Le 6 janvier à 22h, le Capitaine Pierre Plas est l’invité d’Un Soir avec Lara animée par Lara Stam en direct sur Géopolitique Profonde.
Le Capitaine Pierre Plas, ancien officier du renseignement militaire français, est aujourd’hui correspondant pour la « zone-Europe » d’une chaîne télévisée alternative francophone basée à Montréal. Partenaire de l’émission géopolitique de Carl Brochu, il enrichit le programme de ses analyses pointues et de ses reportages récents réalisés en Syrie, au Kosovo et dans le Donbass, au cœur des zones de conflit.
La société militaire privée Wagner est devenue en moins de dix ans un outil incontournable de la projection de puissance russe. Créée en 2014 lors de l’annexion de la Crimée, elle incarne une stratégie hybride où les actions militaires, politiques et économiques se croisent pour déstabiliser l’ordre international. Wagner redéfinit les conflits modernes par sa brutalité et son absence de cadre légal.
Wagner : une machine de guerre secrète au service du Kremlin
Wagner naît dans l’ombre du Kremlin pour mener des opérations que l’armée russe ne peut officiellement assumer. Cette organisation, fondée par Dmitri Outkine, ancien officier des forces spéciales, agit sans statut légal en Russie. Pourtant, elle devient rapidement un levier stratégique pour Moscou. En Ukraine, Wagner se distingue dès ses débuts par sa participation à l’annexion de la Crimée et son soutien aux séparatistes du Donbass.
Au-delà des frontières russes, Wagner déploie une violence sans précédent. En Syrie, ses mercenaires sécurisent des infrastructures pétrolières stratégiques. En Libye, ils renforcent le maréchal Haftar dans sa lutte pour le contrôle du pays. En Afrique, notamment en République centrafricaine et au Mali, Wagner offre ses services à des régimes autocratiques en échange de concessions minières. Son modèle est clair : mêler intérêts économiques et influence militaire pour ancrer la présence russe dans des zones stratégiques.
Evgueni Prigojine : l’homme qui a défié le Kremlin
Wagner n’aurait jamais atteint une telle puissance sans Evgueni Prigojine. Connu sous le surnom de « le chef de Poutine », cet oligarque russe passe d’une carrière dans la restauration à la gestion de l’une des entités militaires les plus controversées au monde. Financier et visage public de Wagner, Prigojine en a fait un acteur incontournable, notamment durant l’opération spéciale de 2022 en Ukraine.
Mais c’est son ambition qui le conduit à sa perte. En juin 2023, Prigojine lance une rébellion contre le ministère russe de la Défense, accusant le ministre Sergueï Choïgou et le chef d’état-major Valeri Guerassimov d’incompétence. Cette « marche de justice » vers Moscou expose les fractures internes au sein du pouvoir russe. Si elle s’achève rapidement par une médiation biélorusse, elle marque un point de non-retour entre Prigojine et le Kremlin. Deux mois plus tard, en août 2023, Prigojine meurt dans un mystérieux accident d’avion, scellant brutalement le destin de celui qui avait osé défier Vladimir Poutine.
Wagner sans Prigojine : incertitudes et continuité
La disparition de Prigojine laisse Wagner à un tournant. L’organisation, qui a su s’imposer dans des zones de conflit stratégiques, doit maintenant redéfinir son avenir sans son chef emblématique. Malgré tout, ses activités en Afrique, en particulier au Sahel et en République centrafricaine, se poursuivent. Wagner reste un acteur clé pour Moscou, en particulier dans un contexte où la Russie cherche à renforcer ses alliances face à l’Occident.
Cependant, l’absence de leadership clair pourrait affaiblir la cohésion et l’efficacité de Wagner. Certains analystes estiment que le Kremlin pourrait restructurer l’organisation pour mieux la contrôler, réduisant ainsi son autonomie. D’autres anticipent une fragmentation qui profiterait à des acteurs locaux ou concurrents.
Une menace durable pour l’équilibre mondial
Wagner n’est pas une simple société de mercenaires. Elle symbolise une nouvelle ère des conflits internationaux, où les États délèguent des tâches stratégiques à des entités privées pour éviter toute responsabilité officielle. Cette militarisation privatisée brouille les lignes entre guerre, diplomatie et économie, avec des conséquences imprévisibles pour la stabilité mondiale.
En Afrique, Wagner devient un modèle pour d’autres puissances émergentes cherchant à contourner les mécanismes internationaux. En Europe, elle incarne une menace directe, ayant démontré sa capacité à opérer aux frontières de l’Union européenne. Et au niveau mondial, elle révèle à quel point la privatisation de la guerre peut redéfinir les rapports de force.
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