La fin de la guerre en Ukraine arrive et la France commet une grave erreur !

Le 16 avril à 7h, Finn Andreen, Colonel Jacques Baud et Stéphane Bonnard sont les invités de La Matinale animée par Nicolas Stoquer en direct sur Géopolitique Profonde.

Finn Andreen est un entrepreneur et auteur suédois basé en France, spécialisé dans les questions géopolitiques et économiques. Connu pour ses analyses percutantes sur les rapports de force mondiaux, il intervient régulièrement dans des publications et médias pour décrypter les enjeux globaux et les dynamiques internationales.

Jacques Baud est un ancien colonel de l’armée suisse, analyste stratégique, spécialiste du renseignement et du terrorisme. Il a été formé dans les services de renseignement américain et britannique, et a participé à plusieurs missions des Nations unies en Afrique et au Soudan.

Stéphane Bonnard est un expert en géopolitique spécialiste de l’armement. Il a notamment servi au SGDN, Secrétariat Général à la Défense Nationale et anime une chaîne YouTube appelée « Réinformation sur le Monde ».

Sortir de l’arrogance occidentale : une exigence vitale en géopolitique

L’Occident persiste à se penser comme le centre du monde. À tort. Cette illusion d’universalité, entretenue par une vieille croyance en la supériorité de ses valeurs et de son modèle, brouille sa compréhension des dynamiques globales. Ce prisme déformant fait des ravages. Et la France, plus que toute autre nation, s’y enferme avec une obstination presque pathologique. Elle juge le monde selon ses propres critères moraux, politiques et intellectuels, sans jamais considérer que ces critères ne sont ni partagés ni pertinents ailleurs.

Plaquer une grille de lecture occidentale sur des enjeux géopolitiques qui lui échappent conduit à des contresens en série. Les puissances comme la Russie, la Chine, ou même les États-Unis sous Trump, obéissent à des logiques profondément enracinées dans leur histoire, leur culture, leur conception du pouvoir. En refusant d’admettre cette altérité stratégique, l’Occident perd pied. Il ne comprend plus rien aux réalignements mondiaux, aux nouveaux rapports de force, aux alliances mouvantes qui se nouent hors de sa sphère d’influence.

Prenons le cas de Trump. En France, les élites l’ont caricaturé en populiste incontrôlable. Or, sa politique extérieure répondait à une logique impériale de repli tactique pour mieux repositionner la puissance américaine. Trump ne raisonne pas en chef d’État-nation classique, mais en gestionnaire d’un empire déclinant qui tente de préserver ses marges de manœuvre. L’erreur, ici, c’est de l’avoir jugé avec une grille française. Résultat : incompréhension totale des mouvements stratégiques de Washington, et donc incapacité à anticiper ses décisions.

Penser en dehors de soi, une exigence géopolitique vitale

La vraie intelligence stratégique commence par un geste fondamental : sortir de soi. Abandonner, ne serait-ce qu’un instant, la posture confortable de celui qui croit détenir la vérité. Comprendre le monde impose un effort constant de décentrage, un exercice d’altérité intellectuelle radicale. Il faut se glisser dans les intérêts, les peurs, les ambitions de l’autre pour en saisir la cohérence profonde.

Aujourd’hui, un accord global se négocie à bas bruit entre les grandes puissances : Russie, États-Unis, Chine, Iran, Turquie, Inde. Chacune avance ses pions en fonction de ses propres impératifs. Le langage utilisé n’est pas celui des droits de l’homme ou de la démocratie, mais celui de la puissance, de la sécurité, de la survie. Le Moyen-Orient se redessine sans l’Europe. L’Asie structure sa souveraineté énergétique et monétaire. L’Afrique commence à parler avec ses propres voix. Et pendant ce temps, la France s’accroche à des catégories intellectuelles obsolètes, croyant encore que son modèle républicain intéresse le reste du monde.

Cette absence de décentrement produit un effet désastreux : une série d’erreurs d’appréciation qui s’accumulent et qui font de la diplomatie française une force sans impact. Incapable de comprendre pourquoi la Russie défend bec et ongles ses marges de sécurité. Incapable de saisir la logique du Belt and Road chinois. Incapable de voir que l’ère des coalitions automatiques est révolue. À force de juger selon elle-même, la France se condamne à l’impuissance.

Sortir du prisme occidental pour viser juste

Rien n’est plus dangereux en géopolitique que la prétention universaliste. Le monde n’obéit pas à une rationalité unique. Chaque nation pense depuis son histoire, ses traumatismes, sa géographie. Croire que la rationalité française — issue des Lumières, de la Révolution, de l’État-nation — peut s’appliquer partout revient à faire de la géopolitique avec une carte fausse.

Ce défaut de relativisme stratégique explique l’échec récurrent de la diplomatie occidentale. En Irak, en Libye, en Syrie, en Ukraine, partout l’erreur a été la même : croire que les peuples allaient naturellement adhérer aux valeurs occidentales dès qu’on leur tendait la main. Mais le monde ne veut pas de modèle. Il veut du respect, de la puissance, des partenariats utiles. L’ordre mondial qui émerge aujourd’hui est un ordre pluriel, conflictuel, asymétrique. Il exige de chacun qu’il comprenne les autres pour espérer les influencer.

La France, héritière de Claude Lévi-Strauss, a théorisé le relativisme culturel. Elle aurait pu en faire une arme intellectuelle de premier plan. Mais elle a tourné le dos à son propre génie. Aujourd’hui, elle juge encore le monde avec les lunettes des années 1990, celles de la fin de l’histoire et de l’illusion d’un monde libéral globalisé. Ce monde-là est mort. Le nouveau réclame une lucidité brutale, un regard multiple, un réalisme sans concession.