L’escalade du conflit et son impact sur les marchés pétroliers
Les tensions récentes entre Israël et la Palestine ont provoqué une augmentation significative des prix du pétrole. En l’espace de 24 heures, les cotations ont grimpé de plus de 4%.
Le 9 octobre, le prix des contrats à terme de Brent pour décembre a atteint 87,24 dollars le baril sur le marché de Londres, marquant le niveau le plus élevé depuis le début du mois. Selon Bloomberg, il est encore trop tôt pour parler d’une tendance haussière stable. L’impact sur les marchés dépendra de l’extension éventuelle du conflit à d’autres parties du Moyen-Orient.
Les traders pétroliers ont leurs yeux braqués sur l’Iran, l’un des principaux producteurs de pétrole, suspecté par l’Occident de soutenir le mouvement Hamas, qui serait derrière les attaques contre Israël. Des vidéos circulent, dans lesquelles les partisans du Hamas remercient Téhéran pour son soutien.
Cependant, les autorités américaines n’ont pas encore trouvé de preuves concrètes de l’implication de l’Iran dans l’escalade du conflit. La mission iranienne auprès des Nations Unies a également nié toute implication de l’Iran dans l’attaque du Hamas contre Israël. Également, les écoutes des services de renseignements établissent que des personnalités iraniennes semblaient plutôt surprises de l’attaque du Hamas.
Si la situation continue de s’aggraver, il y a un risque réel de réduction des approvisionnements en pétrole en provenance de la région. Dans ce cas, l’offre sur le marché, déjà modérée en raison des réductions de production de l’OPEP+, pourrait encore diminuer. Face à ce déficit, les prix pourraient s’envoler.
Pour la Russie, bien que cela puisse paraître cynique, un tel scénario pourrait signifier une augmentation des revenus pétroliers, un renforcement du rouble et un excédent budgétaire. En revanche, pour les États-Unis et l’Europe, déjà en équilibre sur le fil du rasoir de la stagflation, des prix élevés du pétrole pourraient déclencher une crise majeure.
Dmitry Golubovsky, analyste au « Golden Coin House », a expliqué que dans le scénario le plus radical d’escalade, les prix du pétrole pourraient bondir jusqu’à 200 dollars le baril. Si la situation est rapidement maîtrisée, ils pourraient retomber à 70-80 dollars sur une vague d’optimisme.
Golubovsky souligne que plusieurs facteurs ont récemment influencé le marché pétrolier. Premièrement, la demande a fléchi en raison du ralentissement du secteur industriel mondial. L’indice PMI dans tous les grands pays indique une situation précaire dans l’industrie mondiale.
Seule l’Inde et la Russie semblent bien se porter, tandis que l’économie américaine est à la limite de la récession. Dans un tel contexte, les prix du pétrole ne devraient pas augmenter.
Toutefois, un autre facteur est que le pétrole a été fortement vendu à découvert. Au printemps, lors de la crise bancaire aux États-Unis, tout le monde s’attendait à une baisse des cotations. Mais lorsque de nombreuses mises ont été placées dans une certaine direction, le mouvement ne s’est pas produit. Ce n’est que lorsque les spéculateurs ont commencé à parier à nouveau sur la hausse des prix du pétrole, que le prix a cessé de grimper.
Un paradoxe, mais c’est ainsi que fonctionne le marché qui prend très souvent la majorité à contre-pied.
La réaction internationale anticipée : scénarios d’intervention militaire
Un autre facteur soutenant les prix du pétrole est l’état lamentable de la réserve stratégique des États-Unis, qui ne couvre que 17 jours de consommation. Cette réserve devrait contenir des stocks de pétrole pour 100 jours. Mais le président Biden a vendu une partie de ces réserves dans une tentative de contrôler les prix du carburant, un facteur électoral crucial. De plus, de grandes quantités ont été envoyées en Europe, elle qui rencontre des difficultés avec le carburant depuis la mise en place des sanctions contre la Russie avec le conflit en Ukraine.
Ainsi, face à ce fragile équilibre des facteurs, qui maintenait le pétrole entre 85 et 90 dollars le baril, s’ajoute maintenant la situation au Moyen-Orient.
Elle déterminera la direction future des prix.
Elle pourrait soit propulser le pétrole à 150 dollars et au-delà, soit, si la situation se normalise, faire baisser les prix jusqu’à 70 dollars, où ils se trouvaient en début d’année. Rien ne semble indiquer pour le moment que la situation se règle rapidement.
Quelle serait l’escalade nécessaire pour que les prix du pétrole s’envolent ?
Par exemple, l’Iran va-t-il intervenir dans le conflit de manière directe ? Golubovsky explique qu’une intervention des groupes pro-iraniens dans le conflit pourrait suffire à provoquer une flambée des prix du pétrole. Pour l’instant selon la majorité des médias mainstream, le Hamas semble agir seul.
La première victime de la guerre étant l’information, il faut prendre tout cela avec des pincettes car beaucoup de questions se posent déjà. Raser des villes n’apporte pas la victoire dans une guerre. Gaza pourrait être réduite à néant, mais la victoire resterait insaisissable sans une offensive terrestre efficace.
Par conséquent, il semble que la fin du conflit soit encore lointaine. De plus, il faut déjà penser aux conséquences désastreuses d’une intervention terrestre d’Israël pouvant unir les pays musulmans derrière une même bannière.
Le Hamas seul ne peut pas tenir tête à Israël, principalement en raison de l’épuisement imminent des munitions. Cependant, la région abrite de puissants groupes pro-iraniens, le Hezbollah au nord, mais aussi au Liban, ainsi que des proxys iraniens en Syrie et les Houthi au Yémen, entre autres.
Toutes ces forces, qui opèrent de manière autonome et qui s’appuient sur les classes les plus défavorisées de la société islamique, pourraient unir leurs fronts et s’opposer à Israël.
Une telle coalition pourrait être un moteur majeur de la hausse des prix du pétrole, en augmentant les enjeux des risques géopolitiques.
Pourquoi ? Parce qu’il faudrait une réponse à une telle coalition. Comment les Américains, les Israéliens et d’autres pays alliés, qui ne sont pas habitués à ce genre de guerre en réseau, pourraient-ils réagir ?
La seule option serait de déployer une flotte aéronavale et d’essayer de frapper les centres de décision. Cependant, l’efficacité de telles frappes peut être remise en question, comme le montre, par exemple, la situation en Ukraine. Dans le monde moderne, cette stratégie n’est plus aussi efficace, bien que tout le monde ne l’ait pas encore réalisé.
Si l’activité terroriste dans la région augmente, cela fera aussi monter les prix du pétrole. Et si les Américains réagissent en envoyant leur flotte dans le Golfe Persique pour menacer l’Iran, alors les prix du pétrole pourraient s’envoler. L’Iran n’a pas besoin d’entrer en guerre, une réaction inadéquate de l’Occident suffirait à mettre l’étincelle à une trainée de poudre.
Et si une véritable guerre éclatait et que des missiles iraniens étaient lancés contre les navires américains… ou pire, si des missiles étaient lancés contre Dubaï. Quelques frappes suffiraient à faire disparaître le centre financier de la région. Non pas parce qu’il serait détruit, mais parce que la peur pousserait tout le monde à fuir. Sans les étrangers qui y vivent, Dubaï n’est rien.
Vous l’aurez compris, la situation est très précaire et explosive. Cet état de fait sera intégré dans les cotations du Brent. Mais une véritable flambée n’aura lieu que si la guerre s’étend au-delà de la Palestine.
L’impact sur la Russie : un rouble fort grâce au pétrole ?
La hausse des prix du pétrole est-elle positive pour la Russie, elle aussi en conflit au porte de l’Europe ? Par exemple, cela aidera-t-il à renforcer le rouble ?
Golubovsky mentionne que l’influence du prix du pétrole sur le taux du rouble est actuellement faible, car les recettes en devises restent dans le circuit extérieur. Un mouvement sérieux dans les prix du pétrole se reflétera sur le rouble, mais pas immédiatement.
Si l’escalade au Moyen-Orient continue, compte tenu de l’état lamentable des réserves américaines, le pétrole pourrait atteindre 120 ou même 200 dollars le baril, bien que cela relève de la spéculation.
Si cela se produit, les recettes en devises afflueront en Russie, provoquant une appréciation du rouble. Le marché russe, étant petit avec peu de liquidité, pourrait très bien revivre la situation de l’année précédente, où le taux est passé de 120 à 50 par dollar.
Cela confortera la Russie dans son conflit actuel qui l’oppose à l’Ukraine, peut-être se sentira-t-elle pousser des ailes pour aller conquérir Odessa et fermer définitivement l’accès à la Mer Noire aux Ukrainiens.
Bien sûr, la situation pourrait se calmer, mais quelque chose suggère que cela ne se produira pas dans les jours à venir. Il semble que de graves problèmes se préparent au Moyen-Orient. Et aussi cynique que cela puisse paraître, cela pourrait être bénéfique pour la Russie.
Les conséquences pour l’Occident : le spectre d’une nouvelle crise
Pour l’Occident ? Cela servirait de catalyseur supplémentaire pour plonger les pays de l’Ouest dans une crise sévère.
Une crise qui couve déjà, mais qui se déroule plus ou moins en douceur. L’augmentation des prix du pétrole serait le dernier clou dans le cercueil, la pire situation possible. Lorsque le chômage commence à augmenter, l’industrie ralentit, l’inflation s’accélère face à des taux d’intérêt élevés, tous les ingrédients sont réunis pour une catastrophe économique majeure.
Pour tous les pays développés avec un fort levier de crédit dans l’économie, un zugzwang* économique commencera. Parce que si vous combattez l’inflation en augmentant les taux, vous provoquez une dépression, et si vous ne combattez pas, le pouvoir d’achat en termes réels diminue, et la population est écartée du marché du travail. Cette stagflation, similaire à ce qui s’est passé dans les années 70 en Occident après le choc pétrolier, semble très probable, et l’histoire pourrait bien se répéter…
Pour découvrir le dessous des cartes, consultez la Lettre Confidentielle :
*Un zugzwang est un terme technique du jeu de Dame. C’est une position dans laquelle le joueur qui a le trait est contraint de jouer un coup qui dégrade sa position et tel qu’il serait plus avantageux pour lui de pouvoir passer son tour, ce que les règles du jeu ne permettent pas.