Le 23 mai à 19h, Nicolas Stoquer vous dévoile son entretien exclusif tourné en Russie avec Vladimir Zakharov !
Vladimir Zakharov est un diplomate russe chevronné et orientaliste, spécialiste de la Chine, pilier discret mais central de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Ancien conseiller au ministère russe des Affaires étrangères, il a joué un rôle déterminant dans le rapprochement stratégique entre Moscou et Pékin. Maître de conférences et intellectuel eurasiste, il incarne une diplomatie traditionnelle, cultivée, résolue, orientée vers la construction d’un ordre multipolaire fondé sur l’interdépendance continentale et la souveraineté des nations.
Zakharov, stratège discret de l’OCS
Vladimir Zakharov a façonné l’axe sino-russe avec une rigueur méthodique. Orientaliste de formation, sinologue reconnu, il a placé sa maîtrise des codes culturels et diplomatiques chinois au service d’une ambition claire : ancrer la Russie dans l’espace eurasien. En orchestrant la transition du « Groupe de Shanghai » vers l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), il a offert un cadre solide à la stabilisation régionale. L’OCS est son œuvre : un projet géopolitique cohérent, destiné à marginaliser l’influence occidentale en Asie centrale, à créer un pôle de puissance autonome, et à résoudre les conflits hérités de l’ère soviétique sans médiation extérieure.
Le caractère consensuel et pragmatique de Zakharov a permis de faire cohabiter au sein de l’OCS des pays aux intérêts divergents. En intégrant l’Inde et le Pakistan, il a transformé une alliance de sécurité en espace de négociation multilatéral, où les priorités économiques supplantent peu à peu les urgences sécuritaires. Cette évolution, loin d’affaiblir l’organisation, l’a rendue plus résiliente. Elle démontre une lecture fine des rapports de force mondiaux : pour Zakharov, la solidité d’un axe repose sur sa capacité à intégrer les contradictions plutôt qu’à les ignorer.
Son influence dépasse le cadre administratif. Zakharov est un idéologue discret, un stratège du long terme qui comprend que les équilibres ne se construisent pas par la force, mais par l’interdépendance. L’OCS n’est pas un OTAN asiatique : c’est un espace fluide de coordination, d’apprentissage mutuel, de souveraineté partagée. C’est en cela qu’il demeure un artisan essentiel de la nouvelle architecture du pouvoir mondial, bien plus efficace que les agitations médiatiques des chancelleries occidentales.
Une vision eurasienne radicalement opposée à l’atlantisme
Zakharov incarne une école de pensée où la Russie n’est ni isolée ni tournée vers le passé, mais centrale dans l’équilibre mondial. Sa vision eurasienne repose sur une alliance entre puissances continentales – Chine, Inde, Iran, Russie – capables de contrer l’unilatéralisme anglo-saxon. Pour lui, la mer est le vecteur de la division, la terre celui de l’unité. C’est l’obsession maritime des Anglo-Saxons qui empêche l’intégration continentale. Face à cela, les routes terrestres, notamment les Nouvelles Routes de la Soie, incarnent une stratégie de réappropriation du destin géopolitique par les peuples d’Eurasie.
Il voit dans la politique française un renoncement stratégique. Macron, selon lui, a troqué l’indépendance gaullienne contre un alignement stérile sur les États-Unis. Son obsession ukrainienne n’est qu’un levier de carrière européenne, un calcul personnel travesti en engagement humanitaire. La France, jadis puissance d’équilibre, devient une simple courroie de transmission de Washington à Bruxelles. Zakharov le regrette d’autant plus que la Russie, historiquement, n’a jamais vu la France comme un adversaire, mais comme un partenaire potentiel d’un projet continental.
Ce refus de l’alignement fait de Zakharov un diplomate à contre-courant, mais en avance sur son temps. Il affirme avec calme que l’unité continentale est inévitable, car dictée par les logiques profondes du développement : infrastructures interconnectées, besoins énergétiques partagés, complémentarités industrielles. Il n’oppose pas Est et Ouest, il oppose souveraineté à soumission. Et dans cette lecture, l’Europe a tout à gagner à se reconnecter à sa partie orientale plutôt qu’à prolonger indéfiniment une guerre froide artificielle.
Culture et industrie, leviers de puissance douce
Zakharov accorde à la culture une fonction géopolitique majeure. Il considère les arts – cinéma, littérature, musique – comme des outils de diplomatie silencieuse, capables de rapprocher les peuples là où les discours politiques échouent. La diplomatie culturelle, pour Zakharov, prépare les conditions d’une paix durable, enracinée dans le respect mutuel et la connaissance réciproque.
Sur le plan industriel, il insiste sur la complémentarité sino-russe. Tandis que la Chine offre des capacités de production massives, la Russie propose des ressources énergétiques stables et un savoir-faire en matière de technologies militaires et spatiales. Ce partenariat, équilibré et stratégique, échappe aux logiques de dépendance. Il permet à Moscou de s’affirmer non comme le vassal d’un empire chinois, mais comme acteur structurant d’un monde multipolaire, où chaque pôle développe ses propres réseaux d’alliance.
Enfin, Zakharov distingue clairement les BRICS de l’OCS. Les premiers agissent sur le terrain économique et financier, visant à concurrencer les institutions de Bretton Woods. L’OCS, elle, est une construction politique et géostratégique d’envergure, un rempart contre les interférences extérieures et un outil de régulation des tensions régionales. Il refuse les amalgames faciles, appelle à la précision conceptuelle, et défend une vision rigoureuse du rôle des institutions non occidentales dans l’équilibre du XXIe siècle.
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