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RÉBELLION DE WAGNER : QUE S’EST-IL VRAIMENT PASSÉ ? AVEC XAVIER MOREAU

Xavier Moreau sur le coup d'état de Wagner

Rébellion de Wagner et crise ukrainienne : l’analyse de Xavier Moreau

Xavier Moreau est un expert en géopolitique et en stratégie militaire, spécialiste de la Russie et de l’Ukraine. Il vit depuis une vingtaine d’années à Moscou, où il a fondé une société de conseil en défense.

Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la région, dont “Ukraine : pourquoi la Russie a gagné”.

Lors de notre entretien, il livre son analyse sur la rébellion de Wagner, une compagnie militaire privée russe qui a tenté un coup de force contre le président Poutine le 17 juin 2023 et nous donne son éclairage sur la situation actuelle en Ukraine et en Russie.

Ukraine- Pourquoi la Russie a gagné- Xavier Moreau

Les tensions entre Wagner et les forces armées russes

En 2014, le groupe Wagner est cofondé par un ancien officier du GRU, Dmitri Outkine, et Evgueni Prigojine? délinquant condamné à plusieurs reprises, ayant fait fortune à sa sortie de prison dans le domaine de la restauration, et intime de Poutine dans les années 2000.

Evgueni Prigojine prend la direction de la société militaire privée, qui recrute des mercenaires, anciens soldats et officiers des forces spéciales, ainsi que des repris de justice, pour des opérations paramilitaires dans différents pays

Elle a combattu dans plusieurs zones de conflit, comme la Syrie, la Libye ou le Mali, pour le compte de clients privés ou étatiques.

Souvent considérée comme le bras armé du Kremlin, elle n’est pas sous son contrôle direct, mais a remporté des victoires contre les forces de l’OTAN et de Kiev en Ukraine.

Evgeny Prigozhin chef de Wagner- Vladimir Poutine
Vladimir Poutine (à gauche) et Evgueni Prigojine lors d’une visite d’entreprise chez le traiteur Concord en 2010. © government.ru

Récemment, Wagner a tenté un coup de force contre le pouvoir russe, notamment plusieurs personnalités proches de Poutine, dont le chef du renseignement extérieur, Sergueï Narychkine, et le ministre de la défense, Sergueï Choïgou.

L’objectif était de provoquer une crise politique et de déstabiliser le régime. Wagner a envoyé des colonnes vers Rostov et Moscou, espérant provoquer un soulèvement populaire ou une révolution.

Cette tentative a été déjouée grâce à l’intervention de l’armée russe, qui a arrêté les instigateurs et les exécutants de l’opération.

Poutine a réagi avec détermination en ordonnant la dissolution de Wagner et en engageant des poursuites judiciaires contre ses dirigeants. Il a également renforcé la sécurité de son entourage et de ses institutions.

L’échec de Wagner a eu des répercussions politiques et militaires significatives.

La tentative de putsh a révélé l’existence de factions rivales au sein de l’élite russe, cherchant à exploiter la situation en Ukraine pour affaiblir Poutine et provoquer une crise de régime.

La séquence a également démontré la loyauté et l’efficacité de l’armée russe, demeurant un pilier du pouvoir et a incité Poutine à accélérer le processus de résolution du conflit ukrainien pour éviter de nouvelles tentatives de déstabilisation.

Prigozhin- Wagner rébellion
Evgeny Prigozhin chef de Wagner et ses hommes, en Ukraine.

Les motivations de Prigozhin et son échec

Prigozhin voulait être une éminence grise comme Berezovski sous Eltsine, et influencer la politique russe à son avantage. Il voulait sauver son business et son influence, menacés par les sanctions économiques occidentales et la pression du Kremlin.

Il a perdu le contact avec la réalité et a trompé ses hommes, leur faisant croire qu’ils étaient les sauveurs de la Russie.

Désavoué par la population, les chefs de guerre et Poutine, qui ont condamné sa tentative de coup d’État, il a échoué à renverser le pouvoir tout en mettant en danger la sécurité et la stabilité de la Russie.

Les réactions des médias et des services occidentaux

Les médias occidentaux ont exagéré l’ampleur et la durée de la rébellion de Wagner, la présentant comme une guerre civile ou une révolution en Russie.

Ils ont relayé les fausses informations et les rumeurs diffusées par les rebelles, sans vérifier les sources ni les faits, espérant une chute de Poutine ou une démocratisation de la Russie, sans comprendre la société et le système politique russes.

Les services occidentaux étaient au courant de la rébellion, mais n’ont pas pu l’exploiter à leur profit. Ils ont été surpris par la rapidité et l’efficacité de la riposte de Poutine, qui a montré sa maîtrise de la situation et sa popularité auprès des Russes.

L’impact de la rébellion sur le conflit russo-ukrainien

La rébellion de Wagner n’a pas eu d’impact sur la ligne de front en Ukraine, où l’armée russe résiste très bien aux assauts de l’armée ukrainienne, soutenue par l’OTAN.

Wagner va être intégré dans l’armée russe, sous le nom de Wagner, et va revenir sur le front, sous le commandement du ministère de la Défense.

Selon Xavier Moreau, la milice n’a pas été un facteur décisif dans le conflit, mais a contribué à la supériorité russe sur le terrain.

La rébellion de Wagner va consolider le pouvoir de Poutine à l’intérieur de la Russie, et renforcer sa détermination à récupérer les territoires du Donbass et à neutraliser l’Ukraine.

Wagner entraine les-troupes biélorusses
Milice Wagner en Biélorussie.

Les négociations entre Moscou et Kiev

Le conflit ukrainien, qui perdure depuis 2014, oppose le gouvernement de Kiev, soutenu par les pays occidentaux, aux séparatistes pro-russes du Donbass, soutenus par Moscou.

Ce conflit a entraîné plus de 13 000 morts et a engendré une grave crise humanitaire. De plus, il a conduit à l’annexion de la Crimée par la Russie, une action condamnée par la communauté internationale.

Depuis 2015, les accords de Minsk, parrainés par la France et l’Allemagne, prévoyaient un cessez-le-feu, le retrait des armes lourdes, une plus grande autonomie pour le Donbass et des élections locales sous supervision internationale.

Cependant, ces accords n’ont pas été respectés, et les deux parties s’accusent mutuellement de violations et de provocations.

Alexandre Loukachenko- Vladimir Poutine
Alexandre Loukachenko et Vladimir Poutine.

Récemment, des pourparlers ont repris entre Moscou et Kiev, avec la médiation de la Biélorussie et de son président, Alexandre Loukachenko.

Confronté à une contestation populaire et à des sanctions occidentales, Loukachenko cherche à renforcer ses liens avec la Russie et à jouer un rôle de médiateur dans la région.

Ces négociations portent sur sur les modalités de mise en œuvre des accords de Minsk, notamment sur le statut du Donbass, le contrôle de la frontière, le retrait des forces étrangères et le déminage des zones de conflit.

Elles visent à rétablir la confiance entre les parties et à préparer une rencontre au sommet entre Poutine et le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.

Cependant, les négociations sont complexes, les positions et les intérêts des deux parties étant divergents.

La Russie cherche à garantir la sécurité et les droits de la population russophone du Donbass, ainsi qu’à maintenir son influence dans la région.

De son côté, l’Ukraine veut protéger son intégrité territoriale et sa souveraineté, tout en cherchant à se rapprocher de l’Union européenne et de l’OTAN.

En outre, des obstacles internes, tels que la pression des nationalistes ukrainiens et des oligarques russes, compliquent la situation en s’opposant à toute concession.

Le rôle de l’OTAN et des États-Unis

L’OTAN et les États-Unis jouent un rôle prépondérant dans la crise ukrainienne en soutenant le gouvernement de Kiev et en s’opposant à la Russie.

Ils ont pris des mesures telles que l’imposition de sanctions économiques et diplomatiques à Moscou, ainsi que le renforcement de leur présence militaire et de leur coopération avec l’Ukraine.

De plus, ils ont exprimé leur intention d’intégrer l’Ukraine à l’OTAN, une démarche perçue comme une menace par la Russie.

Xavier Moreau critique l’ingérence occidentale dans la région, la qualifiant de contreproductive et de dangereuse.

OTAN-USA- États-Unis

Selon lui, l’OTAN et les États-Unis ont contribué à déclencher et à aggraver le conflit en soutenant le coup d’État de 2014 qui a renversé le président ukrainien légitime, Viktor Ianoukovitch, et en encourageant les revendications nationalistes et anti-russes de Kiev.

Il accuse également les médias occidentaux de désinformation et de propagande, en occultant les réalités du terrain et en diabolisant la Russie.

Xavier Moreau met en garde contre les dangers d’une confrontation directe entre l’OTAN et la Russie, qui pourrait déboucher sur une guerre nucléaire.

Il rappelle que la Russie dispose d’un arsenal nucléaire supérieur à celui de l’OTAN et qu’elle est prête à l’utiliser en cas d’agression.

De plus, il souligne que la Russie considère l’Ukraine comme une zone vitale pour sa sécurité et sa culture, et qu’elle ne tolérera pas son basculement dans le camp occidental.

Les perspectives d’avenir pour la région

Xavier Moreau envisage plusieurs scénarios possibles pour l’issue de la guerre en Ukraine, en fonction de l’évolution des rapports de force et de la volonté politique des acteurs :

  • Le scénario du statu quo, qui verrait la poursuite du conflit gelé, sans avancée significative dans la mise en œuvre des accords de Minsk, ni dans le dialogue entre Moscou et Kiev.

    Ce scénario serait le plus favorable à la Russie, qui maintiendrait son influence dans le Donbass et empêcherait l’Ukraine de rejoindre l’OTAN. Il serait le plus défavorable à l’Ukraine, qui resterait divisée et isolée, et qui subirait les conséquences économiques et sociales de la guerre.
  • Le scénario de la paix, qui verrait la reprise du processus politique, avec la tenue d’élections locales dans le Donbass, le respect du statut d’autonomie de la région, le retrait des forces étrangères et le rétablissement des relations économiques et humanitaires entre les deux parties.

    Ce scénario serait le plus favorable à l’Ukraine, qui retrouverait son intégrité territoriale et sa stabilité, et qui pourrait se concentrer sur ses réformes internes et son rapprochement avec l’Europe.

    Il serait aussi favorable à la Russie, qui verrait son voisinage pacifié et qui pourrait renouer le dialogue avec l’Occident.
  • Le scénario de la guerre, qui verrait l’escalade des hostilités, avec une reprise des combats, une intervention de l’OTAN et une riposte de la Russie.

    Ce scénario serait le plus défavorable à tous les acteurs, car il entraînerait des pertes humaines et matérielles considérables, et pourrait déclencher une crise internationale majeure, voire une guerre nucléaire.

Xavier Moreau plaide pour le scénario de la paix, qu’il juge le plus réaliste et le plus souhaitable.

Il appelle à la raison et au dialogue entre les acteurs du conflit, et à la prise en compte des intérêts et des aspirations de tous les peuples de la région et conseille à la France et à sa politique étrangère de ne pas se laisser entraîner dans une logique de confrontation avec la Russie, mais de chercher à renforcer la coopération et la sécurité en Europe.

La situation politique et économique en Russie

La Russie résiste aux sanctions économiques occidentales grâce à la gestion de l’économie par le Premier ministre Mikhail Michoustine, qui joue un rôle majeur dans la planification et l’organisation économiques.

Des ministres compétents, tels que Denis Manturov et Anton Siluanov, supervisent respectivement les secteurs stratégiques de l’industrie et des finances en Russie.

La Russie ne se précipite pas pour négocier la paix avec l’Ukraine, car les conditions qu’elle propose pourraient être jugées inacceptables par Kiev et l’OTAN. Elle utilise sa puissance militaire et sa supériorité aérienne pour affaiblir le potentiel militaire de l’OTAN et dissuader toute intervention extérieure.

Enfin, il n’existe pas actuellement de successeur évident à Vladimir Poutine, qui bénéficie toujours du soutien de la population russe et incarne la continuité et la stabilité du pays.

La question de l’islam et de la race en Russie

L’islam en Russie existe depuis cinq siècles et il est parfaitement intégré. Il n’y a pas de problème de radicalisation ni de terrorisme islamiste en Russie, car les musulmans russes sont respectueux des lois et des traditions du pays.

La Russie est un pays de race blanche, de culture gréco-romaine et de religion orthodoxe.

Elle n’a pas de complexe ni de culpabilité sur son identité et son histoire ni de leçon à recevoir des pro-ukrainiens qui veulent défendre la race blanche en Europe de l’Est, alors qu’ils sont manipulés par les États-Unis et qu’ils trahissent leurs frères russes.

France Europe-UE

La position de la France et de l’Europe

La France doit prendre son destin en main et ne pas dépendre d’une intervention étrangère pour résoudre ses problèmes.

Une éventuelle victoire de la Russie sur l’OTAN pourrait libérer l’Europe de l’influence américaine, offrant ainsi à la France l’opportunité de retrouver sa souveraineté et son identité.

Adopter une position de neutralité et encourager les parties à trouver un compromis pour le partage de l’Ukraine, respectant les intérêts et les aspirations de tous les peuples, est essentiel.

En outre, la France doit rétablir le dialogue avec la Russie, un partenaire historique et culturel de l’Europe, qui pourrait contribuer à sa sécurité et à son développement.

Xavier Moreau conclut en affirmant que la crise ukrainienne n’est pas une fatalité, mais qu’elle peut être résolue par la diplomatie et le respect du droit international.

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