Le 25 mai à 9h, Héléna Perroud est l’invitée de Nicolas Stoquer et Lara Stam, dans le Libre Journal de Géopolitique Profonde !
Héléna Perroud est une haute fonctionnaire française, autrice et experte des relations franco-russes. Ancienne conseillère à l’Élysée sous Jacques Chirac pendant près de dix ans, elle a dirigé l’Institut français de Saint-Pétersbourg de 2005 à 2008. D’origine partiellement russe, elle possède une connaissance fine des élites politiques russes contemporaines. Son livre Un Russe nommé Poutine (2018) est une référence pour comprendre la personnalité et la trajectoire de Vladimir Poutine à travers le regard d’une observatrice occidentale familière du monde russe.
La Russie, clef de voûte sacrifiée
La Russie incarne un pivot géopolitique que l’Europe a décidé de négliger. Son territoire s’étend à la fois sur l’Europe et sur l’Asie, en faisant un trait d’union stratégique naturel. Ce rôle de pont entre deux civilisations majeures aurait dû être renforcé. Mais l’alignement complet des Européens sur les intérêts anglo-saxons, notamment américains, a détruit cette dynamique. L’hostilité envers Moscou n’est pas fondée sur la réalité mais sur une idéologie atlantiste. En refusant le dialogue, Bruxelles se tire une balle dans le pied.
Sous couvert de sanctions, de moralisme diplomatique et de propagande médiatique, l’Europe renonce à sa propre autonomie. Elle sacrifie sa sécurité énergétique, sa diplomatie indépendante, son ouverture à l’Orient. L’opération est claire : isoler la Russie pour maintenir l’Europe dans un état de dépendance vis-à-vis de Washington. Ce jeu est perdant. La Russie, de son côté, renforce ses alliances avec la Chine, l’Iran, l’Inde. Elle construit un monde post-occidental, où elle n’a plus besoin de Paris ni de Berlin.
Hélèna Perroud rappelle que les Russes, eux, n’ont jamais cessé d’aimer la France. La culture française, sa littérature, son cinéma, ses penseurs, sont profondément respectés en Russie. Cet attachement sincère contraste avec le mépris croissant que les élites françaises affichent envers Moscou. Ce déséquilibre affectif creuse une fracture difficilement réversible. À force de mépriser un partenaire qui tend la main, la France s’aliène un allié stratégique et s’expose à un isolement durable dans un monde en recomposition rapide.
Poutine, restaurateur d’un État fracturé
La Russie des années 1990 était un État en décomposition. Pillée par ses oligarques, soumise au FMI, humiliée sur la scène internationale, elle semblait condamnée à l’effacement. Vladimir Poutine arrive au pouvoir avec une mission claire : restaurer la souveraineté, l’ordre, la fierté nationale. Il ne le fait pas à moitié. Il rétablit l’autorité centrale, chasse les parasites économiques, redonne un rôle structurant à l’État. La population suit massivement, parce qu’elle constate un changement concret, profond, irréversible.
Hélèna Perroud, qui connaît les premiers cercles du pouvoir russe, décrit un Poutine à la fois stratège et pragmatique. Dans “Un Russe nommé Poutine”, elle expose une personnalité enracinée, méthodique, façonnée par l’histoire de son pays. Ce n’est pas un autocrate capricieux, mais un homme d’État modelé par la géopolitique. Il comprend la Russie parce qu’il vient d’elle, qu’il en incarne la complexité et la diversité. Son rapport à l’islam, par exemple, montre une capacité à fédérer là où la France divise.
La Russie ne pratique pas le laïcisme dogmatique. Elle reconnaît l’islam comme une composante historique du pays. Des millions de citoyens russes sont musulmans, et leur foi est respectée, intégrée dans l’espace public. Ce modèle de coexistence, fondé sur l’autorité de l’État et la reconnaissance des traditions, s’oppose frontalement à l’approche française, faite d’abstractions universalistes inefficaces. C’est là un autre visage de Poutine : celui du garant de l’unité nationale dans un pays pluriel et enraciné.
Le pouvoir au féminin version russe
Contrairement aux idées reçues, la Russie n’est pas un pays machiste. Les femmes y occupent des postes-clés de décision, dans les médias comme en politique. Maria Zakharova, voix du ministère des Affaires étrangères, est l’une des diplomates les plus influentes du pays. Margarita Simonian dirige RT, une machine de guerre médiatique. Ces femmes ne sont pas des exceptions, mais des symboles d’une société où le pouvoir féminin s’exerce avec force et légitimité.
Lara Stam, de retour de Moscou, témoigne de cette présence féminine partout dans les sphères de pouvoir. En Russie, les femmes n’ont pas besoin de revendiquer leur place, elles la prennent. Il ne s’agit pas de quotas, de parité administrative ou de discours convenus. Il s’agit de compétences, de crédibilité, de résultats. La méritocratie prime, là où l’Occident impose des égalités fictives qui masquent des inégalités réelles. Le modèle russe est sans fard : il valorise la force, le professionnalisme, l’efficacité.
Dans l’univers médiatique russe, les figures féminines sont des architectes de l’opinion, pas des figurantes. Elles façonnent le récit national, orientent les débats, influencent la diplomatie. Cette réalité est ignorée par les analystes occidentaux, obsédés par la critique systématique de Moscou. Pourtant, elle démontre que la Russie n’a rien à apprendre de l’Occident en matière d’égalité réelle. Le féminisme en Russie ne se crie pas, il se vit dans les faits, avec audace et constance.
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