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RANÇONS ET RUINES : COMMENT LES KIDNAPPINGS ÉRODENT L’AVENIR DU NIGERIA

Une vague d'enlèvements au Nigeria sème la terreur.

Mise en contexte

Dans l’agitation quotidienne d’Apo, un district de la vibrante capitale nigériane Abuja, Ada Chukwu, une apprentie couturière, vivait une soirée ordinaire jusqu’à ce qu’elle tombe dans les griffes d’un réseau d’enlèvement.

Le 7 août, à 18 heures, elle a rangé ses affaires et s’est dirigée vers la route principale pour prendre un taxi partagé en direction de sa maison. Quelques minutes seulement après le début de son trajet, un autre passager pointe une arme sur elle, menaçant de l’abattre si elle ne coopérait pas. 

La suite est un récit glacial d’extorsion et de peur, Ada étant forcée de vider son compte bancaire, sous la menace constante de ses ravisseurs qui exigèrent ensuite une rançon à sa mère pour épargner sa vie.

Cette histoire n’est malheureusement pas un cas isolé. Les médias et les plateformes sociales nigérianes sont inondés de récits similaires, reflétant une augmentation alarmante des kidnappings à travers le pays. 

Le phénomène prend de l’ampleur, instaurant un climat de terreur et d’incertitude, tandis que les familles et les communautés sont plongées dans un cycle de peur et de désespoir. Géopolitique Profonde vous propose d’examiner en profondeur cette crise des enlèvements qui ronge le Nigeria, en explorant les témoignages des victimes, les causes profondes, et les réponses institutionnelles face à ce fléau grandissant.

L’ampleur du problème

Entre juillet 2022 et juin 2023, le Nigeria a connu une vague alarmante d’enlèvements, avec 3 620 personnes enlevées dans 582 incidents distincts

Les ravisseurs ont exigé un total stupéfiant de 5 milliards de naira (environ 6,41 millions de dollars) en rançon durant cette période. Toutefois, les paiements de rançon vérifiés n’ont atteint que 302 millions de naira (environ 387 179 dollars), ce qui représente seulement six pour cent du total exigé. Il est à noter que ce chiffre pourrait être sous-estimé en raison de la sous-déclaration généralisée des cas​​.

Les témoignages des victimes et de leurs familles révèlent l’horreur et l’impact durable de ces enlèvements. 

Par exemple, Esther, qui a choisi d’utiliser un pseudonyme par peur de représailles, a raconté son expérience traumatisante lorsqu’elle et six autres passagers ont été enlevés lors d’un voyage en voiture. Ils ont été détenus pendant cinq jours, subissant des passages à tabac quotidiens, jusqu’à ce que chaque famille réussisse à rassembler un million de naira (1 297 dollars) pour le paiement de la rançon. 

Les victimes ont enduré des conditions inhumaines, restant à l’extérieur sous la pluie la première nuit et recevant de l’eau contaminée à boire. Des mois après sa libération, Esther a confié que les souvenirs de l’enlèvement la hantent toujours, provoquant des larmes chaque fois qu’elle se couche. D’autres victimes ont également partagé des expériences similaires, montrant l’impact dévastateur des enlèvements sur la santé mentale et physique des victimes et de leurs familles.

Les répercussions économiques de ces enlèvements sont également conséquentes. Les familles sont souvent contraintes de vendre des biens ou de solliciter des dons pour rassembler les fonds nécessaires au paiement des rançons. Cette situation contribue à appauvrir davantage les communautés déjà vulnérables, tout en enrichissant et en encourageant les ravisseurs. 

La pression financière exercée sur les familles des victimes est exacerbée par la crise économique actuelle au Nigeria, marquée par une inflation élevée et des taux de chômage croissants. Il est impératif d’aborder la question des enlèvements dans le cadre d’un plan plus large visant à améliorer la sécurité et la stabilité économique au Nigeria.

La réaction gouvernementale

Les enlèvements au Nigeria ont mis en lumière une crise sécuritaire persistante, exacerbant la méfiance envers la réponse gouvernementale. En dépit des mesures prises, comme l’implication des forces navales en janvier 2021 sous l’égide de l’Amiral A.Z. Gambo, la crise des kidnappings continue de s’aggraver. 

Gambo avait envisagé une approche ferme, visant à éradiquer la corruption au sein de la marine, souvent impliquée dans ces enlèvements, et à combattre la criminalité liée aux kidnappings​​.

Cependant, l’efficacité de ces mesures reste discutable. L’incident survenu à la Federal University Gusau (FUGUS) à Zamfara, où des étudiants principalement féminins ont été enlevés, en est un exemple frappant​​. Bien que les forces de sécurité aient réussi à secourir 14 des 20 étudiants kidnappés, l’incident a suscité des inquiétudes quant à la capacité des autorités à prévenir de telles occurrences​​.

La réaction du gouvernement face à ces enlèvements massifs a été perçue comme lente et insuffisante par beaucoup, y compris par Amnesty International. Cette organisation a récemment interpellé la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour demander justice pour les victimes d’enlèvements forcés dans le nord-est du Nigeria​​.

L’insuffisance des enquêtes sur les failles de sécurité et la réponse policière est également un sujet de critique majeur. Par exemple, lors d’un incident dans l’État de Zamfara, bien que la police ait contesté le nombre de victimes d’enlèvement rapporté par les médias locaux et les villageois, la confiance en la capacité des forces de l’ordre à fournir des informations précises et à répondre efficacement a été ébranlée​​.

Tous ces éléments soulignent un besoin impérieux d’améliorer la réponse gouvernementale et de renforcer la confiance entre les autorités et la population, dans un contexte où la crise des enlèvements continue de saper la stabilité du pays.

Les conséquences à long terme

Les séquelles psychologiques des enlèvements sont durables pour les victimes et leurs familles. Ada Chukwu et Esther, bien que libérées, continuent de lutter contre les traumatismes, se retirant socialement et faisant face à des flashbacks perturbateurs. La peur s’est également infiltrée dans les communautés, particulièrement dans les zones rurales, créant une atmosphère de méfiance et d’appréhension.

Isa Sanusi d’Amnesty International souligne la nécessité d’une prise en charge psychosociale adéquate pour aider les victimes à surmonter les atrocités vécues. Il appelle à des interventions ciblées pour réintégrer les victimes dans la société et les soutenir dans leur processus de guérison. L’insuffisance de ces services exacerbent le traumatisme des victimes, prolongeant leur détresse et retardant leur récupération.

L’impact de cette crise transcende l’individu, affectant la cohésion communautaire et alimentant une culture de peur. Il est impératif de reconnaître et d’adresser les conséquences psychologiques et sociales des enlèvements, en veillant à ce que les victimes et leurs familles reçoivent le soutien nécessaire pour surmonter ces épreuves.

Vers une solution durable 

Face à la crise croissante des enlèvements au Nigeria, des propositions ont émergé pour tenter de contrer ce fléau. Mr McHarry suggère une forte impulsion sur la croissance économique durable et l’attention aux besoins de base comme l’emploi, l’éducation et la santé pour éloigner les jeunes du chemin du crime. 

D’autres experts ont également identifié des solutions clés. Parmi celles-ci, l’établissement d’un contrôle efficace des frontières, surtout au nord du pays, la mise en place d’un système d’identification fiable pour chaque individu, la lutte contre la corruption au sein des forces de l’ordre et l’amélioration des relations entre les communautés locales et ces dernières sont préconisées.

La proposition phare reste cependant de couper les logistiques des ravisseurs​.

Dans le même esprit, la discussion autour du non-paiement des rançons se fait persistante. L’idée est que le paiement des rançons encourage davantage d’enlèvements, créant ainsi un cercle vicieux. Mr McHarry met en lumière la dynamique d’une économie d’ombre prospérant sur ces paiements, au détriment de l’économie principale.

Toutefois, la non-paiement des rançons pose un dilemme moral et pratique, mettant en péril la vie des victimes.

Les efforts conjugués vers une croissance économique robuste et des mesures législatives et sécuritaires adéquates semblent être le chemin recommandé vers une solution durable à cette crise des enlèvements au Nigeria.

Conclusion

La crise des enlèvements au Nigeria présente un tableau sombre d’un pays aux prises avec des défis de sécurité complexes. Les récits poignants des victimes et les statistiques alarmantes ne sont que la partie visible de l’iceberg. Derrière se cachent des failles systémiques profondes, un chômage galopant et un cycle vicieux alimenté par le paiement de rançons. 

Les tentatives du gouvernement pour juguler cette crise ont rencontré un succès limité, mettant en lumière la nécessité d’une approche holistique. La proposition de Mr McHarry, visant à stimuler la croissance économique et à répondre aux besoins fondamentaux, offre une piste de réflexion. Toutefois, la route vers une solution durable semble encore longue et semée d’embûches. 

La complexité du problème exige une réflexion approfondie, une action concertée et un engagement ferme de toutes les parties prenantes pour éradiquer les racines de la violence et redonner espoir à la population nigériane.

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Jean D.

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