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Samsung et la course technologique : entre innovation spectaculaire et dépendance systémique

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🔥 Les essentiels de cette actualité

  • Samsung tease un smartphone pliable ultra-performant pour 2025, mélangeant format compact et puissance. Une expérience ultra promise, mais quels enjeux derrière?
  • L’intégration de l’IA générative soulève des questions de souveraineté numérique et de confidentialité. Quelles données seront collectées et traitées?
  • Le pliable est un manifeste d’innovation dans une guerre d’influence technologique. Un symbole de domination commerciale face à Apple et Huawei.
  • La technologie pliable, réservée à une élite, pose des questions environnementales et économiques. Un gadget mondialisé ou une véritable avancée?

Samsung a récemment laissé entrevoir le lancement imminent d’un nouveau smartphone pliable haut de gamme.

Présenté comme une synthèse du format pliable et de l’ultra-performance, ce terminal de type « livre » promet « une expérience ultra » dans un format « plus compact et plus portable ». Les mots sont pesés, les informations distillées au compte-gouttes, comme à l’accoutumée chez les géants de la tech, qui cultivent le secret comme levier marketing.

Au-delà de la nouveauté technologique, l’annonce illustre une stratégie plus large : celle d’une innovation sous contrôle, orchestrée dans une logique de domination commerciale. Car ce nouveau pliable, dont le lancement est prévu pour l’été 2025, s’inscrit dans la suite logique des modèles Galaxy Z Fold 6 et Z Flip 6, tout en cherchant à repousser les frontières déjà bien étirées de la miniaturisation et de la puissance mobile.

samsung

Entre IA et image : vers une extension du contrôle algorithmique ?

Le futur appareil sera doté d’un « appareil photo puissant » et d’« outils basés sur l’intelligence artificielle ». Là encore, l’annonce n’est pas ordinaire. Elle confirme une tendance lourde : l’intégration croissante de l’IA générative et prédictive dans les objets du quotidien. Le smartphone, déjà cœur de l’écosystème numérique personnel, devient le relais permanent d’un traitement algorithmique de nos vies.

Quelles données l’IA embarquée collectera-t-elle ? Quels traitements s’effectueront localement, et lesquels seront déportés vers des serveurs étrangers ? Derrière les promesses de confort et de performance, ce sont des enjeux de souveraineté numérique, de confidentialité, et d’autonomie individuelle qui sont posés. Et une fois de plus, l’Asie industrielle (Samsung), soutenue indirectement par les standards technologiques américains (Android/Google), occupe une position stratégique dans l’infrastructure mentale et cognitive des populations.

L’innovation comme vitrine d’une guerre d’influence technologique

L’innovation technologique, notamment dans le secteur du mobile, ne se résume plus à une compétition commerciale. Elle constitue aujourd’hui un champ d’affrontement stratégique.

Samsung, par ses annonces, cherche à maintenir son image de leader mondial face à des concurrents multiples : Apple bien sûr, mais aussi Huawei, Xiaomi, et les nouveaux entrants issus de l’Inde ou du sud-est asiatique.

Le pliable n’est donc pas un simple objet : c’est un manifeste d’innovation, une déclaration de guerre symbolique dans un monde saturé d’écrans.

En cela, la mise en avant du design, de la portabilité et des capacités de l’appareil photo répond à une logique de séduction globale, où chaque appareil est un point d’accès à une plateforme, à un écosystème, et donc à une vision du monde. L’écran n’est plus un simple affichage : il est l’interface par laquelle les flux d’information, les normes de comportement et les modèles culturels sont diffusés à l’échelle mondiale.

Les écrans pliables : prouesse technique ou gadget mondialisé ?

La technologie du pliable, encensée pour ses avancées matérielles, reste à interroger.

Quelle utilité réelle pour l’utilisateur ? Quels coûts environnementaux engendre la production de tels appareils ? Quelle durée de vie pour des écrans de plus en plus complexes, fragiles, et coûteux à réparer ? Et surtout, quel modèle économique cela perpétue-t-il ?

Dans les faits, cette technologie s’adresse à une élite mondiale urbaine, solvable, habituée à renouveler ses appareils tous les 12 à 18 mois. Loin d’une démocratisation, nous assistons à une surenchère de gadgets destinés à maintenir le cycle consumériste et à verrouiller l’utilisateur dans un écosystème propriétaire.

Samsung, en cela, agit à la manière d’Apple : il ne vend pas simplement un produit, mais un mode de vie numérique, une intégration complète à une matrice logicielle.

Une IA embarquée, mais gouvernée par qui ?

Le véritable enjeu derrière l’annonce de Samsung n’est pas tant le format pliable que l’intégration de l’intelligence artificielle.

Qu’entend-on par « outils basés sur l’IA » ? S’agit-il de traitement d’images plus rapides, de suggestions de cadrage, de retouche automatique des visages ? Ou va-t-on vers des fonctions de reconnaissance, d’analyse comportementale, de surveillance douce sous couvert d’assistance personnalisée ?

Ces questions sont fondamentales dans un monde où l’IA est de plus en plus invisibilisée, intégrée nativement aux objets sans consentement éclairé des utilisateurs. Le smartphone pliable devient alors le cheval de Troie d’une extension continue de la collecte de données biométriques et comportementales. Et dans l’opacité des partenariats industriels, qui gouverne ces systèmes ? À qui appartiennent les données traitées ? Où sont-elles stockées ? Ces interrogations demeurent sans réponse claire.

Dépendance technologique et illusion d’autonomie

Samsung, en dépit de ses origines sud-coréennes, s’inscrit dans un modèle globalisé profondément dépendant des infrastructures américaines (brevets, processeurs, systèmes d’exploitation).

Même ses produits les plus innovants reposent sur des chaînes logistiques complexes, traversant des dizaines de pays, des dizaines de normes, et des centaines de sous-traitants. Cette interdépendance technologique n’est pas anodine : elle expose chaque innovation à des risques géopolitiques majeurs, à des pénuries de composants, à des sanctions croissantes, comme celles imposées à Huawei par les États-Unis.

Dans ce contexte, parler de « puissance » ou de « souveraineté » technologique reste largement illusoire. Samsung excelle dans la miniaturisation et le design, mais dépend encore des brevets de Qualcomm, des puces de TSMC ou des standards de Google.

L’indépendance véritable ne viendra que par la reconquête de l’ensemble de la chaîne : matériaux rares, conception des puces, développement logiciel, cloud souverain et protection juridique des données.

Samsung

L’innovation, terrain de reconquête pour une souveraineté technologique

Le futur téléphone pliable de Samsung, aussi séduisant soit-il, symbolise à lui seul les tensions de notre époque : innovation spectaculaire, mais dépendante; progrès technique, mais centralisé; confort numérique, mais au prix de la liberté. En habillant ses appareils d’IA et de pixels de luxe, Samsung ne fait qu’accompagner une tendance lourde : la fusion du gadget et du gouvernement invisible, par la donnée et l’interface.

Face à cela, une réponse souverainiste s’impose. Il ne s’agit pas de rejeter la technologie, mais de la redéfinir à partir de critères clairs : transparence, sobriété, réparabilité, autonomie logicielle. L’Europe, la France, et les pays qui aspirent à l’indépendance doivent comprendre que le véritable enjeu n’est pas d’avoir un téléphone pliable, mais de savoir qui tient les codes, les serveurs, les flux.

Tant que ces appareils seront conçus selon les logiques du globalisme technologique, aucune liberté numérique réelle ne sera possible. Et ce n’est pas l’élégance d’un écran pliable qui changera cela.

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