Le chef de Wagner fait des déclarations fracassantes concernant de potentiels crimes de l’Armée Française en Afrique
La semaine du 8 mai 2023, deux informations sont passées relativement inaperçues, l’une dans les médias français, l’autre sur le réseau Telegram :
- La première est la désignation par le parlement français du groupe paramilitaire russe Wagner comme « organisation terroriste ».
- Suite au vote du parlement français, le chef de Wagner, Evgueni Prigojine, a proféré de graves accusations concernant de potentiels crimes commis en Afrique par l’armée Française et dont le groupe paramilitaire aurait été le témoin.
Le Groupe Wagner est une société militaire privée russe chargée d’assurer la défense des intérêts extérieurs de la Russie, fondée en 2014 par l’homme d’affaires Evgueni Prigojine, un proche du président russe Vladimir Poutine.
Il a été mis en lumière par la Guerre en Ukraine, lors de laquelle il s’est illustré en infligeant de nombreuses défaites à l’armée ukrainienne, notamment dans la zone géostratégique de Bakhmut, dont il a permis la prise.
Wagner joue un rôle majeur dans le conflit en Ukraine, mais également au Moyen-Orient et en Afrique, où l’influence russe est importante, mais « ni à surestimer ni à sous-estimer » selon Open Book Report :
« L’influence de la Russie en Afrique s’est accrue ces dernières années, mais pas dans la mesure où les services de renseignement et les médias américains affirment qu’elle est un facteur déterminant des conflits régionaux. »
« L’implication de la Russie en Afrique peut être considérée comme opportuniste, capitalisant sur les échecs occidentaux.«
« L’Occident a souvent soutenu des gouvernements instables ou illégitimes qui ont alimenté des récits minant leur crédibilité sur la scène internationale. »
« Un exemple notable est la mention de la Libye par Poutine dans son discours du 24 février 2022, qui a coïncidé avec l’opération militaire spéciale russe en Ukraine. »
« M. Poutine a fait référence à l’utilisation illégale de la puissance militaire contre la Libye, qui a détruit l’État et poussé le pays vers une crise humanitaire, ainsi qu’aux interventions ratées menées par les États-Unis au Moyen-Orient. »
« Depuis la guerre civile libyenne de 2011, la Russie, y compris Wagner, a étendu sa présence en Libye en créant une relation plus profonde avec le président libyen Khalifa Belqasim Haftar. »
« On peut supposer que l’intérêt de la Russie pour l’Afrique est similaire à celui de la Chine et des États-Unis. »
« D’une part, ils cherchent à contrer l’influence occidentale dans la région en proposant des partenariats avec des pays africains désireux de réduire leur dépendance à l’égard de l’aide occidentale. Certains sont contraints par une politique américaine défavorable. »
– Open Book Report
« L’administration Biden s’inquiète depuis longtemps du rôle de Wagner non seulement en Ukraine, où il a été le fer de lance des efforts visant à obtenir la victoire de la Russie sur Bakhmut, mais aussi et surtout de sa présence croissante en Afrique. »
« Les États-Unis considèrent que la présence de M. Wagner en Afrique s’inscrit dans le cadre d’efforts plus larges visant à étendre l’influence de la Russie sur le continent. »
« Wagner est depuis longtemps actif en Syrie depuis que le président Assad a invité les forces alliées russes à participer au conflit en 2015. »
« Dernièrement, l’Occident a même imputé la crise soudanaise en cours à la Russie et à ses mercenaires. »
– Zero Hedge
Le groupe Wagner dans le viseur des États-Unis, déclaré « organisation terroriste » par le parlement Français
Le député Renaissance de Paris, Benjamin Haddad, a soutenu le 9 Mai, avec des collègues centristes, LR et écologistes, une résolution demandant le classement par l’U.E. du groupe paramilitaire russe Wagner comme « organisation terroriste ».
Le vote a été quasi unanime à l’encontre de la milice implantée en Ukraine, mais aussi en Afrique où les intérêts français sont directement visés.
Benjamin Haddad avait accusé Wagner de répandre « l’instabilité et la violence » partout où il opère.
« Ils tuent et torturent, massacrent et pillent, intimident et manipulent en toute impunité. Ils intimident et manipulent dans une impunité presque totale. »
« Ce groupe cible délibérément des civils (assassinats, massacres, exactions, pillages, intimidations) pour obtenir un gain politique, et participe à des opérations de déstabilisation de pouvoirs publics (comme en Libye ou au Soudan). »
« Toutes ces actions correspondent à la définition du terrorisme retenue par l’UE. Wagner n’est pas une entreprise militaire privée classique motivée par la recherche d’un profit, il a un projet politique : lutter contre les démocraties et soutenir les régimes autoritaires, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. »
– Le Monde Juif
« […] Cette résolution, non contraignante, envoie avant tout un message politique. Mais l’Assemblée cherche aussi à créer une dynamique européenne. Ce que l’on demande concrètement, c’est l’inscription de Wagner sur la liste des groupes terroristes de l’UE. »
Cette résolution appelle la France et l’Europe à placer Wagner sur la liste des groupes terroristes, au même titre que Al Qaida, Daesh ou le Hamas.
Le chef de Wagner, Prigozhin riposte et accuse l’armée Française de potentiels crimes commis en Afrique
Suite à ce vote initié par le gouvernement Macron, Eugène Prigozhin s’est empressé de faire des déclarations dévastatrices sur son canal Télégram concernant de potentiels crimes de l’armée Française en Afrique.
» Que peut-on bien en dire…[…] Des soldats français vendaient des organes, ou plutôt des gens pour des organes qui étaient emmenés là pour les éviscérer », a lâché Evgunéni Prigojine, commentant l’appel de l’Assemblée nationale française à inscrire la PMC Wagner sur la liste de l’Union européenne des organisations terroristes.
« Nous avons sauvé toute l’Afrique centrale des Français […] Nous avons sauvé des dizaines de milliers de vies contre les terroristes, et surtout les Français… », a affirmé le chef de Wagner, évoquant aussi des viols de filles de 12 ans par des chiens.
– Kompromat-Canal Telegram
Des propos qui raisonnent avec une information officielle datant de 2015
Bien sûr, ses propos de n’engagent que lui et peuvent paraître « fantaisistes » et outranciers.
Néanmoins ils pourraient être au moins partiellement crédibles.
En effet, il a été officiellement reconnu dès 2015 que l’Armée Française s’était déjà rendue coupable de crimes en Afrique et notamment de viols.
En avril 2015, The Guardian, avait révélé une note interne de l’ONU relatant les auditions d’enfants qui dénonçaient des abus sexuels commis par des militaires français en Centrafrique.
« L’étude, commandée par les Nations unies, a révélé que des enfants âgés de neuf ans seulement étaient encouragés à se livrer à des actes sexuels oraux en échange de nourriture ou d’argent, en pleine zone de guerre.«
« Les auteurs présumés étaient principalement des soldats français appartenant à une unité connue sous le nom de force Sangaris, qui opérait avec l’autorisation du Conseil de sécurité, mais pas sous le commandement des Nations unies. »
– The Guardian
Un groupe d’experts indépendants avait alors signalé l’absence de réaction des Nations unies qui avait permis la poursuite des agressions d’enfants par les forces de maintien de la paix françaises en République centrafricaine.
Il n’a, depuis, plus été fait mention de cet « incident » malgré les promesses du Président Hollande d’engager une enquête et personne ne semble avoir été inquiété.
Si le chef de Wagner dit vrai, il semble urgent de détruire la crédibilité de la milice Wagner et de limiter son influence, ainsi que celle de la Russie, sur le continent africain tant convoité.
En outre, cette initiative inopinée du gouvernement Français, n’est pas sans rappeler le mandat d’arrêt lancé par la Cour pénale internationale (CPI) contre le président russe Vladimir Poutine, 20 ans presque jour pour jour après que les États-Unis et le Royaume-Uni aient illégalement envahi l’Irak semant mort et destruction, en n’ayant jamais fait l’objet d’aucune poursuite.
À l’heure de la nouvelle guerre froide, la communication fait rage et la criminalisation de l’ennemi aux yeux des populations Occidentales, demeure l’un des outils majeurs de la guerre de l’information.
Il demeure que ces accusations mutuelles restent énigmatiques : s’agit-il, de part et d’autre, d’anathèmes sans fondements et sans conséquences immédiates ? Quelle-est la part de vérité de ces déclarations ?
Il est difficile de se prononcer.