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LES ÉTATS-UNIS ACCUSENT LA RUSSIE D’ÊTRE À L’ORIGINE DE LA GUERRE DE L’ÉTAT PROFOND AU SOUDAN

Khartoum-Soudan-22 avril 2023

Démystifier la dernière fake news Américaine concernant le conflit au Soudan

CNN a publié jeudi un article exclusif affirmant que « des preuves émergent de l’armement par la société russe Wagner, d’un chef de milice combattant l’armée soudanaise« .

Ils affirment que l’imagerie satellite montre une augmentation de l’activité de transport militaire russe entre la Libye et la Syrie au cours de la période précédant la guerre de l’« État profond » du Soudan.

Selon CNN, cela confirme les rumeurs selon lesquelles le général Haftar fournit au chef des Forces de Soutien Rapide (FSR), le général Mohamed Hamdan Dagalo (« Hamedti« ), des missiles sol-air (SAM) pour le compte de Wagner.

Le Wall Street Journal (WSJ) a publié la veille, mercredi, un article exclusif selon lequel « la milice libyenne et l’armée égyptienne soutiennent des camps opposés dans le conflit soudanais », de sorte que ces deux articles se complètent l’un l’autre.

Hamedti et Wagner ont cependant tous deux démenti ces affirmations.

L’ambassadeur du Soudan en Russie a également confirmé que « la Russie est un pays ami pour nous et nous sommes donc en contact direct avec le ministère russe des affaires étrangères depuis le tout début de ces événements samedi dernier ».

Sputnik

La réaffirmation par ce diplomate des liens étroits entre le Soudan et la Russie est d’autant plus importante qu’il représente le gouvernement internationalement reconnu comme étant dirigé par le général en chef Abdel Fattah Al-Burhan, qui commande les Forces Armées Soudanaises (SAF) et est l’une des deux figures en lice pour le pouvoir.

Les deux généraux rivaux : (g.) Abdelfattah Al-Burhan, dirigeant de facto du Soudan, commandant en chef de l’armée et (dr.)Mohamed Hamdan Dagalo, dit « Hamedti » chef des Forces de soutien rapide (FSR)-AFP

À l’heure actuelle, Khartoum n’accorde donc pas de crédit à la nouvelle version des médias occidentaux dominants (MSM) dirigée par les États-Unis, selon laquelle la Russie arme le RSF [Rapid Support Forces-Forces de Soutien Rapide] par l’intermédiaire de Haftar-Wagner, mais cela pourrait bientôt changer.

Préconditionner l’opinion publique à une nouvelle guerre par procuration

À moins que le cessez-le-feu actuel de trois jours de l’Aïd ne tienne et ne conduise à l’ouverture de pourparlers de paix mettant fin à cette guerre de l’« État profond », ce qui est peu probable étant donné que les deux parties ont clairement manifesté leur intention de détruire complètement l’autre, ce conflit devrait reprendre dans un avenir proche.

Si les Forces armées soudanaises ne parviennent pas à vaincre les Forces républicaines de sécurité et qu’elles sont même mises sur la touche, Burhan pourrait faire le pari qu’il est dans son intérêt de répéter les accusations antirusses des médias pour tenter de recevoir un soutien militaire direct de l’Occident.

Ce scénario n’est pas si farfelu que cela, étant donné que l’Associated Press et Politico ont tous deux cité des fonctionnaires anonymes jeudi pour signaler que les États-Unis rassemblent des troupes supplémentaires dans le pays voisin de Djibouti pour se préparer à l’évacuation éventuelle d’Américains du Soudan.

Ce prétexte pourrait facilement être exploité pour armer la SAF et/ou attaquer la RSF, surtout si le Pentagone affirme que cette dernière a tenté d’interrompre son opération en s’appuyant sur l’affirmation de la semaine dernière selon laquelle ses forces ont tiré sur un véhicule diplomatique américain blindé.

Si Burhan répète le nouveau discours anti-russe des MSM [médias occidentaux dominants] et promet d’annuler l’accord sur la base navale du Soudan conclu avec Moscou en cas de victoire sur le FSR, l’administration Biden pourra alors « justifier » son intervention militaire en invoquant la « défense de la démocratie soudanaise contre un coup d’État du Kremlin ».

Le public serait alors informé que le dernier conflit a été déclenché par le soutien de la Russie aux « insurgés » du FSR, ce que les MSM attribueraient à ses intérêts dans la défense des opérations minières de Wagner dans le pays.

L’ingérence américaine dans les relations russo-égyptiennes

Cela précéderait, comme on pouvait s’y attendre, une campagne de guerre de l’information sans précédent, mais planifiée à l’avance, présentant la Russie comme une force « déstabilisatrice » en Afrique, qui viserait à contrecarrer ses efforts, jusqu’à présent très fructueux, pour se présenter comme une force de stabilité soutenant des gouvernements légitimes.

L’objectif de cette opération serait d’éroder le nouvel attrait de la Russie pour la « sécurité démocratique » sur le continent, afin d’inverser le déclin de l’influence occidentale dans cette région.

Ambassade américaine au Soudan.

En outre, le fait que Burhan se soit greffé de manière potentiellement opportuniste sur le discours anti-russe émergent décrit plus haut pourrait avoir de graves conséquences sur les liens entre Moscou et Le Caire, étant donné qu’ils sont perçus comme soutenant des camps opposés dans la guerre de l’« État profond » du Soudan.

Les relations russo-égyptiennes ont récemment fait l’objet d’un scandale à la suite des dernières fuites du Pentagone selon lesquelles Le Caire aurait abandonné son plan prétendument secret de fournir des fusées à Moscou sous la pression de Washington et aurait accepté d’armer Kiev à la place.

Dans ce contexte, le scénario selon lequel Burhan, soutenu par l’Égypte, accuserait la Russie d’avoir déclenché le dernier conflit pourrait donc conduire à une détérioration rapide des liens russo-égyptiens, en particulier si Le Caire décide de se venger indirectement de Moscou en limitant ses droits d’investissement à Port-Saïd.

Le mois dernier, les deux parties ont signé un accord supplémentaire sur cette zone industrielle, qui a été approuvée pour la première fois en 2018 et qui est censée aider la Russie à étendre son engagement économique à l’ensemble de la région.

Punir les Émirats pour leurs relations étroites avec la Russie

Cet objectif pourrait être compromis si l’Égypte décidait de punir la Russie par ces moyens en réponse à Burhan, qui s’est opportunément appuyé sur le récit des MSM [médias occidentaux dominants] pour tenter d’obtenir un soutien militaire occidental direct contre les FAR.

En outre, les liens des Émirats Arabes Unis (EAU) avec l’Égypte et les États-Unis pourraient également devenir beaucoup plus compliqués dans ce cas puisqu’Abu Dhabi est accusé de soutenir Haftar, qui serait allié au FSR, d’être favorable à ce groupe armé soudanais et de s’allier secrètement à la Russie.

Cette dernière accusation a été portée à l’attention du public à la suite des fuites du Pentagone mentionnées précédemment, qui ont été démenties par les Émirats arabes unis mais qui ont coïncidé avec l’affaiblissement de leurs liens avec Washington, en partie à cause des liens de plus en plus étroits entre ce pays du Golfe et Moscou.

Il y a d’autres facteurs en jeu que la seule relation Russie-Emirati, mais le fait est que les problèmes des EAU avec les États-Unis pourraient être amplifiés par les MSM si Burhan accuse la Russie d’armer le FSR par l’intermédiaire de Haftar-Wagner.

Il convient également de mentionner que l’autre intérêt ultérieur de l’Amérique dans sa campagne de propagande naissante contre la Russie au Soudan est de compliquer les connexions logistiques de son adversaire géopolitique avec la République centrafricaine (RCA), qui doit sa survie en tant qu’État au soutien militaire de Moscou.

Le Kremlin compte largement sur le transit à travers le Soudan pour approvisionner ses forces et celles de ses alliés sur place, mais ce transit pourrait être interrompu si Burhan s’engage dans la voie anti-russe et révoque les privilèges accordés à Moscou.

La connexion tchadienne

Enfin, un autre facteur stratégique derrière cette dernière offensive de guerre de l’information contre la Russie est qu’elle pourrait ruiner les relations étonnamment solides de ce pays avec le poids lourd militaire régional qu’est le Tchad.

Comme l’explique cette récente analyse, N’Djamena a fini par expulser l’ambassadeur allemand au début du mois pour ingérence, au lieu de l’ambassadeur russe, bien que les États-Unis aient dit à leurs homologues, fin février, que Moscou utilisait Wagner en RCA et en Libye pour armer les rebelles antigouvernementaux contre le Tchad.

L’Associated Press a cité un analyste africain d’une société occidentale d’évaluation des risques dans son article du 20 Avril sur la fuite de 320 soldats des Forces armées soudanaises vers le Tchad, affirmant que ce développement pourrait inciter N’Djamena à prendre le parti de ces forces dans la guerre de l’« Etat profond » du Soudan.

Selon Benjamin Hunter, « N’Djamena est susceptible de s’opposer à (Dagalo) par crainte que la domination des FAR au Darfour ne permette aux Arabes tchadiens de renverser le régime (du président). De nombreux membres de la tribu Rizeigat (de Dagalo) vivent de l’autre côté de la frontière, au Tchad ».

AP News

Si le Tchad se retrouve mêlé à la guerre de l’État profond du Soudan aux côtés de Burhan, il pourrait être sensible aux suggestions occidentales selon lesquelles le fait de sauter dans le train anti-russe, comme il l’aurait déjà fait dans ce scénario, pourrait les amener à suspendre leur campagne de changement de régime à l’encontre de N’Djamena.

Dans ce cas, ce poids lourd militaire régional pourrait également soutenir toute offensive rebelle/terroriste que son partenaire historique français pourrait bientôt lancer contre la Russie en RCA.

Réflexions finales et scénario possible

Dans l’ensemble, les États-Unis prévoient d’atteindre les objectifs stratégiques suivants en introduisant l’idée que la Russie arme les Forces armées soudanaises :

  1. Inciter Burhan à ajouter foi à ces affirmations en échange du soutien militaire des États-Unis ;
  2. Exiger qu’il annule également les droits de la Russie en matière de base navale et qu’il lui interdise l’accès à la RCA par voie aérienne ;
  3. Envisager un soutien direct aux Forces armées soudanaises sous prétexte de lancer une « opération d’évacuation » au Soudan ;
  4. Discréditer les politiques d’engagement africain de la Russie et des Émirats Arabes Unis en les qualifiant de « forces déstabilisatrices » ;
  5. Tentative de provoquer une crise dans les relations de la Russie avec les voisins tchadiens et égyptiens du Soudan ;
  6. Exploiter le scénario ci-dessus pour rassembler une coalition régionale afin de repousser la Russie en Afrique ;
  7. Encourager le Tchad à soutenir une offensive rebelle/terroriste soutenue par la France en République centrafricaine, alliée de la Russie ;
  8. Organiser une guerre par procuration au Mali, pays allié de la Russie, afin d’écraser l’influence du Kremlin au Sahel ;
  9. Perfectionner cette nouvelle méthode de guerre hybride avant de l’utiliser sur l’ensemble du continent ;
  10. L’Afrique deviendrait ainsi le principal champ de bataille de la nouvelle guerre froide.

Les États-Unis ont donc de nombreuses raisons de mener cette campagne de fakes news, même s’il n’est pas certain qu’elle atteigne en fin de compte l’un ou l’autre des objectifs envisagés.

Pour comprendre le niveau de corruption de la France-Afrique, (re)visionnez notre entretien avec Françoise Nicolas, ancienne diplomate au Bénin radiée de la Fonction Publique et lanceuse d’alerte persécutée.

Source: Andrew Korybko via le blog The Automatic Earth

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