Pascal Mas est l’invité du Libre Journal de Gépolitique Profonde animé par Nicolas Stoquer, en compagnie de Lara Stam, sur GPTV ACTU.
L’histoire de la Russie et de l’Islam est complexe, marquée par des périodes de tensions mais aussi par une longue cohabitation.
Aujourd’hui, sous la présidence de Vladimir Poutine, cette relation a pris une dimension stratégique et philosophique cruciale, symbolisée par la vision d’un « Président de tous les Russes », où la communauté musulmane s’intègre pleinement dans le cadre national, devenant « d’abord russe, et ensuite musulmane ».
La Russie et l’Islam : une relation historique marquée par les épreuves
Pour comprendre cette union solide, il est indispensable de revenir sur les siècles de cohabitation entre l’État russe et ses populations musulmanes, notamment en Tchétchénie et au Tatarstan. Dès les conquêtes tsaristes, les musulmans de ces régions furent intégrés dans l’empire russe, parfois de force, parfois par diplomatie. Cette relation devint particulièrement complexe sous l’Union soviétique, lorsque les pratiques religieuses furent réprimées dans une tentative d’assimilation forcée au matérialisme d’État.
La chute de l’URSS a rouvert des blessures, notamment lors des guerres en Tchétchénie, où les conflits ethniques et religieux ont semblé remettre en cause l’unité du pays.
Toutefois, sous Poutine, une politique de réconciliation et d’intégration a permis de stabiliser ces régions. La Tchétchénie est devenue un exemple de paix retrouvée sous l’égide de dirigeants locaux loyaux au Kremlin, tandis que le Tatarstan, avec Kazan comme capitale, symbolise la prospérité économique et culturelle des musulmans au sein de la Fédération de Russie.
« Président de tous les Russes » : une philosophie d’unité nationale
La force du discours de Vladimir Poutine réside dans cette idée d’unité indissociable, où toutes les composantes ethniques et religieuses de la Russie sont pleinement reconnues, mais intégrées sous une bannière nationale.
Les musulmans de Russie, qui représentent environ 10 % de la population, sont ainsi encouragés à s’identifier d’abord comme russes, tout en pratiquant leur foi dans un cadre où l’islam est non seulement respecté mais valorisé comme une partie intégrante de l’identité nationale.
C’est cette philosophie qui permet aujourd’hui à la Russie d’éviter les fractures internes que l’on observe dans de nombreux pays européens, où les communautés musulmanes se sentent souvent mises à l’écart. La stabilité relative en Tchétchénie et au Tatarstan est un témoignage de cette intégration réussie, où la loyauté à l’État prime sur les différences confessionnelles.
Kazan : symbole d’une union prospère
La ville de Kazan, capitale du Tatarstan, incarne parfaitement cette symbiose entre l’islam et la Russie. Métropole dynamique, elle est un centre culturel et spirituel important pour les musulmans russes.
Le choix de Kazan pour accueillir le prochain sommet des BRICS+ en octobre 2024 est d’ailleurs révélateur de son importance stratégique et économique. Cela montre également comment la Russie, en s’appuyant sur ses régions musulmanes, aspire à jouer un rôle central dans un monde multipolaire en plein essor.
Une réflexion sur l’assimilation des musulmans en France
La réussite de la cohabitation entre Russes et musulmans contraste fortement avec la situation en France, où la question de l’assimilation des musulmans reste une problématique majeure. En Russie, l’intégration se fait dans le cadre d’une identité nationale forte, où les musulmans sont perçus comme une partie essentielle du tissu social et historique.
En France, la tension entre les Français dits de souche et l’immigration principalement arabo-musulmane ne cesse de s’accentuer, souvent alimentée par des débats sur la laïcité et la place de l’islam dans la société.
Comprendre la spécificité russe, son approche inclusive mais ferme, permet d’élargir la réflexion sur les défis auxquels sont confrontées les nations européennes. L’exemple russe montre qu’une intégration réussie ne passe pas nécessairement par l’assimilation forcée, mais par la valorisation des différences au sein d’une identité nationale partagée.
Un modèle qui, s’il n’est pas parfait, offre des pistes de réflexion pour les pays qui cherchent à apaiser les tensions ethnico-religieuses tout en préservant leur cohésion nationale.
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