Mise en contexte
L’initiative « Belt and Road » (BRI), lancée par le président chinois Xi Jinping en 2013, est l’un des projets d’infrastructure les plus ambitieux à l’échelle mondiale.
Destinée à promouvoir le développement et l’investissement, la BRI vise à connecter l’Asie de l’Est à l’Europe, redéfinissant ainsi les routes commerciales et de coopération internationales.
Elle se concentre principalement sur le développement des infrastructures, mais possède également une importante composante de soft power, avec des stratégies d’influence visant à façonner les écosystèmes d’information globaux au profit de la Chine.
Pour le Brésil, la participation potentielle à la BRI représente une opportunité de renforcer ses relations avec la Chine, son principal partenaire commercial et une source majeure d’investissement direct étranger, notamment dans les domaines de l’énergie et de l’infrastructure.
Bien que le Brésil ne soit pas actuellement membre de la BRI, les invitations faites par la Chine à l’Amérique latine suscitent des attentes quant à une relation plus étroite et productive. L’ambassadeur de Chine au Brésil a publiquement encouragé Brasilia à rejoindre la famille de la BRI, promettant de porter les relations bilatérales à un niveau supérieur.
L’importance de la BRI pour le Brésil réside dans son potentiel à intégrer davantage le pays dans une dynamique géo-économique en plein essor, avec la possibilité de contribuer à l’émergence d’une nouvelle architecture économique mondiale et à renforcer le développement stratégique du Brésil dans un contexte de coopération internationale.
Historique et développement de l’initiative « Belt and Road »
La BRI est née de la volonté de la Chine de revitaliser les anciennes routes de la soie et d’étendre son influence économique à l’échelle mondiale. Initiée lors de visites officielles au Kazakhstan et en Indonésie, la BRI a pour objectif de développer des réseaux commerciaux et d’infrastructure reliant l’Asie, l’Afrique, l’Europe et au-delà.
Les motivations de la Chine sont à la fois économiques et stratégiques. Économiquement, la BRI vise à ouvrir de nouveaux marchés pour les entreprises chinoises et à faciliter le commerce international. Stratégiquement, elle cherche à consolider le rôle de la Chine en tant que puissance mondiale influente, en utilisant le soft power et les investissements pour renforcer ses liens diplomatiques et économiques.
L’expansion de la BRI a été rapide, avec des projets d’infrastructure d’envergure, comme la construction de chemins de fer, de ports, de routes et de pipelines. En plus de l’infrastructure physique, la Chine a investi dans des projets de cybersécurité et de connectivité numérique, visant à créer un réseau de commerce et de communication intégré et bénéfique pour ses partenaires et elle-même.
Les étapes clés de la BRI comprennent l’adhésion de nombreux pays et la signature de partenariats stratégiques, ainsi que l’organisation de forums internationaux pour consolider les alliances et discuter des projets futurs, soulignant l’importance de la collaboration et de la complémentarité entre les stratégies de développement des nations participantes.
Les implications géo-économiques globales
L’initiative Belt and Road a engendré un impact substantiel sur le commerce mondial, ayant déjà investi environ 1 trillion de dollars dans divers projets d’infrastructure à travers le monde, avec des prévisions de dépenses pouvant atteindre jusqu’à 8 trillions de dollars au fil de son développement.
Parmi les projets les plus marquants figure le Corridor économique Chine-Pakistan (CPEC), estimé à 62 milliards de dollars, démontrant la portée et l’ambition des engagements de la Chine.
Les ambitions de la Chine pour la BRI sont significatives, avec 147 pays impliqués, représentant deux tiers de la population mondiale et 40% du PIB mondial, signalant ainsi la portée massive de l’initiative en termes de commerce et de développement économique.
La BRI a pour objectif d’améliorer les connexions de transport entre l’Asie et l’Europe, ce qui pourrait réduire de moitié les coûts de commerce entre les pays impliqués, avec des bénéfices potentiellement conséquents pour le commerce mondial. Une telle réduction pourrait augmenter le commerce mondial de 12%, avec les pays d’Europe de l’Est et d’Asie Centrale bénéficiant le plus de ces avantages.
Ces développements infrastructurels visent à favoriser le développement économique des régions occidentales de la Chine, telles que la province du Xinjiang, tout en sécurisant des approvisionnements énergétiques à long terme, notamment via des routes que les forces armées américaines ne pourraient perturber.
Cependant, l’initiative a aussi soulevé des préoccupations, en particulier en ce qui concerne les dettes contractées par les pays participants pour financer les améliorations de l’infrastructure, avec des critiques sur les processus d’appel d’offres opaques et la nécessité d’utiliser des entreprises chinoises, parfois au détriment de l’économie locale.
Opportunités pour le Brésil
L’engagement potentiel du Brésil dans l’initiative Belt and Road (BRI) peut présenter d’importants avantages économiques et renforcer significativement son infrastructure et sa connectivité.
Étant le plus grand récipiendaire sud-américain d’investissements dans le cadre de la BRI, le Brésil pourrait bénéficier de l’afflux de capitaux chinois, notamment dans des secteurs tels que les transports, l’énergie et les communications.
Les investissements dans l’infrastructure, cruciaux pour le développement économique du Brésil, pourraient être amplifiés par la BRI, avec des projets qui pourraient inclure la modernisation des ports, la construction de nouvelles voies ferrées et de routes, ainsi que l’amélioration des réseaux d’énergie.
Ces améliorations d’infrastructure pourraient à leur tour réduire les coûts logistiques, augmenter l’efficacité du transport de marchandises et stimuler le commerce international.
Avec la Chine en tant que premier partenaire commercial du Brésil, l’intégration dans la BRI pourrait encore approfondir les liens économiques, permettant l’accès à un réseau de commerce plus vaste et diversifié. En 2020, le commerce entre la Chine et le Brésil a atteint 102 milliards USD, et une collaboration renforcée pourrait voir ce chiffre augmenter significativement.
Défis et critiques
Sur le plan géopolitique, la BRI est perçue par certains comme un levier pour la Chine d’exercer une influence stratégique accrue sur les pays participants, souvent à travers des accords de financement assortis de clauses restrictives.
Une étude de 2021 a analysé plus de cent contrats de financement de la dette signés par la Chine avec des gouvernements étrangers, révélant des conditions souvent contraignantes, telles que des restrictions sur les restructurations avec le groupe des 22 principales nations créancières connu sous le nom de « Club de Paris« .
Ces accords peuvent donner à la Chine le droit d’exiger des remboursements à tout moment, renforçant ainsi sa capacité à utiliser le financement comme un outil d’influence sur des questions sensibles comme Taiwan ou le traitement des Ouïghours.
En ce qui concerne la durabilité et l’autonomie, les critiques pointent du doigt les risques de « piège de la dette » pour les pays qui contractent d’importants emprunts pour financer des améliorations d’infrastructures. Les projets de la BRI, considérés comme des entreprises commerciales par la Chine, impliquent des prêts à des taux d’intérêt proches du marché qui doivent être entièrement remboursés.
Certains investissements de la BRI ont été critiqués pour leurs processus d’appel d’offres opaques et l’obligation d’engager des entreprises chinoises, ce qui a parfois conduit à l’inflation des coûts, à l’annulation de projets et à des réactions politiques défavorables.
Par exemple, en Malaisie, l’ancien Premier ministre Mahathir bin Mohamad a annulé des projets de la BRI évalués à 22 milliards de dollars en raison de préoccupations sur leur surévaluation, bien qu’il ait plus tard exprimé son « soutien total » à l’initiative.
Perspectives futures
Les perspectives futures pour le Brésil dans le cadre de l’initiative Belt and Road présentent à la fois des opportunités et des défis. D’un point de vue politique, le Brésil peut adopter une approche prudente et sélective, en privilégiant des projets qui maximisent les avantages économiques tout en préservant son autonomie stratégique.
Cela pourrait inclure des négociations pour des termes de prêt plus favorables et des garanties de participation des entreprises locales, afin de stimuler l’économie interne et de réduire le risque de dépendance excessive envers la Chine.
À long terme, le Brésil peut chercher à équilibrer sa collaboration dans la BRI avec d’autres partenariats internationaux, pour diversifier ses relations économiques et réduire les risques géopolitiques.
Les accords de libre-échange, comme celui en cours de négociation entre le Mercosur et l’Union européenne, peuvent servir de contre-poids à l’influence chinoise, tout en ouvrant de nouveaux marchés pour les produits brésiliens.
En termes de collaboration, le Brésil pourrait se concentrer sur des projets qui offrent des bénéfices mutuels clairs, tels que les investissements dans les infrastructures logistiques qui améliorent l’exportation de ses matières premières, tout en attirant des investissements technologiques qui peuvent aider à moderniser ses industries et à renforcer sa compétitivité globale.
En plus de l’infrastructure, le BRI comporte un important volet de soft power. Depuis 2019, le China Media Group a formé des alliances avec de grands diffuseurs brésiliens, influençant ainsi l’écosystème d’information global.
La présence médiatique de la Chine au Brésil est notable, en particulier dans les secteurs où le Brésil ne dispose pas d’une couverture médiatique spécialisée sur la Chine.
Ces éléments suggèrent que, bien que le Brésil ne soit pas encore membre de la BRI, les bases d’une intégration future sont déjà posées.
Les relations économiques et politiques historiques entre les deux pays et les engagements à long terme pourraient mener à une collaboration stratégique renforcée, notamment sous la direction du président récemment inauguré, Luiz Inácio Lula da Silva.
Conclusion
En conclusion, l’initiative Belt and Road de la Chine et son interaction avec des pays comme le Brésil illustrent l’importance croissante des liens économiques en tant que vecteurs de réduction des tensions géopolitiques.
En tissant des relations économiques interdépendantes, la BRI a le potentiel de forger des liens plus étroits entre les nations, en favorisant la compréhension mutuelle et en diminuant les possibilités de conflit. Le partenariat économique, lorsqu’il est équilibré et mutuellement bénéfique, peut servir de pont pour le dialogue et la coopération, même dans les contextes politiques les plus tendus.
Pour des pays comme le Brésil, s’engager dans des initiatives globales comme la BRI peut ouvrir la voie à une croissance économique accélérée et à une présence renforcée sur la scène mondiale.
Ces engagements doivent cependant être soigneusement équilibrés avec des politiques qui garantissent la durabilité, l’autonomie et le respect des normes internationales, afin de s’assurer que de telles initiatives ne conduisent pas à une dépendance unilatérale, mais plutôt à une véritable coopération internationale.
À une époque où les tensions mondiales semblent parfois insurmontables, des projets comme la BRI offrent un exemple tangible de la manière dont les intérêts économiques partagés peuvent ouvrir des canaux de communication et de collaboration, et potentiellement, servir de catalyseur pour une paix et une prospérité durables.
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Jean D.