Introduction
Dans le vaste échiquier de la géopolitique mondiale, la relation économique entre l’Union Européenne (UE) et la Chine se dessine comme une narrative complexe, mêlant interdépendance commerciale et aspirations stratégiques divergentes. Alors que les États-Unis adoptent une posture de désengagement plus tranchée vis-à-vis de la géante asiatique, l’Europe, elle, semble naviguer sur des eaux plus tempérées.
L’enjeu ? Préserver des liens commerciaux cruciaux tout en répondant aux impératifs de sécurité économique et aux pressions transatlantiques. C’est dans ce contexte que s’inscrit la stratégie de désengagement économique de l’UE envers la Chine, une démarche qui vise à réduire les dépendances sans pour autant rompre les ponts commerciaux.
Cette démarche européenne, plus nuancée par rapport à l’approche américaine, révèle une tentative de trouver un équilibre entre la préservation des intérêts économiques et l’atténuation des risques stratégiques.
Géopolitique Profonde dessine pour vous les contours de cette stratégie de désengagement, les répercussions sur le commerce et les investissements, ainsi que les réactions et adaptations tant au niveau européen que chinois pour terminer sur les perspectives futures du paysage coopératif avec la Chine.
Contexte du désengagement économique
La stratégie de désengagement économique de l’UE envers la Chine a pour origine la volonté de minimiser les dépendances stratégiques de l’UE sur certains produits clés.La période covid a sûrement été un élément déclencheur. Il aura malheureusement fallu en passer par là pour se rendre compte qu’on ne fabrique plus grand chose en Europe…
Le but n’est pas de se découpler de la Chine mais bien de réduire les risques associés à la résilience de la chaîne d’approvisionnement, à la sécurité physique et cybernétique des infrastructures critiques, et à la sécurité technologique
L’Allemagne en particulier, un des États membres clés de l’UE, a manifesté sa volonté de rééquilibrer sa relation économique avec la Chine. En juillet, le gouvernement du chancelier Olaf Scholz a dévoilé une stratégie visant à « dérisquer » la relation économique de l’Allemagne avec la Chine, qualifiant ainsi Beijing de « partenaire, concurrent et rival systémique« .
Mais au-delà de l’Allemagne c’est l’UE dans son ensemble qui a également montré des signes d’engagement à réduire la dépendance du bloc envers la Chine. Les dirigeants de l’UE se sont engagés à débattre du juste équilibre entre réduire les risques et coopérer avec la Chine.
Il existe tout de même des divergences entre des pays comme la France et l’Allemagne, ces deux pays ont des intérêts commerciaux importants en Chine, ou encore la Lituanie, à laquelle la Chine a imposé des sanctions suite à des accusations d’ordres économiques qui semblent sans fondements. L’OMC est en train de régler ce différend.
Cette approche prudente est motivée par la nécessité de préserver des liens commerciaux cruciaux tout en réduisant les vulnérabilités, illustrant ainsi la complexité des relations économiques sino-européennes et les efforts continus de l’UE dans son numéro d’équilibriste à l’instar du discours d’Ursula Von Der Leyen sur les relations UE – Chine à l’intention du Mercator Institute for China Studies et du Centre de politique européenne.
Exploration des politiques protectionnistes de l’UE
Le bloc des 27 membres de l’UE se plaint depuis longtemps du manque d’équité en Chine et de la politisation de l’environnement commercial. La deuxième économie mondiale reste cruciale pour les chaînes d’approvisionnement des entreprises européennes, mais les dirigeants commencent à s’inquiéter alors que l’économie montre des signes de faiblesse et que les tensions géopolitiques augmentent.
C’est comme si soudainement, l’UE en tant qu’entité économique à part (ce qui resterait déjà à prouver), découvrait malgré elle les principes de la guerre économique.
L’examen des données récentes met en lumière une augmentation du déficit commercial de l’UE avec la Chine, qui s’est élargi à 276,6 milliards de dollars en 2022, contre 208,4 milliards un an plus tôt. D’autre part, le commissaire au commerce de l’UE a souligné la nécessité d’une relation économique plus équilibrée avec la Chine, en notant un déséquilibre commercial de près de 400 milliards d’euros (425 milliards de dollars).
En dépit des tentatives de désengagement, les statistiques officielles révèlent que le commerce entre la Chine et l’UE a atteint 847,3 milliards de dollars américains en 2022, ce qui représente une hausse de 2,4% par rapport à l’année précédente.
Il est pertinent de noter que la Chine et l’UE demeurent des partenaires commerciaux majeurs l’un pour l’autre, avec une croissance rapide dans le commerce de produits verts tels que les batteries au lithium, les véhicules électriques et les modules photovoltaïques.
En parallèle, l’atmosphère tendue entre l’UE et la Chine conduit les entreprises européennes à orienter leurs investissements vers l’Asie du Sud-Est. Cette tendance devrait perdurer malgré l’assouplissement par Pékin de ses politiques restrictives qui ont fait suite à la période Covid.
Le déplacement des investissements européens hors de Chine révèle une adaptation stratégique face à l’évolution de la dynamique géopolitique, et témoigne des coûts croissants liés à la réglementation plus stricte en matière d’investissements en Chine.
Les entreprises européennes sont confrontées à une montée des coûts, tant sur le plan de l’approvisionnement que de la réglementation, ce qui impacte leur compétitivité et leur capacité à opérer efficacement sur le marché chinois. L’inflation européenne est en grande partie dû à cela plus qu’à une grande quantité d’argent déversés par les banques centrales commes aux États-Unis.
En fin, les mesures de protection introduites par l’UE, bien que visant à réduire les risques associés à la dépendance envers la Chine, accentuent aussi le coût des transactions et compliquent davantage les relations commerciales et d’investissement. Une double peine pour les investisseurs et acteurs économiques européens concernés.
Réactions de la Chine
La Chine ne laisse pas faire dans ce contexte, son poid économique et sur la scène géopolitique a bien changé et il semblerait que nos dirigeants européens ont encore du mal à bien l’intégrer.
Elle avait déjà adopté une loi pour contrer les sanctions étrangères. Elle veut par ce biais renforcer sa boîte à outils juridique pour aider ses entreprises sous sanctions lorsque celles-ci sont injustifiées. Elle vise aussi par la même occasion à renforcer ainsi la légitimité et la prévisibilité de ses mesures de rétorsion.
La Chine a également son opposition aux plans de l’UE concernant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières qui fixerait des tarifs de 20% à 35% sur les marchandises à forte empreinte carbone, comme l’acier et le minerai de fer. La prise en compte du changement climatique apparaît ici bien différente entre les puissances.
Une chose qui déplaît beaucoup à l’Union Européenne est le soutien de la Chine à la Russie. C’est en partie à cause de cela que des sanctions sont à l’ordre du jour.
Le ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, avait vivement critiqué les propositions de l’UE visant à imposer des sanctions aux entreprises chinoises qui soutiennent l’effort de guerre russe. Il a promis de réagir de manière « stricte et ferme » pour défendre les intérêts de ses entreprises.
Le message est clair : “Il existe un échange normal et une coopération entre les entreprises chinoises et russes… cela ne doit pas être perturbé. Nous sommes contre les États qui introduisent des sanctions extraterritoriales ou unilatérales contre la Chine ou tout autre pays en fonction de leurs propres lois nationales. Et si cela devait se produire, nous réagirions de manière stricte et ferme. Nous défendrons les intérêts légitimes de notre pays et de nos entreprises.”
Pékin reste sur sa ligne de politique extérieure habituelle, en relation avec l’Ukraine et la Russie. Elle continuera à promouvoir des pourparlers de paix pour régler le conflit et ne tentera pas d’en tirer profit, toujours selon les déclarations de son ministre des affaires étrangères.
Perspectives futures et implications géopolitiques
Nous n’avons pas inclus les États-Unis dans notre analyse sur la politique de réduction des risques dans laquelle est engagée l’UE. Pourtant le pays de l’Oncle Sam s’est lui montré beaucoup plus radical en ciblant précisément certaines industries et en bloquant certains investissements.
Rappelez-vous de l’époque Trump, mais même sous la présidence de Joe Biden, les sanctions économiques vont bon train contre la Chine, notamment sur la question des semi-conducteurs. La Chine a même appelé l’OMC pour régler ce nouveau litige. Les
Les deux approches entre Europe et États-Unis sont différentes mais le but visé est le même. réduire l’influence économique chinoise sur leur territoire. Si la Chine ne contrebalance pas le déficit commercial qu’elle a avec l’Occident, elle se verra faire face à de nouvelles mesures protectionnistes. Après le capitalisme de connivence à l’échelle de nos pays, nous voilà dans un capitalisme étatique à l’échelle mondiale.
Joseph Borrell, un haut diplomate de l’UE, rappelait ce point essentiel concernant le marché européen : “Sur le front économique, notre relation est actuellement loin d’être satisfaisante. Nous sommes un marché d’exportation majeur pour la Chine, mais cette relation est depuis de nombreuses années déséquilibrée et ce déséquilibre continue de s’aggraver”.
Cet écart est pour Borrell, la conséquence du manque d’accès au marché accordé aux entreprises européennes en Chine. Peut-être devrait-il regarder la poutre dans son oeil et admettre qu’avoir délocaliser abondamment les industries occidentales en Asie n’était peut-être pas la meilleure idée qui soit.
Quoi qu’il en soit les perspectives futures et les implications vont encore une fois dans le sens de la polarisation du monde et ces différents économiques nous le prouvent une nouvelle fois. Chercher à réduire le risque peut sembler une voie intéressante à suivre pour l’UE mais n’est-il pas déjà trop tard ?
La dépendance vis-à-vis de la Chine ne changera pas sans une réelle volonté et programme politique efficace pour donner davantage d’indépendance et de marge de manœuvre à nos économies.
Conclusion
La position de l’Union Européenne sur l’échiquier géopolitique mondial se révèle être un exercice délicat, en particulier face à des géants comme la Chine (et même les États-Unis). La stratégie de « réduction du risque » vis-à-vis de la Chine, tout en étant une démarche prudente, expose l’UE à une série de défis économiques majeurs.
L’UE nage et semble se noyer dans des exigences contradictoires de diversification économique et de protection de ses intérêts stratégiques, tout en maintenant des relations commerciales et d’investissement vitales avec la Chine pour sa propre survie. Malgré les mesures prises l’UE se trouve toujours dans une position réactive plutôt que proactive sur plusieurs fronts.
Un dernier exemple pour enfoncer le clou : l’UE veut renforcer sa compétitivité dans les technologies vertes, elle est encore loin derrière les États-Unis et la Chine en termes d’investissements et d’innovations dans ce secteur. La récente proposition de la Commission Européenne d’augmenter les niveaux d’aide d’État pour rester compétitive dans ce domaine. Mais cela est bien une réaction plutôt qu’un véritable projet qui attirait de lui-même les investisseurs étrangers.
Bien que l’UE s’efforce de réduire les risques associés à sa relation avec la Chine, le chemin vers l’autonomie économique et la sécurisation de ses intérêts stratégiques est semé d’embûches. La tâche qui attend l’UE sur la scène géopolitique mondiale pour les années à venir apparaît de plus en plus ardue.
Quittez dès maintenant la dictature numérique et économique, grâce à la Lettre Confidentielle :