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MAIS OÙ VA DÉBUTER LA PROCHAINE GUERRE MONDIALE ? | PHILIPPE FABRY

Entretien avec Philippe Fabry sur la prochaine guerre mondiale

Les conflits du monde actuel : une analyse historionomiquede Philippe Fabry

Philippe Fabry est le créateur de l’historionomie, une science qui cherche à dégager des lois générales de l’histoire.

Il aborde lors de notre entretien les conflits actuels au Moyen-Orient, en Ukraine et en Arménie, et les conséquences qu’ils peuvent avoir sur le monde et analyse les enjeux, les stratégies et les risques de conflit entre les grandes puissances, notamment les États-Unis, la Chine, la Russie et l’Inde.

Enfin, il examine la situation de l’Europe et de la France, et les défis qu’elles doivent relever au XXIe siècle.

Atlas Des Guerres A Venir- Philippe Fabry

Le conflit entre l’Ukraine et la Russie

Selon les projections de 2019 de Philippe Fabry, la Russie pouvait envisager une invasion de l’Ukraine sur ses trois côtés, dès lors qu’elle aurait rétablit son influence sur les territoires qui étaient sous le contrôle de l’URSS, tels que la Biélorussie et la Crimée, tout en s’attachant à l’économie puissante de l’Allemagne.

De plus, elle cherchait à sécuriser ses frontières occidentales, menacées par l’OTAN, ainsi que ses frontières méridionales, exposées au risque de l’islamisme.

Plusieurs scénarios pouvaient alors se dessiner :

  • D’une part, une offensive rapide et massive de la Russie qui lui permettrait de prendre le contrôle de l’Ukraine en quelques semaines,
  • D’autre part, une stratégie de guerre hybride, impliquant un soutien aux séparatistes du Donbass et des actions visant à semer le trouble dans d’autres régions du pays.

Dans les deux cas, les réponses des autres puissances sont limitées : les États-Unis risqueraient une confrontation nucléaire en cas d’intervention militaire directe et se contenteront probablement de sanctions économiques.

poutine zelensky

Le conflit entre Israël et les Palestiniens

Depuis sa création en 1948, l’État d’Israël a été au cœur d’un conflit persistant avec les Palestiniens, marqué par des déplacements massifs de populations et une série de guerres, d’intifadas, d’attentats et de tirs de roquettes.

Ce conflit complexe implique également plusieurs puissances régionales telles que l’Iran, la Turquie, l’Égypte et l’Arabie saoudite, qui prennent position en faveur d’Israël ou des Palestiniens, en fonction de leurs intérêts propres et de leurs idéologies respectives.

Philippe Fabry estime qu’Israël a fait des choix stratégiques discutables, notamment en s’isolant diplomatiquement, en poursuivant la colonisation des territoires occupés et en sous-estimant la résilience du Hamas.

Le Hamas, mouvement islamiste contrôlant la bande de Gaza, a surpris Israël par sa capacité de résistance, sa force militaire et son soutien populaire.

Bien qu’il ne soit pas représentatif de la diversité et de la modération du monde arabe, il bénéficie néanmoins de la solidarité des peuples arabes envers la cause palestinienne, motivée par des questions d’identité et de fraternité.

Le conflit israélo-palestinien reste un sujet non résolu, susceptible d’entraîner à tout moment une escalade des tensions.

L’Iran, soutien du Hamas, pourrait être tenté d’intervenir, déclenchant ainsi une réaction d’Israël et des États-Unis.

Les États-Unis, allié principal d’Israël, pourraient être contraints de revoir leur soutien en raison de la pression de l’opinion publique et de la communauté internationale.

Par ailleurs, des acteurs régionaux comme la Turquie, l’Égypte et l’Arabie saoudite pourraient chercher à intervenir de manière plus active, soit pour apaiser le conflit, soit pour en tirer profit.

Benjamin Netanyahu

Le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan

Le différend entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan concerne le Haut-Karabakh, une zone principalement habitée par des Arméniens mais située à l’intérieur de l’Azerbaïdjan.

Ce contentieux trouve ses racines à la fin de l’ère soviétique, lorsque le Haut-Karabakh a été rattaché à l’Azerbaïdjan malgré une autonomie accordée aux Arméniens. Après l’effondrement de l’URSS en 1991, le Haut-Karabakh a proclamé son indépendance, entraînant un conflit armé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan qui a provoqué des milliers de décès et de déplacements de populations.

Bien qu’un cessez-le-feu ait été conclu en 1994, le conflit a repris en 2020 avec une offensive menée par l’Azerbaïdjan, soutenue par la Turquie.

Philippe Fabry analyse le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan commeun affrontement civilisationnel, s’inscrivant dans une dynamique entre le christianisme et l’islam, mais aussi entre l’Europe et l’Asie.

L’Arménie, en tant que nation chrétienne, revendique une longue histoire avec le christianisme, se considérant comme le premier État à l’avoir adopté officiellement en 301. D’un autre côté, l’Azerbaïdjan, enraciné dans la culture turque et perse, se positionne dans le giron de l’islam.

Sur le plan des alliances, l’Arménie bénéficie du soutien de la Russie, qui la perçoit comme un allié stratégique et un contrepoids à la Turquie. En revanche, l’Azerbaïdjan est soutenu par la Turquie, qui cherche à accroître son influence dans la région et à affaiblir la Russie.

Le conflit s’est partiellement résolu avec la signature d’un cessez-le-feu en novembre 2020, sous la médiation de la Russie qui a déployé des forces de maintien de la paix dans la région contestée du Haut-Karabakh.

Bien que l’Azerbaïdjan ait repris le contrôle d’une partie du territoire, l’Arménie a conservé une portion où réside la majorité des Arméniens.

Cependant, ce cessez-le-feu demeure fragile et la situation reste tendue, le risque de reprise des hostilités subsistant en cas de non-respect des accords par l’une ou l’autre des parties.

Les implications du conflit sont significatives pour l’avenir de la région, un carrefour entre l’Europe, l’Asie et le Moyen-Orient, notamment en raison de ses abondantes ressources énergétiques.

Carte de l'Asie du Sud, de l'Est et du Sud-Est
Carte de l’Asie du Sud, de l’Est et du Sud-Est-© Judy Gallagher, Flickr, CC BY 2.0

La rivalité entre la Chine et l’Inde

Philippe Fabry observe que la Chine et l’Inde, en tant que les deux pays les plus peuplés au monde et d’importants acteurs émergents du XXIe siècle, se livrent une compétition pour le leadership économique, politique et militaire, aussi bien en Asie que dans le monde entier.

Cependant, cette rivalité est exacerbée par un différend territorial qui s’étend sur plus de 3 000 kilomètres le long de leur frontière commune, dans la région himalayenne. Cette zone a été le théâtre de plusieurs affrontements, dont les plus notables ont eu lieu en 1962, 1967, 1987 et plus récemment en 2020, entraînant des pertes humaines.

Selon Philippe Fabry, la Chine cherche à tirer parti de sa période démographique favorable, qui devrait se refermer vers 2030, pour surpasser les États-Unis et accéder au statut de première puissance mondiale.

Dans ce cadre, la Chine vise également à sécuriser sa frontière himalayenne, considérée comme sa zone la plus vulnérable. Elle poursuit cet objectif en revendiquant des territoires contestés avec l’Inde et en renforçant son alliance avec le Pakistan, l’adversaire historique de l’Inde.

La puissance américaine et ses alliés

Philippe Fabry analyse les États-Unis en tant que première puissance mondiale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, qu’ils ont construit un système d’un système international basé sur leurs valeurs, leurs intérêts et leurs alliances.

Ils ont joué le rôle de gendarme mondial, intervenant dans de nombreux conflits pour soutenir la démocratie et les droits de l’homme, tout en contenait les menaces adverses. Parallèlement, ils ont été moteur dans l’innovation, la science et la culture, attirant les talents du monde entier.

Philippe Fabry reconnaît que bien que les États-Unis aient connu des moments difficiles, notamment avec la guerre du Vietnam qui a sapé leur confiance morale et leur volonté d’intervention, ils ne sont pas en déclin.

Il conservent leur statut de première puissance mondiale devant la Chine, malgré les problèmes internes de cette dernière, avec des atouts majeurs tels que leur dynamisme démographique, leur diversité culturelle, leur leadership technologique et leur influence culturelle.

Il explique que les États-Unis doivent relever le défi stratégique inédit de faire face à la fois à la Chine et à la Russie et maintenir leur présence et leur influence dans des régions clés comme l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie, tout en évitant les pièges de la sur-extension et de l’isolationnisme.

Fabry souligne également l’importance pour les États-Unis de préserver la confiance et la solidarité de leurs alliés, essentiels pour leur sécurité et leur prospérité.

Sommet de l'OTAN à Vilnius-2023
Sommet de l’OTAN à Vilnius-2023.

L’Europe et la France face aux défis du XXIe siècle

Philippe Fabry analyse l’Europe comme un continent marqué par des cycles de gloire et de déclin, de paix et de guerre, de progrès et de régression. Aujourd’hui, elle est unie par l’Union européenne, une organisation politique et économique regroupant 27 pays, représentant plus de 500 millions d’habitants, et constituant la première puissance commerciale mondiale.

Toutefois, elle est également fragmentée par des différences culturelles, sociales et politiques qui entravent son intégration et sa cohésion.

Fabry soutient que l’Europe est dominée par l’espace rhénan, s’étendant de la Suisse à la Hollande en passant par l’Allemagne et la France. Selon lui, cet espace impose son idéologie et son mode de vie au reste du continent, caractérisé par une culture plus monoculturelle, rurale et populaire.

Il décrit l’espace rhénan comme cosmopolite, libéral, multiculturel et urbain, mettant l’accent sur le commerce, la finance et la technocratie.

Il affirme que la France fait partie de l’Europe périphérique, s’étendant de l’Espagne à la Pologne en passant par l’Italie et la Hongrie.

Selon lui, la France possède des atouts pour reprendre le leadership en Europe, notamment dans les domaines du nucléaire, assurant une indépendance énergétique et une capacité de dissuasion, ainsi que sur le plan démographique, garantissant un renouvellement générationnel et une vitalité culturelle.

Philippe Fabry estime que la France doit défendre ses intérêts et ses valeurs contre l’hégémonie de l’espace rhénan et les menaces extérieures.

La 5e République et la crise de la démocratie française

Philippe Fabry critique la 5e République, régime politique en place en France depuis 1958, instauré par le général de Gaulle en remplacement de la 4e République jugée instable et inefficace.

La 5e République, caractérisée par un pouvoir présidentiel fort, est qualifiée de plébiscitaire, le président étant élu au suffrage universel direct et disposant du pouvoir de nommer le Premier ministre et le gouvernement.

Philippe Fabry considère ce régime comme non démocratique, soumis aux pressions des lobbies, des médias et des sondages, et ayant entraîné une perte de culture du débat, du compromis et de la négociation en France.

Proposant une réforme constitutionnelle, Fabry préconise l’instauration d’un régime parlementaire, où le pouvoir exécutif serait exercé par le Premier ministre, issu de la majorité parlementaire.

Dans ce cadre, le président de la République serait élu au suffrage universel indirect, par un collège électoral, et jouerait un rôle d’arbitre et de garant des institutions.

Il suggère également de renforcer le rôle du Parlement, composé de deux chambres : une chambre basse élue au scrutin proportionnel et une chambre haute élue au scrutin majoritaire.

Enfin, il propose de rétablir le dialogue entre les forces politiques, sociales et économiques en vue de construire un projet commun pour la France.

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