Mise en contexte
En Septembre 2023, la capitale indienne, New Delhi, a été l’hôte du sommet du G20, rassemblant les leaders des économies les plus puissantes du monde pour discuter et délibérer sur des questions cruciales qui façonnent le monde aujourd’hui.
Revenons, avec recul et analyse, sur cet événement marquant.
Le G20, qui représente près de 85% du PIB mondial, est devenu un forum central pour le discours économique global depuis sa fondation en 1999. Le sommet de cette année a été particulièrement notable non seulement pour la diversité des thèmes abordés, mais aussi pour le rôle proéminent joué par l’Inde en tant qu’hôte et médiateur dans les discussions sur des sujets tels que le commerce global, le changement climatique, et les tensions géopolitiques actuelles.
L’importance de ce sommet ne peut être sous-estimée, surtout dans le contexte de défis globaux majeurs tels que les tensions accrues entre les grandes puissances. Des thèmes chers aux gouvernements du G20. Il a également mis en lumière l’importance de la coopération multilatérale en dépit des différences idéologiques et nationales.
L’Inde a pu démontrer sa capacité à naviguer dans des eaux diplomatiques complexes, notamment en gérant les absences notables de leaders clés comme Xi Jinping en Chine et Vladimir Poutine en Russie. L’événement a permis à l’Inde d’articuler ses aspirations en matière de gouvernance globale et de proposer des initiatives novatrices comme la « New Spice Road » qui vise à renforcer les liens commerciaux entre l’Inde et l’Europe. Ce point va fortement nous intéresser à travers cet article.
L’Inde au cœur de la diplomatie : manœuvre agile sur la scène globale
Comme nous l’avons dit, le sommet du G20 à New Delhi a mis en lumière le rôle central de l’Inde dans la facilitation du dialogue entre des nations aux positions souvent divergentes. En tant qu’hôte, elle a démontré une finesse diplomatique remarquable.
La présence de figures internationales d’origine indienne, telles que le Premier Ministre Rishi Sunak, le Président du Groupe de la Banque Mondiale Ajay Banga, et Gita Gopinath, Première Directrice Générale Adjointe du FMI, a témoigné de l’influence croissante de la diaspora indienne sur la scène globale. Leur implication dépasse la simple symbolique, mettant en évidence l’influence de la diaspora indienne dans la politique mondiale et la structure économique.
L’Inde a également illustré son potentiel en tant que médiateur dans les disputes globales, un rôle qui a été mis en avant lors des discussions sur des sujets divisés comme les activités de la Russie en Ukraine. Cela a renforcé la stature de l’Inde comme un conduit diplomatique possible dans une arène géopolitique fragmentée.
La New Spice Road : redéfinir l’équilibre du pouvoir
La proposition de la « New Spice Road » (pour Nouvelle Route des Épices) va au-delà des simples considérations économiques. Cette proposition est une alternative à l’initiative Belt and Road de la Chine, et vise à établir une voie commerciale entre l’Inde et l’Europe. L’Inde signale sa volonté d’influencer les normes et structures économiques globales.
Cela pourrait servir de manœuvre stratégique pour contrebalancer l’influence croissante de la Chine, en particulier en Asie et en Afrique. L’initiative a également le potentiel d’attirer des nations cherchant à diversifier leurs alliances économiques, présentant ainsi un contre-narratif substantiel aux ambitions de la Chine pour l’intégration économique globale.
La New Spice Road permet également à l’Inde de moderniser l’héritage de la route historique des épices qui reliait autrefois le sous-continent indien à l’Europe. Ce serait un atout de soft power pour l’Inde, qui renforcera indéniablement ses affiliations culturelles et historiques avec l’Europe.
Si l’initiative gagne du terrain, elle pourrait nécessiter des modifications dans les régulations du commerce international, affecter les orientations politiques des organisations financières globales et inspirer des projets similaires par d’autres économies émergentes. Tout cela favoriserait un environnement plus équilibré.
En effet, le développement de nouvelles routes commerciales revêt une grande importance, surtout dans notre contexte actuel. Elles facilitent les échanges entre les sociétés humaines, favorisant ainsi la croissance économique et renforçant les liens entre les nations.
Un élargissement des horizons commerciaux signifie de nouvelles opportunités d’enrichissement mutuel et de collaboration, contribuant ainsi à l’évolution positive des relations internationales et à la prospérité globale. N’en a-t-on pas plus que jamais besoin ?
Une nouvelle guerre froide ?
Dans le spectre géopolitique contemporain, souvent surnommé la « Nouvelle Guerre Froide« , l’Inde adopte une position nuancée entre les grandes puissances mondiales que sont les États-Unis, la Chine et la Russie. L’Inde a longtemps valorisé une politique étrangère stratégiquement indépendante et non alignée.
Avec les événements récents, comme la guerre russo-ukrainienne en 2022, et plus récemment le conflit au Moyen-Orient, l’approche de l’Inde en matière d’indépendance stratégique sur la scène internationale s’est une nouvelle fois confirmée.
Inde et Russie
L’Inde a été fortement dépendante de la Russie pour ses équipements militaires, notamment ses chars, véhicules blindés, sous-marins, missiles, et avions de combat. Cette dépendance a également touché le secteur économique, en particulier les importations de pétrole et de gaz.
Les prix élevés du pétrole et les sanctions occidentales ont conduit l’Inde à accepter favorablement l’offre russe de pétrole à des prix avantageux en 2022. Cette dépendance stratégique envers la Russie montre que l’Inde a choisi cette voie pour servir au mieux ses intérêts nationaux, y compris ses relations avec la Chine.
Inde et Chine
Les dirigeants indiens gardent en permanence à l’esprit leur rivalité stratégique avec la Chine, marquée par une frontière himalayenne contestée. Les tensions se sont concrétisées en 2020 avec des affrontements entre les troupes chinoises et indiennes, entraînant des pertes humaines significatives.
Dans ce contexte, l’Inde a un besoin accru de maintenir de bonnes relations avec la Russie, en raison de la nécessité d’un accès aux armes russes en cas de conflit à grande échelle. De plus, les dirigeants indiens peuvent voir la Russie comme un acteur potentiellement utile pour contenir la Chine ou servir de médiateur.
Inde et Occident
L’Occident a tenté de persuader l’Inde d’abandonner sa neutralité envers la Russie, mais l’histoire a suscité des doutes. En 1962, malgré des liens étroits avec l’Union soviétique, la Russie n’a pas aidé l’Inde lors du conflit sino-indien.
Les dirigeants indiens ont également des réserves envers l’Occident, en particulier les États-Unis, en raison d’incidents passés, comme l’envoi du groupe tactique de porte-avions Enterprise dans le golfe du Bengale en 1971.
Cependant, l’Inde veut être reconnue comme un acteur majeur et rappelle son alliance avec la Russie pour renforcer sa position. Elle estime que l’Occident a également besoin d’elle, ce qui lui confère une certaine assurance quant à son soutien, en dépit de son orientation stratégique actuelle. Cette perception est renforcée par le fait que l’Occident n’a pas imposé de fortes pressions sur l’Inde malgré l’invasion russe de l’Ukraine.
Inde et Moyen-Orient
Depuis l’intervention du Hamas en Israël, l’Inde se montre prudente, n’ayant proposé aucune médiation entre les deux parties, alors que pourtant bien placé pour le faire. Elle condamne largement toute action terroriste. Elle plaide pour que les conflits armés soient «résolus par le dialogue et la diplomatie».
«Nous soutiendrons tout effort pour maintenir la paix dans le monde.» exprimait son premier ministre. D’ailleurs lors du Sommet du G20 le slogan de l’Inde pour le G20 vante un idéal d’harmonie: «Une Terre, une famille, un futur.»
Équilibre stratégique
L’Inde cherche donc à rester une puissance eurasienne, oscillant entre l’Est et l’Ouest selon ses priorités. Elle entretient des liens militaires avec Moscou, reconnaît l’importance économique de Pékin, et voit l’Amérique comme un contrepoids stratégique tant que cela fonctionne à son avantage.
Cette approche nuancée reflète la volonté de l’Inde de naviguer habilement dans le complexe triangle géopolitique Chine-Russie-USA, tout en préservant ses intérêts nationaux.
Évaluation de l’efficacité des forums multilatéraux comme le G20
Les forums multilatéraux tels que le G20, le G7 et les Nations Unies ont joué un rôle significatif dans la gestion des défis mondiaux, la promotion de la coopération économique et la facilitation des engagements diplomatiques1.
Avec une décennie depuis son élévation au rang de forum de leadership mondial, le G20 mérite une évaluation nuancée et actualisée. Il a été créé dans un contexte de crise financière majeure et a continué à évoluer pour répondre aux défis mondiaux variés.
Cependant, la transition vers un multilatéralisme efficace reste un défi, avec une recherche continue d’équilibre entre consensus et efficacité dans un monde multilatéral qui tente d’évoluer.
Perspective sur les futurs engagements diplomatiques
L’Inde, en tant qu’hôte récent du sommet du G20, a pris des initiatives notables en proposant des alternatives économiques et en jouant un rôle de médiateur dans des questions géopolitiques délicates.
Le sommet a également mis en lumière l’effort collectif des nations pour atteindre un consensus sur des sujets de discorde mondiale, mettant en évidence la pertinence de ces forums dans la promotion du dialogue et de la coopération internationale
Les futurs engagements diplomatiques seront probablement influencés par la volonté des administrations, comme celle de Biden, de reconsolider un consensus politique sur l’engagement global et de persuader les partenaires étrangers de la constance globale de leur pays. Un autre défi et pas des moindres…
Ces réflexions finales soulignent la nécessité d’une évaluation continue des structures multilatérales existantes et envisagent une diplomatie future plus inclusive et efficace, tout en reconnaissant les défis inhérents à la réalisation de ces objectifs dans un environnement géopolitique en évolution rapide et actuellement très instable.
