Le Macron d’Or
Chers lecteurs,
Notre Présidentisissme nous a gratifié au mois de mai d’une sortie dont il a seul le secret. L’Afrique, nous explique-t-il doctement, n’a pas les moyens de financer sa relance comme les autres continents.
Il faudrait donc consentir à vendre nos réserves d’or afin d’offrir aux Africains la prospérité et la quiétude qui leur manquent tant.
Ah, lecteurs ! Que dire face à tant de générosité ? N’est-il pas mignon tout plein, notre Manu, à vouloir venir au secours de la veuve et du mineur non accompagné ? Ne sommes-nous pas contents de nous être donné pour chef un homme de cette stature, de cette profondeur et de cette intelligence ? Pour un peu lecteurs, j’en aurais presque envie de devenir professeur de français. Dieu merci, je contrôle encore mes viles pulsions grâce à une discipline doublée d’une hétérosexualité à toute épreuve.
Et vous, lecteurs ? Vous semblez sceptiques. Vous ne devriez pas. Je vous entends déjà exprimer derrière vos écrans, vos véhémentes récriminations.
« Monsieur de Beaumanoir, vous avez complètement perdu la raison ! »
« Mais enfin Raoul, on ne fait pas main basse sur l’or de la France ! »
« Dès le deuxième édito, Beaumanoir rejoint le camp des chiens fidèles du pouvoir macroniste ».
Même Francky ne cautionne plus !
Je vois même notre hôte, Franck Pengam, hausser un sourcil devant mon enthousiasme, je l’imagine déjà, lui qui s’attendait à une attaque en règle contre Manu l’orpailleur, découvrir avec circonspection mon texte dithyrambique, et regretter amèrement la totale liberté d’expression qu’il m’a octroyée. Oh, allez, je ne résiste pas à le faire rager un peu davantage !
Elon Musk est un type bien !
Les cryptos c’est pour les gogos !
Le dollar c’est la vie !
Vive la FED !
Bon, je m’arrête là, il va finir par penser que je me moque de lui, ce qui ne serait pas très charitable. Ce serait sans doute pire que de tourner en ridicule le Président de la République.
Lecteurs, vous êtes des salauds !
Toujours est-il que je les vois, les esprits chagrins, les sempiternels adeptes de la droite nationale scrogneugneu, les rejetons qui sont sortis du ventre encore fécond, etc.
Vous vous êtes dit, je vous connais mes brigands, que le Président de la République n’avait pas pour mission de devoir assurer le développement de l’Afrique en vendant nos réserves d’or et qu’en plus de cela, ce serait totalement inutile, et même nuisible pour les Africains.
Oui, Lecteurs, vous pensez cela, monstres que vous êtes.
Alors je sais, vous allez commencer à argumenter sur le Sahel pour illustrer votre propos. Vicieux que vous êtes ! Vous ferez remarquer que dans cette région de l’Afrique nous avons déversé des montagnes de fric, un pognon de dingue même ! À l’aveugle ! Sans le moindre effet ! Aujourd’hui, nous en sommes rendus à constater l’évidence que l’Opération Barkhane est un échec stratégique et que nous nous retirons.
Vous chiffrerez même vos horribles propos, en pointant qu’en 2013, le Mali a reçu 900 millions de dollars, provenant du monde entier, en aide au développement, soit 12% de son PIB, ce qui équivaudrait, appliqué à notre pays, à injecter dans l’économie française 200 milliards d’euros.
Vous me direz, lecteurs, que cet argent est tellement dépensé n’importe comment, que la quasi-totalité des projets que nous avons financée a disparu après 5 ans d’existence. Et qu’en plus de ça, le revenu par tête des habitants du Sahel est plus faible maintenant qu’avant les indépendances. Oui, lecteurs, parce qu’en plus, vous êtes colonialistes.
Et en plus, vous n’aimez pas le FMI, bande de vilains !
Je vous condamne fermement. Mais, vous ne vous arrêterez pas, gens sans cœurs que vous êtes ! Vous continuerez inlassablement, en rappelant les multiples tripatouillages auxquels se livrent les puissances néolibérales sur ce pauvre continent depuis la fin des années 60. Vous irez même jusqu’à parler des programmes d’ajustements structurels de ces gens bien intentionnés du FMI, qui ont, selon vous, mis par terre toute l’économie agricole vivrière de ces pays pour les faire s’incruster dans des flux commerciaux mondiaux qu’ils étaient bien incapables de maîtriser.
Et en plus, lecteurs, comme vous savez un peu l’économie, vous toucherez même du doigt qu’on les a fait surproduire des cultures d’exports, en faisant s’effondrer les cours par le jeu de l’offre et de la demande, tandis qu’eux, ne produisant plus leur nourriture, ont dû l’acheter à prix d’or sur les marchés mondiaux. C’est pour cela que vous me ferez constater que la balance des paiements des pays africains, déjà mauvaise avant les Programmes d’ajustements structurels des années 70, n’a fait que se dégrader alors même qu’en volume, ces pays exportent beaucoup plus qu’à l’époque.
Vous ajouterez, lecteurs, que pour se nourrir, ces pays ont contracté des prêts auprès de ceux mêmes qui les ont affamés. Vous ne manquez pas de culot, lecteurs, de mettre ainsi en cause les gentils conseillers économiques du FMI et de la Banque Mondiale. Vous allez finir comme Thomas Sankara, lecteurs, c’est moi qui vous le dis.
Vous m’apprendrez même, lecteurs, que les subventions agricoles versées par l’UE aux grands groupes alimentaires permettent de casser tous les prix et d’exporter les surplus en Afrique, ce qui a réduit à la misère toute la paysannerie africaine, qui représente peu ou proue 70% de la population active de la plupart des pays subsahariens, et constitue le principal secteur économique pourvoyeur de richesse. Des filières entières s’en retrouvent détruites, éleveurs, semeurs, grossistes locaux, au tapis du fait du différentiel de prix colossal. Et, Lecteurs, vous appellerez à mon humanité, en me faisant observer que les surplus de viande qu’on exporte là-bas -de la volaille surtout- ce sont tout simplement les invendus des grands groupes alimentaires au départ destinés à…la nourriture pour animaux. Si votre petit chat n’en veut pas, votre petit noir s’en contentera !
Pourtant, Lecteurs, j’ai des doutes…
Et là, lecteurs, vous m’ébranlez, je le reconnais, car j’ignorais tout cela. Je commence donc à me demander si l’initiative de Manu l’orpailleur est vraiment basée sur une volonté de financer le développement des pays africains. J’admets, lecteurs, que j’ai des doutes sur le fait que, si l’on en arrive là, les peuples de ces pays verront un centime de ce à que nous aurons consentis à donner. La Chine se taillera la part du lion, car certainement, la manne servira à financer des projets dont ses entreprises auront la charge.
La position économique de la France, déjà réduite à néant, en Afrique, comme cela a été surabondamment démontré par toute une série de rapports, d’analyses et de chiffres, n’en sera pas plus renforcée. Alors pourquoi ?
Je vous donne mon avis, lecteurs. Il m’apparait certain que l’hypothèse d’une victoire du camp nationaliste en 2022 est de nature à menacer la direction mondialiste que l’on a donnée aux affaires de la France. En cas de défaite, il faudra tout faire pour que les nazis pédophiles mangeurs d’enfants du Rassemblement national ne puissent pas mettre en œuvre leur programme, ou ce que l’on pense être leur programme. Une France sans or aura infiniment moins de marge de manœuvre dans la nouvelle donne qui s’annonce dans le système monétaire international.
Sans or, la France sera forcée de demeurer dans l’euro, même si cette monnaie est condamnée à moyen-long terme. Nous ne disposerons plus d’aucune contrepartie tangible pour pouvoir négocier. L’Afrique, en réalité, n’est qu’un prétexte, car ce continent, plein de potentiel, n’a pas besoin d’argent. La pauvreté du continent africain est un mythe vendu aussi bien par les pouvoirs corrompus que par les puissances corruptrices. Seulement, il faut enfin dire les choses en face. L’Afrique est dans l’état dans lequel les Africains ont bien voulu qu’elle soit, c’est tout. Penser autrement, c’est là le vrai colonialisme, c’est là le vrai paternalisme délétère qui fait végéter ce continent depuis bientôt 80 ans.
Alors, que faire pour l’Afrique ?
Car, pour ceux qui désirent investir en Afrique, il y a des choses à faire. Naturellement, ce n’est pas sans risque, rien ne l’est. Mais pour des portefeuilles un peu conséquents, qui peuvent se permettre de faire quelques coups un peu marginaux, à quelques dizaines de milliers d’euros, il y a de bonnes opérations. Je vous en suggère deux. D’abord, il y a toute une infrastructure hôtelière dans certains pays d’Afrique qui propose de la nourriture locale haut de gamme, et je peux vous dire que ce n’est pas mauvais, un touriste peut très bien manger en Afrique.
Dans certaines régions lacustres, on pratique l’aquaculture traditionnelle, on vend la production dans ces structures hôtelières. Bien sûr, c’est un investissement, il vous faut également des gens de confiance, mais disons que pour un investissement initial de 10 000 euros, vous pouvez doubler la somme en un ou deux ans. Ne négligez pas non plus les bases de produits cosmétiques, bien que là, cela vous demandera une mise de fonds plus importante, et vous serez très concurrencé par la diaspora africaine en France, qui a ses réseaux. Il faut aussi inclure des coûts plus importants en logistique, et mesures phytosanitaires, mais disons que si vous êtes bien organisés, vous pouvez faire un très joli profit sur le beurre de karité haut de gamme, le produit est très demandé.
Une fois encore, ce sont des options pour de gros portefeuilles, je vous déconseille de vous lancer là-dedans si vous n’avez pas d’argent à perdre, car ce sont quand même des affaires exotiques qui demandent du temps et de bonnes relations. En revanche, comme tout, plus le risque est élevé, plus la rémunération est forte.
Ce sera toujours plus utile pour les populations locales que de leur jeter de l’argent comme à des mendiants pour financer la lubie des néolibéraux qui ne connaissent rien, ou font semblant de ne rien connaitre à ce continent.
Je vous dis, lecteurs, à la semaine prochaine pour notre prochain rendez-vous du mardi, où nous allons parler d’un sujet qui, je pense, nous occupera un bon moment. Nous aborderons l’idée de l’hélicoptère monnaie qui semble émerger dans le débat public français ces derniers jours.
D’Ici là, je vous souhaite, tout le bonheur du monde !
Bien à vous,
Raoul de Beaumanoir