3 millions d’onces à la mi-2015, il s’agissait de la première mise à jour en six ans. Elle a de nouveau pris une pause à partir de fin octobre 2016, avant de reprendre la déclaration des achats en décembre 2018.
Conséquences sur l’or
Si les achats des banques centrales sont rarement à l’origine de reprises durables de l’or, ils peuvent constituer un important pilier de soutien lorsque les prix baissent.
Le métal précieux a été mis sous pression cette année par le resserrement monétaire agressif de la Réserve fédérale, même s’il a relativement bien résisté aux mouvements du dollar et des rendements du Trésor.
« À mesure que la démondialisation s’accélère, on s’attend à ce que les pays qui ne font pas partie du G10 se réorientent et augmentent leurs avoirs en or », a déclaré Nicky Shiels, responsable de la stratégie chez MKS PAMP SA.
Dans le même temps, comme l’a écrit hier Zoltan Pozsar dans une note à lire absolument, le rôle de l’or est peut-être en train de changer, car la Russie d’abord, puis d’autres pays (la Chine) cherchent à évincer le pétrodollar et à le remplacer par le petrogold, ce qui entraînerait finalement une hausse substantielle du prix du métal jaune, qui n’est allé nulle part au cours des deux dernières années.
Le 7 Décembre 2022, l’or a atteint 1 782 $ l’once à 12 h 30 (heure de l’Est). Le métal jaune a connu une brève remontée au-dessus de 1 800 dollars vendredi et a perdu environ 3 % cette année.
Source: Zero Hedge
