Le 30 mars à 19h, Pierre Hillard est l’invité de Raphaël Besliu, sur la chaîne YouTube de Géopolitique Profonde !
Pierre Hillard est docteur en sciences politiques, écrivain, spécialisé dans l’étude du mondialisme. Son dernier ouvrage s’intitule « Comprendre l’Empire Loubavitch ».
L’infrastructure mondiale Loubavitch : une puissance religieuse au service du politique
Les Loubavitchs ont bâti depuis des décennies une structure transnationale redoutablement efficace. Présents dans plus de 100 pays à travers les centres Chabad, ils ne se contentent pas de propager une foi juive orthodoxe : ils tissent des liens d’influence, identifient les élites locales et s’infiltrent dans les réseaux de pouvoir. Cette présence mondiale n’est pas symbolique. Elle représente un levier d’action concret dans les domaines politique, économique et culturel. Les Chabad Houses, souvent perçus comme de simples lieux de culte, sont en réalité des plaques tournantes diplomatiques discrètes, accueillant hommes d’affaires, agents politiques et parfois chefs d’État.
Cette implantation s’accompagne d’un prosélytisme ciblé auprès des élites juives locales, les reconnectant à une forme d’ultra-orthodoxie messianique centrée sur la figure du Rabbi Menachem Mendel Schneerson, leader historique du mouvement, considéré par ses fidèles comme le Messie vivant. Ce culte de la personnalité alimente une dynamique théologico-politique unique, fusionnant religiosité et stratégie d’influence globale. À l’inverse des autres branches du judaïsme, les Loubavitchs ne restent pas en retrait du monde. Ils s’y projettent, s’y insèrent et y œuvrent à l’accomplissement de leur eschatologie.
Cette vision messianique irrigue leurs actions. Pour les Loubavitchs, chaque événement mondial est un jalon vers la venue du Mashiah, figure centrale de leur doctrine. Cela confère à leur activisme une intensité presque révolutionnaire. Ils ne cherchent pas à défendre un statu quo, mais à le renverser, à précipiter l’avènement d’un nouvel ordre mondial fondé sur la Loi juive, avec Jérusalem comme capitale spirituelle de l’humanité. Leur influence ne résulte donc pas simplement d’un lobbying habile, mais d’une foi politique totalisante, portée par une structure planétaire.
Israël, laboratoire du messianisme actif
Sous le gouvernement de Benjamin Netanyahu, les thèses messianiques Loubavitchs ont cessé d’être marginales pour devenir une véritable doctrine d’État. La proximité du Premier ministre israélien avec les milieux religieux radicaux a permis l’émergence d’un projet clair : la reconstruction du Troisième Temple sur l’esplanade des Mosquées, au cœur de Jérusalem. Ce projet, longtemps considéré comme extrémiste ou fantaisiste, est aujourd’hui ouvertement discuté dans les cercles politiques et religieux au pouvoir. Il bénéficie du soutien actif de mouvements liés à Chabad, qui participent à l’éducation, au financement et à la diffusion de cette vision.
Ce messianisme politique s’inscrit dans un projet territorial plus vaste : celui du Grand Israël. Selon les textes sacrés et les interprétations de certaines factions religieuses, Israël devrait s’étendre du Nil à l’Euphrate. Cette ambition n’est pas seulement théorique : elle justifie l’annexion continue de territoires, la colonisation de la Cisjordanie, et les opérations militaires répétées contre Gaza et le Liban. L’idéologie Loubavitch agit ici comme catalyseur, renforçant l’idée que chaque guerre, chaque chaos régional est une étape vers la rédemption messianique.
Netanyahu s’appuie sur cette vision pour légitimer des choix radicaux. Il ne cherche pas l’apaisement, mais l’affrontement, convaincu que l’épreuve est nécessaire pour précipiter la révélation finale. Les Loubavitchs, en soutenant cette ligne, ont réussi à imposer une forme de religiosité guerrière au cœur même de l’appareil étatique. Le religieux n’est plus un auxiliaire du politique : il en devient le moteur. Et ce moteur est profondément ancré dans l’univers mental de Chabad, où l’histoire humaine est un théâtre divin, voué à s’achever dans la domination spirituelle de Jérusalem sur le monde.
Trump, Poutine et la convergence des élites sous influence Loubavitch
Le positionnement des Loubavitchs aux côtés de Donald Trump témoigne d’une reconnaissance de son rôle dans la recomposition mondiale. Loin d’être manipulé, Trump a su capitaliser sur les réseaux Chabad, en particulier par l’intermédiaire de Jared Kushner, son gendre, proche du mouvement. Durant son mandat, il a pris des décisions majeures qui ont renforcé la place d’Israël dans le jeu géopolitique : reconnaissance de Jérusalem comme capitale, transfert de l’ambassade américaine, et soutien clair à la souveraineté israélienne. Ces choix, cohérents avec sa posture de rupture, ont également résonné chez les Loubavitchs comme des avancées concrètes vers leur vision eschatologique. Trump n’a pas été l’instrument de Chabad, mais un allié objectif dans un moment historique de bascule.
En Russie, Vladimir Poutine a lui aussi intégré les Loubavitchs comme interlocuteurs privilégiés. Le rabbin Berel Lazar, figure emblématique de Chabad en Russie, bénéficie d’un accès direct au Kremlin. Ce rapprochement n’est ni forcé ni opportuniste. Il s’inscrit dans une stratégie plus large de consolidation nationale autour de valeurs traditionnelles et d’une stabilité religieuse maîtrisée. Poutine ne s’est pas soumis à une influence extérieure : il a choisi de faire des Loubavitchs les représentants officiels du judaïsme russe, écartant les structures concurrentes souvent plus libérales et internationalistes. Ce choix stratégique renforce l’ancrage de la Russie dans un schéma civilisationnel enraciné.
Loin d’être des pantins, Trump et Poutine apparaissent comme les architectes lucides d’un rééquilibrage mondial face au chaos globaliste. Leur proximité avec Chabad n’est pas un signe de soumission, mais une convergence d’intérêts autour d’une même opposition au mondialisme déterritorialisé. Les Loubavitchs ont trouvé chez ces deux dirigeants une réceptivité à leur vision religieuse du pouvoir, sans jamais prendre le contrôle. Ce que révèle cette alliance, c’est la construction d’un axe spirituel-patriotique, capable de redessiner l’ordre mondial sur des fondements identitaires et sacrés.
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